Marc Hecker a eu la gentillesse de m'envoyer par email son dernier rapport intitulé "Du Bon Usage de la Terreur" publié par l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI) dans la série "Focus Stratégique". Je l'ai lu avec grand intérêt. Marc Hecker explique quand, comment, pourquoi et dans quelles circonstances, un état démocratique peut être amener à "terroriser les terroristes". Une question fort intéressante qui pourrait déboucher sur des heures de débats. Il parle, principalement, de l'utilisation de la torture pour "faire parler" les terroristes, surtout dans un scénario (fort théorique) d'une "ticking bomb". Le débat sur l'utilisation de la torture a largement fait la Une des journaux aux Etats-Unis, après la révélation de l'utilisation de la technique dite du "waterboarding". Marc Hecker conclut, comme de nombreux autres experts et membres de la communauté contre-terroriste que l'usage de la torture est contre-productif.
On regrettera tout de même, dans ce rapport, l'absence de discussions sur les méthodes d'infiltration des groupes terroristes par les services de renseignement d'états démocratiques qui débouchent parfois sur des situations délicates où des agents de l'état se retrouvent impliqués dans des actes terroristes (comme dans le cas de l'opération "Stakeknife" en Irelande, par exemple, ou le cas de Mikel Lejarza dit "el lobo" en Espagne, dont une interview exceptionnelle est accessible en espagnol ici).
Le rapport est accessible ici. Voici quelques extraits:"Il n'est en effet pas rare que des démocraties engagées dans des conflits asymétriques se retrouvent confrontées à des scandales liés à l'utilisation de moyens de terreur. La « gégène » et les « corvées de bois » restent présentes dans les mémoires collectives algérienne et française, près d'un demi siècle après les événements. Les images d'Abu Ghraïb ne seront pas oubliées de sitôt."
(...)
"Quand la contre-insurrection n’a pas les moyens d’assurer la sécurité des civils face aux actions des insurgés, elle peut être tentée de « sur-terroriser » la population. A ce moment-là, il ne s’agit plus seulement de « terroriser les terroristes » mais de terroriser également les civils pour que le coût de leur soutien à l’insurrection (et même de leur neutralité) devienne supérieur à celui de leur adhésion à la contre-insurrection. La logique de responsabilité collective est ici portée à son apogée : toute personne ne coopérant pas avec les forces chargées de lutter contre les terroristes pourra elle-même être considérée comme indirectement responsable des actions commises par ces derniers. Les arrestations arbitraires deviennent monnaie courante et les individus arrêtés sont traités comme s’ils coopéraient avec les terroristes."
(...)
"Si l’effet recherché par l’exercice de la « sur-terreur » est de faire en sorte que les combattants aient trop peur pour poursuivre la lutte et que les civils soient terrifiés à l’idée de rejoindre l’insurrection, les sévices entraînent exactement l’effet opposé. Chez certains activistes, le sentiment d’humiliation peut semble-t-il conduire à une radicalisation puis au passage à l’acte."
(...)
"Toute démocratie tentée par la généralisation et la systématisation de méthodes de terreur parviendra peut-être à des résultats tactiques mais risque fort d’hypothéquer ses chances au niveau stratégique."
«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre»
---Fédor Dostoïevski
lundi 5 mai 2008
"Terroriser les Terroristes"
Publié par Europe in the World à 00:31
Libellés : Europe, Terrorisme
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