«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

lundi 3 août 2009

Profiling Ethnique

J'ai donné une interview à la presse catalane (AVUI) sur le profiling ethnique comme mesure contre le terrorisme. A lire (en catalan) ici.

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jeudi 30 juillet 2009

Sur les Excès du Contre-Terrorisme

Ainsi donc, selon le New York Times, le président Bush avait considéré déployer des troupes militaires sur le sol américain pour arrêter d'éventuels terroristes. Cela aurait été bien évidemment totalement illégal, inutile, inefficace et contre-productif...

Au-delà, cela permet de soulever rapidement le rôle des militaires dans le contre-terrorisme qui doit être diviser en 2 catégories. D'une part, dans nos sociétés occidentales (et par là je veux dire sur notre territoire), le rôle des militaires devrait être limité à la gestion de crise (c'est-à-dire contribuer aux efforts de secours après un attentat) et éventuellement à de l'assistance en cas de niveau d'alerte élevé (par exemple, utilisation de moyens de défense anti-aériens ou d'avions de surveillance type AWACS ou drones comme lors de la coupe du monde en Allemagne) mais toujours sous le contrôle des autorités civiles.

D'autre part, le rôle des militaires dans le contre-terrorisme est accru dans le cadre d'opérations en déploiement à l'étranger en ce qui concerne les opérations de contre-insurrection (Afghanistan) et parfois de contre-terrorisme (Irak bien que contre-terrorisme et contre-insurrection s'y soient mêlés). Certes, la contre-insurrection est différente du contre-terrorisme, mais dans le cadre afghan, cela ne saurait être entièrement différencier puisque ces opérations sont liées au niveau d'alerte terroriste en Europe et aux Etats-Unis.

Evidemment, même lors d'opérations à l'étranger, les militaires ne devraient pas se voir attribuer tous types de mission. Dans le cadre d'opérations purement contre-terroristes, il devrait être accordé une plus grande place aux autorités civiles (police, autorités judiciaires) en coopération avec les instances locales et les autorités civiles occidentales (déploiement de personnel civil, formateurs, etc...). Ce type de missions civ-mil est non seulement souhaitable, mais aussi essentiel. Et à ce niveau, l'Europe a une longueur d'avance sur les Etats-Unis.

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vendredi 24 juillet 2009

Oui, l'Afghanistan est Important...

...du moins c'est ce que Tanguy Struye de Swielande et moi-même tentons d'expliquer dans cette carte blanche parue dans La Libre Belgique du 26 juin...

Désolé à tous pour le ralentissement d'activités. Activités professionnelles obligent!

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mardi 26 mai 2009

Les Soviétiques et l’Otan en Afghanistan: des différences qui importent


Le 15 février dernier marquait le 20ème anniversaire du retrait soviétique d’Afghanistan. A tort ou à raison, le conflit actuel est souvent comparé à l’expérience de l’URSS dans les années 1980. Une telle comparaison est par essence teintée de pessimisme, et sert généralement à soutenir la thèse d’un retrait urgent des troupes otaniennes d’Asie du sud, sous prétexte qu’aucune forme de succès ne peut être atteinte et que l’échec est inévitable. Pourtant, s’il est intéressant de souligner les points communs entre les deux opérations en Afghanistan, afin d’apprendre des erreurs du passé, il est tout aussi primordial d’insister sur les différences qui peuvent laisser entrevoir une (légère) touche d’optimisme.

Au rayon des comparaisons, on notera que l’URSS considérait dès 1985, comme les Etats-Unis aujourd’hui, que les objectifs initiaux ne pourraient jamais être atteints, que « le temps n’était pas de notre côté [soviétique] » pour citer Gromyko en 1986 (via les National Security Archives de la George Washington University), alors président du Soviet Suprême, et qu’un retrait s’imposait. Côté américain aujourd’hui, le rêve d’établir une démocratie occidentale à Kaboul s’est effacé, mais l’ambition d’installer un régime stable (quitte à négocier avec les Taliban « modérés ») et d’atteindre une certaine forme de « victoire » revue à la baisse demeure (plus de bannière « Mission Accomplished » cette fois-ci).

