Dans les années 1990, Maajid Nawaz était un jeune garçon d'origine pakistanaise comme les autres en Grande-Bretagne, né et élevé dans l'Essex. Comme d'autres, il est victime de la violence raciste des jeunes du quartier et des forces de police. Un jour, il témoigne directement de la violence la plus brutale lorsqu'un de ses amis se fait poignarder. Un autre jour, le jeune adolescent se fait arrêter "arme au poing" par des policiers parce qu'il jouait avec un fusil en plastique. Il passe la nuit en prison et est relâché le lendemain, le jouet cassé entre les mains.
Le jeune Nawaz est plein de rancoeurs contre cette société qui ne l'accepte pas.
Alors que la colère monte en lui, il se trouve simultanément confronté à une crise d'identité. Est-il Anglais, alors que cette société ne semble pas vouloir de lui? Est-il Pakistanais, alors qu'il ne se sent pas touché par l'héritage culturel de son grand-père? Est-il musulman, alors que ces imams de la mosquée ne parlent pas sa langue et exposent des idées et des concepts si éloignés de sa réalité quotidienne?
A plusieurs milliers de kilomètres des soucis de Maajid, en Bosnie, la guerre éclate. Les images de la guerre et des violences contre des musulmans européens, ainsi que la "bravoure" des moudjahedinnes sont directement projetées dans son salon. Des sentiments confus d'injustice, d'admiration, d'identité islamique montent en lui.
Son éducation à l'Islam se fait dans les rues britanniques, via des groupes de hip-hop, qui lui "parlent" bien plus que les vieux imams radotants. En même temps, le jeune Maajid découvre les écrits de Malcolm X, un jeune militant au discours violent et sans compromis. Maajid veut devenir comme Malcolm X.
Néanmoins, tous ces sentiments demeurent inarticulés. C'est en rencontrant un jeune étudiant en médecine, recruteur pour le groupe terroriste Hizb ut-Tahrir (le parti de la libération), que Maajid va découvrir sa voie. Sa première voie, pour être plus précis. Le recruteur parle un language qu'il comprend et présente un Islam qui lui plaît. Pas seulement une religion, mais une idéologie. Quelque chose qui le transcende, quelque chose qui donne un sens à son existence, quelque chose qui lui offre un objectif et la perspective de devenir quelqu'un. L'espoir de changer le monde.
Devenu membre d'Hizb ut-Tahrir, Maajid déménage vers un campus de Londres fortement peuplé de musulmans pour recruter de nouveaux membres. Il devient président de l'Union des Etudiants, et mène une véritable campagne de recrutement avec l'argent de l'université. Plus tard, une fois son diplôme de droit en poche, il voyagera au Pakistan, au Danemark et en Egypte pour recruter. Il est finalement arrêté en Egypte en 2002 et passe les cinq années suivantes en prison.
Dans la prison égyptienne, il côtoie les assassins de Sadate, les leaders des Frères Musulmans, et d'autres Islamistes radicaux de premier plan. Mais il passe la plupart de son temps à lire le Coran en profondeur, et à l'interpréter pour la première fois sans les filtres de ses camarades d'Hizb ut-Tahrir. Petit à petit, il commence à remettre en doute ses convictions radicales. Comme Malcolm X, il adoucit ses vues et son discours.
En 2006, Maajid retourne en Angleterre et rejoint logiquement les seuls amis qu'il a: Hizb ut-Tahrir. Mais il ne s'y sent plus à l'aise. En 2007, alors qu'il est pressenti pour devenir le leader du groupe en Grande-Bretagne, il annonce qu'il quitte le mouvement et désavoue l'Islam. Plus tard, avec d'anciens camarades des plus hauts échellons d'Hizb ut-Tahrir, Maajid crée la Quilliam Foundation, un think tank dédié à la contre-radicalisation, basé à Londres.
Aujourd'hui Maajid est reçu avec des sourires et des bras grands ouverts par les spécialistes du contre-terrorisme à Washington. Il témoigne même devant le Congrès américain. Bien sûr, des agents du FBI dorment systématiquement dans la chambre d'hôtel en face de la sienne, mais ça ne le dérange pas outre-mesure. Maajid a trouvé sa voie. Pour la deuxième fois. Après avoir donné 13 ans de sa vie à l'extrémisme, il compte bien passé le reste à le combattre, dans l'espoir de changer le monde...une nouvelle fois.
«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre»
---Fédor Dostoïevski
mercredi 24 septembre 2008
Malcolm X pour Modèle: L'Histoire de la Radicalisation et Déradicalisation d'un Membre de Hizb ut-Tahrir
Publié par Europe in the World à 22:35
Libellés : Europe, Terrorisme
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