Alors que le Pakistan a signé un accord de paix avec les Taliban dans la vallée du SWAT, offrant à ces derniers l'entièreté du pouvoir sans demande de contrepartie, ce sont maintenant les Américains qui songent de plus en plus à passer des accords avec les Taliban. Cela fait un certain temps que les alliés européens suggéraient cette idée, mais il aura fallu attendre l'arrivée combinée d'Obama à la présidence et du Général Petraeus au commandement des forces en Afghanistan pour prendre cette mesure au sérieux.
Comme souligné ici lors de l'accord pakistanais, il y a un danger inhérent à signer un accord avec les Taliban: c'est un signe de défaite contre les insurgés, ce qui risque d'encourager et de renforcer les forces rebelles; il y a un risque de créer un "terroristan", surtout lorsque cet accord ne comprend aucune contrepartie; il y a un dilemme éthique à remettre le pouvoir à un groupe dont le non respect des valeurs humanistes et démocratiques est évident; enfin cela envoie un signal clair aux populations locales, à savoir que le gouvernement n'est pas capable d'assurer leur protection.
D'un autre côté, il faut bien reconnaître que dans la situation de chaos actuelle, et étant donné la faible probabilité d'un accroissement considérable des forces internationales en Afghanistan, il est inévitable de collaborer avec les acteurs de pouvoir locaux. Sans l'aide de ces derniers, jamais les forces de la coalition n'arriveront à stabiliser l'Afghanistan et à gagner "le coeur et les esprits" des populations locales. Ces acteurs locaux ne sont généralement pas les gouverneurs ou les policiers (souvent corrompus et ne bénéficiant d'aucune légitimité locale) mais plutôt les chefs tribaux et, dans certains cas, les Taliban.
Dès lors, il convient d'étudier plus en profondeur les structures tribales de l'Afghanistan et les différents courants présents au sein des Taliban. En effet, comme très bien expliqué dans cet article, les Taliban ne forment pas un groupe homogène. Evidemment, même le Taliban le plus modéré a des valeurs complètement antagonistes aux nôtres, et ils considèrent même sans doute l'occident comme un ennemi. Mais en offrant de négocier à certains groupes tribaux et à certains Taliban modérés, tout en exigeant des garanties fortes et en assurant un suivi poussé (contrairement à ce qu'ont fait les Pakistanais), il est encore possible d'éviter une faillite totale de l'état afghan.
En d'autres mots, il s'agit d'encourager les forces modérées tout en continuant de chasser les extrémistes. Au fond, que cela nous plaise ou non, avons-nous encore d'autre choix?
Cet accord devra également se faire sur une base régionale, au risque, sinon, de ne faire que repousser les problèmes. En effet, si les Pakistanais signent des accords avec les Talibans anti-Américains et que les forces internationales négocient avec les Taliban anti-Pakistais, on risque de créer non pas un, mais deux "terroristan". Il convient donc d'inclure les puissances régionales voisines dans toute stratégie de négociation afin de trouver un deal solide et durable.
«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre»
---Fédor Dostoïevski
mardi 10 mars 2009
Recommendations pour de Futures Négociations avec les Taliban en Afghanistan
Publié par Europe in the World à 05:39
Libellés : Afghanistan, Insurrection, Talibans
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2 commentaires:
Il n'y a pas de ''taliban modéré'' disait on il y a quelques années. Les choses changent.
L'expression pose pas mal de problème effectivement. Est-ce que cette créature existe?
Il y a des confusions dans cette histoire. Par exemple, Gulbuddin Hekmatyar n'est pas un taliban mais c'est certainement un islamiste et il n'est pas particulièrement modéré.Pourtant c'est probablement la cible prioritaire d'une effort de conciliation...
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