Le retrait soviétique planifié dès 1985 était empêché par la peur d’une retraite humiliante vis-à-vis de l’ennemi américain. Aujourd’hui, les Etats-Unis on également peur d’une retraite humiliante, mais davantage vis-à-vis d’al-Qaïda que de n’importe quelle autre puissance rivale.


En outre, les Soviétiques posaient comme condition préalable à leur retrait la mise en place d’un gouvernement stable, reposant sur un large soutien populaire, et disposant d’une armée et d’une police équipées pour faire face aux moudjaheddines. La similarité avec l’objectif annoncé de la mission des forces de la coalition en Afghanistan aujourd’hui est évidente. Mais cela ne veut pas dire pour autant que l’échec est inévitable.

Le point commun fondamental entre les deux expériences, comme le souligne Bruce Riedel dans le dernier numéro de CTC Sentinel, tient dans le rôle joué par le Pakistan. En effet, dans les deux cas, le Pakistan constitue la « zone de sécurité » (safe haven, en anglais) à partir de laquelle les insurgés opèrent et s’approvisionnent. Les Soviétiques n’avaient jamais réussi à convaincre le Pakistan (et donc les Américains) de mater l’insurrection (et pour cause : l’objectif américain était d’affaiblir l’URSS en finançant les insurgés via les services secrets pakistanais). Aujourd’hui, les Américains sont pris à leur propre piège : les connections qu’ils ont contribué à créer entre renseignements pakistanais et djihadistes et Taliban empêchent tout engagement crédible du Pakistan (lequel qui plus est table sur un retrait des Américains, et donc préfère garder une forme de contrôle sur l’Afghanistan).

L’autre point commun essentiel tient sans doute dans cette phrase de Gorbatchev, prononcée en novembre 1986 (toujours via les National Security Archives) : « Nos généraux n’apprennent pas leurs leçons. (…) Nous avons eu des expériences passées en Angola, en Ethiopie, au Mozambique. Il doit y avoir une courbe d’apprentissage. (…) Nous devons trouver les clés de cette guerre ». Le récent remplacement du général McKiernan en Afghanistan ne fait qu’illustrer ce même problème.

Malgré ces quelques similitudes, des différences majeures persistent qui laissent entrevoir une meilleure issue au conflit. Tout d’abord, la raison de l’intervention américaine (défense nationale, sécurité collective) est bien plus légitime que celle qui avait poussé l’invasion russe (installer un régime communiste, sécuriser la frontière sud). Résultat : la mission de l’Otan bénéficie d’un bien plus large soutien international que celle de l’URSS. En outre, cela offre une plus grande marge de manœuvre à la coalition. En effet, le type de régime mis en place importe peu (du moins en théorie) et seul compte désormais le besoin d’éviter de créer un nouveau havre de paix pour al-Qaïda ou d’autres organisations terroristes. Enfin, les opérations contre-insurrectionnelles soviétiques étaient extrêmement brutales et non adaptées à ce type de conflit asymétrique, ce qui rendait toute victoire impossible.

En conclusion, retenons qu’il y a au moins autant de différences que de similarités entre les expériences soviétiques et otaniennes en Afghanistan. Dès lors, il est erroné d’élaborer des comparaisons hâtives entre les deux conflits, même s’il est intéressant et important de tirer des enseignements des erreurs du passé pour ne pas les répéter. Une victoire reste possible en Afghanistan, même si cette victoire n’est en rien semblable à celle qui était espérée à la genèse du conflit.

Cet article est simultanément crossposté sur Alliance Geostratégique.

Image 1: Retrait soviétique d’Afghanistan. Crédit: Wikimedia Commons.
Image 2: Hélicoptères et tanks russes en Afghanistan. Crédit: Wikimedia Commons.

