«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

mercredi 6 mai 2009

Quand les Médias se montrent Complices

Ce matin, en allumant ma radio, j'entend les journalistes de La Première, la radio nationale belge, annoncer à grands coups de fanfare une "interview exclusive avec un proche du Mollah Omar", à savoir le Taliban Sirajuddin Haqqani, fils du célèbre combattant Jalaluddin Haqqani.

A priori, comme exprimé dans la citation en-tête de ce blog, je ne suis pas contre les entretiens avec les leaders jihadistes, Taliban et autres. En effet, cela permet souvent d'en apprendre un peu plus sur eux, leurs objectifs, leurs perspectives, etc.

Le problème tient en fait, selon moi, à la manière de présenter les choses et de les mettre en forme. D'une part, assez avec ces "exclusifs"! La Première n'est ni la première (c'est le cas de la dire) ni la dernière à obtenir une interview avec des leaders Taliban (pensons à Paris-Match qui avait photographié les Taliban après la mort des 10 soldats français). Il n'y en fait que peu d'exclusivité dans cette démarche de relations publiques des Taliban! Car il s'agit bien de cela. Lorsque Haqqani se vante que des milliers d'Afghans et de Pakistanais cherchent à joindre ses rangs chaque jour, qu'il ne sait où donner de la tête et qu'il est obligé de refuser des candidatures, on est en pleine opération de démoralisation de l'ennemi (en l'occurence, nous, occidentaux mais surtout Belges). Les journalistes de La Première ne sont-ils donc pas capable de s'en rendre compte? De tels propos visent sans aucun doute à démoraliser les troupes belges en Afghanistan, mais aussi l'opinion publique belge qui à son tour peut faire pression sur le gouvernement pour rapatrier nos soldats.

D'autre part, La Première n'a même pas pris la peine de donner un contre-poids aux affirmations de Haqqani. Nous n'avons eu droit qu'à sa version des faits. Aucun spécialiste pour rappeler qu'al-Qaïda a subit de lourdes pertes ces derniers mois et souffre d'une certaine désorganisation. Personne pour dire que les frappes aériennes des drones de la CIA au Pakistan déstabilisent complètement et font peur à al-Qaïda et aux Taliban. Pas un expert pour expliquer que si les Taliban pakistanais ont certes l'initiative en ce moment, la situation des Taliban afghans n'est pas aussi bonne, sans être mauvaise non plus bien sûr (après tout, Haqqani est obligé d'opérer à partir d'un autre pays que le sien, le Pakistan, ce qui n'est tout de même pas un signe d'initiative absolue, même si l'on sait que le fait qu'ils opèrent à partir du Pakistan pose de gros problèmes aux forces de l'Alliance).

Quand les journalistes vendent la propagande "ennemie" sur nos ondes, il y a selon moi un problème éthique remarquable. Surtout lorsque cette propagande coule au travers du robinet ouvert de l'information, jusque dans nos oreilles, sans la mise en place du moindre filtre protecteur.

2 commentaires:

Ménesglad a dit…

Bonjour Thomas,
Parfaitement d'accord. J'ai abordé ce thème de la "complicité indirecte" et de l'éthique dans ma lettre à Paris-Match dans mon post intitulé "Déshonneur et Trahison" (L'Arène et le Théâtre Scène 9 dans la catégorie Esprit Défense - Posts) :

http://menestreletgladiateur.blogspot.com/search/label/Esprit%20D%C3%A9fense%20%28Posts%29

Ça s'apparente toujours aux "Idiots utiles" de Lénine. Les médias et intellectuels sont horriblement coupables non seulement de cet "Esprit de Munich", mais pire d'un véritable "esprit de collaboration" et donc d'une apologie de l'ennemi pour cause de pacifisme naïf ou d'antioccidentalisme découlant de cette "Repentance historique" instrumentalisée jusqu'à l'absurde.
Cette démoralisation permanente à parfaitement été orgnisée par l'URSS depuis l'entre-deux Guerre. Aujourd'hui que le communisme n'existe plus, elle est logiquement reprise par le terrorisme islamique qui n'est rien qu'une autre forme de communisme bien plus dangereux (puisque religieux) appliquant les "méthodes qui ont fait leur preuves et continuent de les faire" sur l'opinion occidentale défaitiste et culpabilisée de tout.
Tant qu'une prise de conscience (d'ailleurs en cours malgré tout devant les nouvelles réalités du monde) ne se fera pas complètement pour inverser la tendance, il en sera ainsi.
C'est pourquoi les bloggueurs font partis aujourd'hui de cette "micro-tactique" dont parle si bien F de St V. dans son dernier post :

http://mars-attaque.blogspot.com/

Cordialement

F. de St V. a dit…

Aujourd'hui l'intouchable et nécessaire "liberté de la presse" comme le "droit de savoir", tendent à troubler la dichotomie ami/ennemi.

Cette été, j'avais bien mal formulé cela avec la formule: "journalistes choisissez votre camp".

Comme vous le dites se bien, si on ne veut pas des médias soumis et aux ordres, la question des "filtres" et de la juste mesure de l'information ne sont pas encore aujourd'hui au point. Car finalement, la contre-propagande ne fait pas bon ménage avec quelques expériences historiques douloureuses de l'Europe.