Entrez dans le Manuel d'al-Qaïda

En mai 2000, la police anglaise trouvait un manuel jihadiste de plusieurs milliers de pages au domicile d'un jeune homme de Manchester. Le document deviendra plus tard connu sous le nom du "Manuel d'al-Qaïda", et sera mis en ligne (en partie) par le Département de la Justice américain. Je n'avais jamais eu l'occasion de mentionner ou traiter de ce document auparavant, mais je me décide enfin à le partager avec vous. Vous pouvez le lire en PDF (anglais) ici.

Dans cette version abrégée de 111 pages, le lecteur pourra découvrir une compilation de "leçons" pour combattants du jihad, allant des règles de base de l'espionnage et du contre-espionnage jusqu'aux conseils pour mener des attentats et des assassinats. Parfois très intéressant, parfois pénible, le manuel constitue une lecture incontournable pour ceux qui veulent comprendre comment fonctionne une organisation terroriste. Le lecteur attentif notera cependant que le manuel date d'avant 2001, et n'est donc plus entièrement d'actualité. Notamment, le manuel repose sur une structure organisationnelle très hiérarchique, en cellules, alors qu'aujourd'hui, du moins en Europe, la hiérarchie et la structure, bien qu'encore présentes, sont moins prononcées, et l'internet est devenu primordial (alors que bizarrement quasi absent du manuel).

Un autre intérêt du manuel est de constater que les jihadistes ne sont pas ignorants des "classiques" stratégiques. L'auteur fait référence à Platon, Aristote ou encore Socrate. Il mentionne aussi directement des cas historiques d'espionnage et d'infiltrations tirés des guerres mondiales, de la guerre froide et d'autres conflits, pour illustrer ses leçons. Clairement, les théoriciens du jihad ont fait leur part de recherche, même si cela ne veut pas dire que le manuel soit une oeuvre d'art de la stratégie, loin de là. Il s'agit plutôt d'un document de base offrant des conseils utiles et pratiques à ses lecteurs.

Au final, on retiendra que le lutte actuelle contre le terrorisme est aussi une lutte qui repose en grande partie sur de l'open source. Les jihadistes lisent les oeuvres occidentales et s'en inspirent. De notre côté, nous lisons (ou devrions lire!) le matériel jihadiste pour comprendre le fonctionnement de ces organisations. On est bien loin de la "guerre secrète" de l'époque soviétique...