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vendredi 22 mai 2009

Mise à Jour de la Blogoliste

On a le droit de prendre son temps, mais pas de manquer à sa tâche...donc, après une longue période injustifiable, j'ai enfin mis ma blogoliste à jour (désolé pour ceux que j'aurais encore oublié, c'est un processus continu, même si je ne vise pas à l'exhaustivité)...Les derniers ajoutés valaient cependant la peine d'être mentionnés pour la qualité de leur blog, et leur régularité éditoriale. Bravo à eux.

Vous trouverez donc, Géographie de la ville en guerre, tenu par l'excellente Bénédicte Tratnjek; Mon blog défense, fait par un consultant en défense; Soliloques, composé de très courtes réflexions stratégiques et philosophiques; Historicoblog (2), par Stéphane Mantoux; et enfin mes collègues de l'Alliance Géostratégique que j'avais honteusement (flagellez moi si nécessaire!) oubliés: Les Carnets de Clarisse; Nihil Novi Sub Sole; et Quindi.

PS: Il y avait également un changement d'adresse pour le blog Guérillas de Romain Lalane.

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mardi 19 mai 2009

Surréalisme afghan

On a l'impression de vivre en plein surréalisme belge en Afghanistan: l'ancien ambassadeur américain d'origine afghane Zalmay Khalilzad serait proche de devenir le plus haut responsable politique (non élu) dans le gouvernement d'Hamid Karzai...on croit rêver (enfin, un mauvais rêve...): comment prétendre instaurer un gouvernement légitime, autonome, aux yeux de la population lorsque le n°2 du gouvernement représente si clairement l'"occupant"?

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dimanche 17 mai 2009

Recrutement Jihadiste en Grande-Bretagne

Le Sunday Times se vante de révéler la première histoire "de l'intérieur" d'un récit d'un jeune jihadiste recruté à Londres. Je vous éviterai mes commentaires sur ces journalistes qui se vantent d'"exclusivité"...Mais je relèverai les points suivants.

Le jeune homme en question explique qu'il a été recruté dans une mosquée de Londres. Alors qu'il allait prier, un groupe de radicaux l'a approché subtilement et a commencé à lui parler des innocents qui étaient tués en Irak, etc. Après cette première prise de contact (sans doute plusieurs, en réalité), il a été invité à quelques cours "religieux", ensuite suivis de visionnages de films jihadistes. Plus le processus de radicalisation avançait, selon le jeune homme, moins il y avait de doutes sur l'orientation jihadiste des recruteurs. Plus tard, les recrues participaient aux premiers entraînements pratiques, c'est-à-dire du paintball dans la forêt par exemple, en Angleterre. Si les recrues passaient les tests et juraient allégeance, elles étaient envoyées au Pakistan pour le véritable entraînement au jihad, afin de revenir par après mener des opérations en Europe.

On notera de ce compte-rendu qu'il reflète parfaitement tout ce que l'on savait déjà du processus de recrutement. Mais surtout, cela réflète l'"ancien mode de recrutement". Par cela, j'entend, comme je l'ai déjà souligné par ailleurs, que l'Afghanistan a aujourd'hui remplacé l'Irak comme motif de recrutement, que l'internet a au moins égalé les mosquées comme lieu de recrutement, et que les cellules sont peut-être aussi plus diparses qu'avant.

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jeudi 14 mai 2009

Pope: Recommendations pour Obama

Je recopie ci-dessous cet excellent texte de William P. Pope, ancien coordinateur pour le contre-terrorisme au Département de Sécurité Nationale américain, publié par Europe's World. Il s'agit de recommendations pour le Président Obama en matière de lutte contre le terrorisme. C'est selon moi un texte sobre (pas toujours le cas dans cette littérature) qui reprend bien un grand nombre des aspects de la lutte contre le terrorisme, malgré la longueur limitée de l'article. Ce sont en tout cas des recommendations que je partage en grande partie.

