«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

mardi 4 novembre 2008

Le Kidnapping à l'Heure des Guerres Asymétriques

En Afghanistan, des hommes armés ont kidnappés un membre français d'une organisation humanitaire. Les Taliban affirment ne pas être impliqués.

Cette nouvelle implique plusieurs commentaires. Tout d'abord, ceci remet en évidence la complexité du champs de bataille moderne où les troupes militaires font face à plusieurs ennemis irréguliers, où les civils sont au centre de la guerre (ils en sont l'enjeu autant que les victimes), et où criminels de longue date et criminels d'opportunité prennent avantage du chaos régnant pour tirer des profits personnels.

Ensuite, bien que ce kidnapping soit sans doute l'oeuvre d'une groupe criminel avec des objectifs purement financiers, la technique du kidnapping est de plus en plus utilisée par les groupes terroristes afin soit de satisfaire des demandes soit de financer leurs activités. Un récent rapport classifié de la Defense Intelligence Agency (DIA)a montré que le nombre de kidnappings organisés par des groupes terroristes et insurgés dans le monde s’est considérablement accru ces dernières années, passant de 342 en 2004 à plus de 1500 en 2007, et l’on peut sans doute en attendre encore davantage cette année… Ces kidnappings ont essentiellement lieu en Afghanistan et en Irak, mais d'autres fronts ne sont pas non plus épargnés, notamment en Afrique du Nord.

En fait, le problème des kidnappings devient tellement important et préoccupant qu'il est désormais totalement intégré dans le principe de "guerre contre le terrorisme" côté américain, mais devrait plus généralement être intégré dans les théories des tactiques asymétriques. En effet, un rapport de 168 pages produit par l'US Army à usage officiel uniquement, mais obtenu et mis en ligne par la Federation of American Scientists (FAS), est consacré à l'usage du "kidnapping et de la terreur dans l'environnement opérationnel contemporain". Ce rapport, faisant partie d'une large série, dit qu'il est important de comprendre les motivations et les tactiques des terroristes/kidnappeurs pour mieux les combattre, et propose donc une définition du fléau ainsi que plusieurs études de cas.

Il est à souligner que le problème croissant des kidnappings est un indicateur supplémentaire d'une forme d'adaptation des groupes terroristes qui copient des méthodes qui ont démontré leur efficacité par ailleurs. Dans la grande majorité des cas, il ne s'agit pas d'une alliance entre terroristes et criminels, mais vraiment d'une évolution des tactiques par mimétisme. La multiplication des kidnappings est le résultat de plusieurs phénomènes, incluant le mimétisme, la création de précédent, l'existence de terrains propices (Irak et Afghanistan), etc.

Le ciblage du personnel humanitaire comme dans l'exemple de ce Français kidnappé en Afghanistan ou des nombreux membres d'ONG déjà tués en Afghanistan, bien que sans être des phénomènes nouveaux, constituent également un symptôme de l'asymétrisme contemporain où les organisations humanitaires deviennent des cibles soit parce qu'elles sont vues comme un symbole de l'Occident, soit parce qu'elles sont accusées (à tort ou à raison) d'avoir choisi un camps, soit pour leur cargaison.

Le prisme actuel de "guerre contre le terrorisme", s'il est poursuivi par la prochaine administration, même de manière édulcorée, va sans doute requérir d'autres interventions militaires à l'avenir. De même, le changement climatique pourrait bien nécessiter plus d'interventions humanitaires, encadrées ou non par les militaires. Dans tous les cas, le kidnapping et le ciblage de l'humanitaire constitueront des problèmes croissants.

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