«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

mercredi 30 janvier 2008

Terrorisme Nucléaire: Mythes et Réalités

En novembre dernier, les polices slovaque et hongroise annonçaient à la presse l’arrestation de trois hommes, deux Hongrois et un Ukrainien, en possession de 481,4 grammes d’uranium. « Les matériaux auraient pu servir à fabriquer ce que l'on appelle une ‘bombe sale’ », déclarait alors le vice-directeur de la police slovaque Michal Kopcik. Cette affaire a réveillé une nouvelle fois le spectre de l’utilisation de matériel nucléaire par un groupe terroriste. Etant donné ce regain d’intérêt, et l’inquiétude qui l’accompagne, il est utile de briser quelques mythes concernant le « terrorisme nucléaire ».

Le risque de terrorisme nucléaire est très faible. Mais il existe. Et n’a en fait rien de neuf. Une vidéo diffusée en 2002 sur al-Jazeera prouvait qu’al-Qaïda avait envisagé une attaque sur une centrale nucléaire en 2001 avant de se rétracter. Bien auparavant, dans les années 1970-80, l’organisation séparatiste basque ETA s’était déjà attaquée à des centrales nucléaires, tout comme d’autres groupes en Argentine, en Afrique du Sud ou en France. Le terrorisme nucléaire est donc un phénomène qui n’est ni nouveau, ni strictement limité aux groupes jihadistes.

Il est également faux de croire que tous les groupes jihadistes cherchent à se procurer l’arme atomique. Beaucoup de groupes terroristes et insurgés sont conscients qu’une explosion atomique, tuant de manière indiscriminée, pourrait annihiler leur soutien populaire et mener à leur perte. Il y a quelques jours, le 25 janvier, l’Emir des Talibans pakistanais, By'atullah Mahsoud, déclarait sur al-Jazeera :

« L’Islam ne nous autorise pas à tuer des femmes et des enfants. Utiliser une bombe nucléaire conduit à la mort de femmes, enfants, faibles et vieux. Nous ne pouvons pas tuer ces gens, et donc nous n’envisageons pas d’utiliser la bombe atomique. (…) Maintenant, nous craignons que les Etats-Unis utilise la bombe atomique contre les populations musulmanes, comme ils l’avaient fait contre les Japonais. Nous craignons la bombe américaine, mais pas la bombe pakistanaise. Au moins, la bombe pakistanaise est aux mains des musulmans ».

Concrètement, le terrorisme nucléaire peut prendre la forme de quatre « scénarios-catastrophes ». Chaque scénario présente un risque et un taux de probabilité différents :

  1. Les terroristes se procurent une bombe atomique déjà fabriquée. La probabilité qu’un état vende une bombe à un groupe terroriste est très faible. Les représailles contre le régime fautif seraient instantanées et totales. Le vol d’une bombe, par contre, reste possible. Quelques experts sont notamment inquiets au regard de l’arsenal russe, très mal protégé. Mais la Russie et les Etats-Unis développent actuellement des efforts croissants pour résoudre ce problème. Dès lors, si les terroristes n’ont pas réussi à voler une bombe jusqu’à présent, leur tâche sera rendue encore plus complexe dans le futur.
  2. Les terroristes construisent eux-mêmes une bombe atomique. Cette hypothèse est tout simplement improbable. Il suffit d’observer les difficultés rencontrées par les états pour développer un programme nucléaire.
  3. Les terroristes créent une « bombe sale », à partir de matériel radioactif volé ou acheté. C’est sans doute l’hypothèse la plus vraisemblable. Selon la Base de Données sur le Trafic Illicite de l’Agence Internationale pour l’Energie Atomique (AIEA), il y aurait eu 1080 incidents liés au trafic de matériaux nucléaires ou radioactifs découverts entre 1993 et 2006. Ces incidents se sont multipliés ces dernières années, le cas slovaque étant l’un des derniers en date. Cependant, deux éléments permettent de relativiser ces chiffres. En premier lieu, même s’il existe une demande pour de tels matériaux, les vendeurs semblent éprouver des difficultés à trouver des acheteurs. Ainsi, par exemple, en 1994 un groupe d’individus a essayé de vendre de l’uranium hautement enrichi en République Tchèque. Après plusieurs mois, ils ont été arrêtés alors qu’ils n’avaient toujours pas trouvé d’amateurs. En second lieu, les dégâts posés par une « bombe sale » sont très incertains. L’attaque au gaz sarin à Tokyo, qui n’a tué que 10 personnes, a démontré que les produits chimiques font souvent plus de peur que de mal.
  4. Les terroristes explosent un avion sur une centrale nucléaire. Dans ce dernier scénario, la principale difficulté serait de « crasher » l’avion avec suffisamment de précision pour faire exploser le réacteur. En outre, selon plusieurs experts américains, les dommages causés par une telle attaque sur le réacteur seraient limités, voire insignifiants.

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