Confronting global terrorism: recommendations for the US president
Author : William P. Pope

As the President of the United States, you are tasked with confronting a world of unprecedented complexity. One of the most vexing problems, but only one of many, is global terrorism. It is at least a generational problem and likely more. While the Bush Administration did much right in the days after 9/11, it went seriously off track in Iraq, which diminished the effort in Afghanistan. Domestically, it undermined our civil liberties and took other wrong steps. For the sake of the country and the success of your administration, you must speak clearly and forthrightly to your fellow Americans and our friends abroad. You cannot be the “action officer” on every daily twist and turn of our counterterrorism efforts, but you set the moral direction and make the most important policy decisions. Therefore, you must have a broader world view and greater personal understanding of world history and the relationship of current events to that history and to each other. It is essential that you understand and respect other countries, societies and religions and not view them through ideology-tinged glasses or as Americans at a remove.

In making and leading US counterterrorism and homeland security policy, please keep a few key points in mind. They include:

Terrorism is not new: Terrorism did not just spring up, fully formed, on September 11, 2001. Secular terrorists hijacked an El Al airliner in 1968. We are also reminded of the massacre of the 1972 Israeli team in Munich. In Europe, there was a long struggle, not yet entirely won, against the Red Brigades, IRA, ETA and others. Numerous attacks against the US, from Beirut to New York to East Africa to Aden, pre-dated 9/11. Terrorism is not a 21st-century phenomenon.

Terrorism is not an existential threat to the US: Yes, Osama bin Laden hopes to acquire a nuclear weapon. He surely would use it, if he could. That said, remember that the Soviet missile threat was an existential one. Bin Laden and other murderers cannot destroy the United States and cannot undermine our way of life, unless we let fear do it for them.

Keep terrorism in perspective: Therefore, it is essential that your administration keeps terrorism in perspective. Combating terrorism is an essential duty, but you and your colleagues at the top of the government must set the example and be seen to be calm and resolute. Resist recommendations to stoke public emotion and fear, even if doing so might be of short-term political advantage. The US has confronted and defeated much worse. So have our allies. Even if al-Qaeda manages to set off a nuclear device in a US city, we must not again resort to counterproductive actions, such as widespread incarceration of Muslim-Americans; brusque treatment of our allies (“with us or against us”); glaring lack of understanding of other cultures; and questionable approach towards the very civil liberties our country stands for. Former CIA operative Glenn Carle wrote recently that “We must not delude ourselves about the nature of the terrorist threat to our country. We must not take fright at the specter that our leaders have exaggerated.” Carle is right. I suggest that you bring in balanced experts like Carle, as early as possible in your term, for a reality-check on the factual state of international terrorism and how to confront it.

Terrorism is a tactic, not an ideology: We need to prevent and mitigate terrorist acts while doing what is, in some ways, the more difficult thing - understanding who uses this tactic and why. Are terrorists really just “crazy dead-enders?” Kremlinologists studied the Soviet Union in order to understand better how to contain it. Now, we must understand terrorists and their motivations. Willful ignorance will not do. Many terrorists are well-educated and seemingly very normal, especially the leaders. Several experts, such as psychiatrists Jerrold Post and Marc Sageman, have done extensive studies of the terrorist mindset. Your administration should make a point of consulting such experts early and often.

We must be patient: The terrorists are. Bin Laden’s deputy, Ayman al-Zawahiri, wrote that “the Crusaders in Palestine and Syria left after two centuries of continued jihad.” While the FBI and others have worked hard, it may be that such patience on the part of the terrorists is why we have not been struck again. Al-Qaeda waited eight years between the first World Trade Center attack and 9/11. The struggle against terrorism will be generational. The previous administration pledged to carry on the global fight against terrorism until “victory” and until the terrorists were “defeated.” Many people think of “victory” as the signing of a surrender document on the deck of an aircraft carrier. As devoutly as we wish it, such a “victory” will not happen. As with the War on Drugs and War on Poverty, this struggle against global extremism and terrorism cannot be “won,” in the classical sense. Even if bin Laden were captured and forced to sign a document, al-Qaeda and regional terrorist groups would carry on. There will be no quick fix.

