«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

lundi 8 décembre 2008

Les Leçons de Mumbai

Je n'ai rien écrit sur les attaques de Bombay/Mumbai et je tiens à m'en excuser. La raison de cette absence tient à la fois au fait que j'étais en voyage, que je ne suis pas du tout spécialisé dans cette région du globe, et que la presse avait largement et ad nauseum couvert le sujet. Cependant, une chose qui a été moins traitée et abordée tient aux conséquences de ces attaques. Celles-ci doivent être vues d'un point de vue régional et global.

Au niveau régional:

  • L'Inde va devoir se pencher plus sérieusement encore sur la surveillance de sa population musulmane au sein de laquelle pourrait émerger des éléments radicaux, inspirés par le succès et l'ampleur de l'attaque du mois de novembre.
  • Le Pakistan, et plus particulièrement les services secrets (ISI), ont été une fois de plus exposés en tant que "sponsor du terrorisme international". Dès lors, la pression va s'accroître sur le gouvernement pakistanais pour mettre fin à cette stratégie ambigüe. Néanmoins, la marge de manoeuvre des Etats-Unis pour faire pression sur le Pakistan est (très) limitée.
  • Pour les groupes extrémistes basés au Pakistan (LeT mais aussi les autres), il s'agit d'un nouveau succès renforçant la conviction que le Pakistan constitue pour le moment la base arrière idéale à partir de laquelle lancer des opérations internationales.
  • L'impact des ces attaques sur la relation Inde-Pakistan sera instructif de l'état d'avancement du processus de rapprochement, ou de la déterioration de la situation.
Au niveau global:
  • Les jihadistes internationaux interprètent ces attaques comme une nouvelle victoire dans leur guerre contre les infidèles.
  • La relation des Etats-Unis avec le Pakistan s'en voit une nouvelle fois endommagée.
  • Le mode opérationnel utilisé par les assaillants (assaut armé, siège), fondamentalement différent de la stratégie "classique" de la voiture piégée ou de l'attentat suicide, pourrait créer un précédent pour les jihadistes et donc se reproduire ailleurs dans le monde.
  • Les terroristes étant entré dans Bombay/Mumbai par la mer grâce à de petits bateaux, cela souligne la vulnérabilité des régions côtières partout dans le monde. La capacité de repérer ces petits bateaux est extrêmement mince dans la plupart des pays, notamment aux Etats-Unis où certains états ne surveillent quasi pas leurs côtes. De cela, il découle que le rôle des gardes-côtes dans la lutte contre le terrorisme pourrait s'accroître, de même que les moyens mis à leur disposition.
  • Les dispositifs développés par l'Union Européenne et ses pays membres le long des côtes de la Méditerranée afin de lutter contre l'immigration clandestine et les petites embarcations parfois utilisées pour transporter les clandestins pourrait bien attirer des regards curieux de la part de la communauté contre-terroriste mondiale afin d'adapter ces dispositifs à la lutte contre le terrorisme.
  • Les moyens techniques utilisés par les assaillants de Bombay/Mumbai (GPS pour naviguer le long des côtes; Google Earth pour la reconnaissance de terrain virtuelle; téléphones portables non traçables pour les communications) soulignent non pas seulement le saut qualitatif effectué par les terroristes, mais aussi, et plus simplement, leur capacité à utiliser tous les moyens mis à leur disposition grâce à la mondialisation.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Sur ''les carnets de Clarisse'', on indique que la branche politique de l'ISI avait été supprimé quelques jours avant les attaques :

http://www.lescarnetsdeclarisse.fr/?p=138

Mais si les structures changent; les hommes restent ils en place ?

Europe in the World a dit…

Le problème de l'ISI ne venait pas tant de sa branche politique que du service lui-même. Les membres de l'ISI, jusqu'au plus haut niveau ont tissé des liens avec différents groupes terroristes, allant de l'entraînement, du financement et de l'armement, à des relations presque fraternelles dans certains cas. C'était le cas durant la guerre d'Afghanistan dans les années 1980/90 avec al-Qaïda et les Taliban. C'est encore le cas aujourd'hui avec LeT. Le pire, c'est que même lorsque l'ISI arrête officiellement d'aider ces groupes, les relations personnelles construites par de longs contacts demeurent intactes et donc les liens ne cessent jamais vraiment...

Anonyme a dit…

Un ''retournement'' de la situation est il possible. Le nouveau patron du SIS peut il réusur à imposer des hommes sur et que ceux ci profitent des renseignements pour neutraliser les groupes extrémistes ?