J'ai déjà parlé à plusieurs reprises de la menace jihadiste en Allemagne dans ce blog. Cependant, je n'ai que peu parlé de l'Union du Jihad Islamique (UJI), le groupe terroriste ouzbek qui semble dominer la filière allemande. Dans ce court billet, je ne compte pas m'étendre sur ce groupe que j'avoue peu connaître (même si j'ai lu une série de textes dessus, j'attends surtout les résultats d'une étude conduite par l'un des mes amis chercheurs dans un think tank ici). En effet, je note que peu ou prou d'études se sont penchées spécifiquement sur la connection allemande de l'UJI. Et, pour moi, le réseau demeure en grande partie obscur. La connection semble en fait essentiellement liée à une question linguistique et culturelle (le groupe étant turcophone, ce qui semble plus adéquat pour plaire à une forte population immigrée turque en Allemagne). Peut-être y-a-t-il également des questions plus "historiques", l'Allemagne étant traditionnellement plus tournée et ouverte vers l'Est que vers le Sud (et donc le Maghreb) contrairement à la France ou à l'Espagne.
L'objectif de ce billet est plutôt lié à l'évolution très intéressante et singulière qu'a subi l'UJI. En effet, le groupe s'est scindé à partir d'un autre groupe terroriste ouzbek (l'Union pour un Mouvement Islamique - UMI) fortement implanté en Ouzbékistan et qui combat le régime en place. Contrairement à l'UMI, l'UJI est plus radical dans son interprétation de l'Islam, mais la scission a essentiellement été le résultat d'un désaccord sur la stratégie, plus que sur l'idéologie. Si l'objectif de l'UMI est local (ou "traditionnel" pour ceux qui aiment la distinction entre "ancien" et "nouveau" terrorisme), l'objectif de l'UJI est global puisque le groupe a entièrement adopté l'agenda de Ben Laden.
Aujourd'hui, l'UJI est essentiellement implanté au Pakistan (où il dispose de camps d'entraînement), et mène des actions en Afghanistan. Il semble bénéficier de fortes connections dans le monde turcophone, y compris en Allemagne. Cependant, le groupe n'est que faiblement présent en Ouzbékistan et semble peu investi dans les actions locales (qui sont plutôt l'oeuvre de l'UMI).
Dès lors, l'UJI a subi une mutation de la lutte locale vers la lutte globale, avec un abandon presque total de la composante locale. Cette mutation largement (voire totalement) ignorée est pourtant complètement unique et distincte de l'évolution d'autres groupes, comme al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) en Algérie qui, comme je l'ai déjà expliqué, a évolué d'une insurrection locale vers une insurrection glocale, c'est-à-dire ayant un agenda mêlant le global et le local.
L'étude de cette mutation me semblerait une importante contribution à la littérature et à la communauté contre-terroriste, afin de pouvoir évaluer en connaissance l'ensemble des scénarios possibles d'évolution du jihad mondial.
UPDATE: Il semble qu'il y ait eu transmission de pensée puisque la NEFA Fondation vient de publier aujourd'hui (donc un jour après mon article) un rapport sur l'UJI.
En outre, il me revient à l'esprit qu'Alliot-Marie avait mentionné l'arrestation de terroristes d'Asie Centrale à Mulhouse...s'agissait-il de membres de l'UJI?
«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre»
---Fédor Dostoïevski
lundi 13 octobre 2008
Entre Glocalisation et Globalisation: Le Cas Ouzbek (UPDATED)
Publié par Europe in the World à 22:16
Libellés : Al-Qaïda, Asie, Terrorisme
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