Words Matter: The “War on...” formulation is one we Americans understand. Earlier administrations fought “wars” on drugs, illiteracy and poverty. The Global War on Terrorism - GWOT - is an easy short-hand. Unfortunately, much of the world hears this term negatively, as an over-militarisation of the response. The leaders of our major European allies have banned the use of the “war” term. Even former Secretary Rumsfeld recognised that we needed different terminology. One of my students recently proposed “Multilateral Coalition Against Terrorism.” That term hits some important positive notes for our allies. Useful for us Americans is that MCAT is a pronounceable acronym. Your counterterrorism experts surely can devise a better term than the GWOT.

Iraq is not the front line: You should be clear with the public that Iraq is not and was not the front line against terrorism. Saddam did aid secular terrorists, but not al-Qaeda. In fact, Saddam was the kind of secular ruler who would have been in bin Laden’s sights, sooner or later. Further, you should make clear that your administration does not subscribe to assertions that we were drawing the world’s terrorists into Iraq in order to eliminate them. This assumes that there is a finite number of terrorists to do away with. Also, it was never possible that al-Qaeda would “take over” post-Saddam Iraq. Iraqis, even the insurgents, would not turn over their country to outsiders, such as the Egyptians, Saudis and others who populate al-Qaeda in Iraq.

Pakistan is the front line: The Pakistan-Afghan border is the front line against global terrorism. Bin Laden and Zawahiri almost certainly are there, and al-Qaeda has made considerable progress in reconstituting the capabilities it lost in Afghanistan. Planning for another 9/11 or worse surely is going on there. Your administration must find a way to continue the hunt for the al-Qaeda leadership in Pakistan without destabilising the government in Islamabad. At the same time, it is urgent that major military and development efforts be made in Afghanistan to halt the deterioration there and suppress the Taliban to the maximum. Iraq was a huge mistake that led to the diminution of effort in Afghanistan. You must reverse it.

Not primarily a military struggle: We truly must use all instruments of national power to suppress extremists and terrorists. The previous administration over-militarised the struggle. It was seen primarily as a war and the military as the principal instrument for dealing with it around the globe. Those who understood that the struggle is primarily an intelligence and international law enforcement matter were often dismissed. Nonetheless, combating al-Qaeda and other stateless groups is more akin to fighting organised crime and the drug cartels. While the US military appropriately has the lead in Iraq and Afghanistan, the world is made up of sovereign countries where outside military forces cannot operate openly and in any significant numbers without an invitation from the government. With the US military in a strong supporting role, our diplomatic, law enforcement and intelligence assets must be the principal tools used to bolster and press other governments and their security forces. Sometimes, US individuals or very small groups may be required to achieve a particular task in a non-permissive environment, but this is not the preferred route. Remember that terrorists who kill innocents in a market or destroy commercial aircraft are criminals. They are not an army and should not be granted “warrior” or military-like status. They are criminals and must be brought to justice or eliminated.

This is not a war on Islam: Despite President Bush’s measured language and visits to mosques, the extremist media have done an impressive job of painting our fight against terrorism as an attack on Islam. As part of your dialogue with the American people and the world, you and your administration should find convincing ways to deliver the correct message. Remember that a small group of people has seized upon a few verses of the Qur’an and the writings of select scholars to justify criminal acts - mass murder, beheadings and violent attacks on the US, its friends and many Muslims.

Root causes: Be careful about “root causes” arguments. You may hear assertions that, if the US finally solved the Arab-Israeli conflict, then terrorism would dry up. This is not correct. We should exert our considerable weight in a serious, sustained and balanced effort to achieve a Middle East settlement. Such a wonderful outcome should take a good bit of the rhetorical heat out of condemnations of the United States, but bin Laden’s “concern” for the Palestinians is more recent. For many years, he was focused on the Saudi royal family and then on the US and Saudi Arabia. There is no prospect that a Middle East settlement would lead al-Qaeda to stop targeting the US and its friends.

Losing the “War of Ideas:” The quick and decisive military victories in Afghanistan in 2001-02 and Iraq in 2003 were what the world expected from us. Therefore, people around the world have been amazed at how badly we have fared against Islamist media efforts, particularly against Zawahiri and al-Qaeda’s al-Sahab production unit. This is not primarily a matter of moving the public diplomacy boxes around or reconstituting the US Information Agency. We certainly can improve in that area, and your administration should take a close look at what is optimal. Further, there is much that can be done quietly to make it more difficult for al-Sahab and others to spew out hatred and lies. It is essential, however, that we not give terrorists unnecessary openings by using inflammatory language or by being seen as indifferent or hopelessly biased on issues of importance within the larger Islamic world, such as the Arab-Israeli conflict. Al-Qaeda’s slaughter of fellow Muslims in Iraq, Jordan and elsewhere has begun to turn the tide against the organisation, but your administration can speed up this welcome trend. Again, there are balanced experts in and outside of government who understand how to deal with and reverse current negative media trends.

Repairing our image: Reversing the catastrophic decline in the US global image is a matter of national security. This is not just a question of needing to be liked or regaining the status of “Shining City on the Hill.” We are the principal target for al-Qaeda and an important target for regional terrorist groups. Therefore, we must be able to exercise global leadership on the MCAT (or whatever you choose to call it). It is clear that we cannot find and disrupt every terrorist cell in every country in the world. It is up to the local governments and security forces to do so. This is more than just a matter of ineptitude in public diplomacy. This is primarily actions-based and is related to our policies. If our own actions, such as Guantanamo, torture and domestic spying, make it difficult for other governments and security forces to work with us in rooting out those cells, that is a major negative for us. We cannot suppress global terrorism on our own.

Undermining our values: “Burning down the village to save it” is wrong and makes no sense. Among the many things that made the US great and a beacon to the world was our commitment to the Constitution, civil liberties and the rule of law. Remember that al-Qaeda cannot destroy or change the US. Only we can change our country, and we have taken steps in that regard that have been public relations gifts to bin Laden. You must urgently return all elements of our government to adherence to law and basic norms. You should outlaw torture, stop wiretapping not approved by the FISA court, close Guantanamo and abolish military tribunals. You have seen the newspaper reports that a CIA study determined that some one-third of Guantanamo detainees were there by mistake. A senior US military officer judged the percentage to be higher. Alleged criminals must be brought into the civil legal system, or at least some version of it. Surely, our best legal minds can find a fix for presenting sensitive evidence in a civil court. One proposal was the creation of a special National Security Court, where the judges, prosecutors and defense attorneys all have security clearances. We may not be able to regain “Shining City” status during one administration, but we can return to being true to our own constitution and values. It is right for our country. Our partners and friends abroad will welcome it, as well.

Reflections on the Mumbai attacks

U.S. Policy: The attack should end once and for all any lingering assertions (if there have been any since January 20) that Iraq is the front line in the global struggle against terrorism and extremism. It isn’t now and never was. Afghanistan was and still is very dangerous, but Pakistan is THE front line in the global fight. Even if the government and army somehow manage to beat back the extremists inside the heart of Pakistan, it is hard to see how they will be able to dislodge al-Qaeda and the Afghan and Pakistani Taliban from the border region. While they may not have quite as extensive training and planning facilities in the Federally Administered Tribal Areas (FATA) as they had in Afghanistan, the terrorists have a good bit of space to operate. I have no doubt that major attacks against the U.S. and Europe are being planned right now in those areas.

President Obama and the U.S. administration should continue reaching out to the Islamic world and should build and emphasize “soft power” and much more skillful public diplomacy. That said, the U.S. must take a firm line with the “irreconcilables,” including al-Qaeda and most of the Taliban. In my view, we need to keep great pressure on the terrorists along the Af-Pak border, including kinetic action that is as carefully honed as possible. There are downsides, but another 9/11-level attack launched from the FATA region would have terrible consequences all around.

EU Policy: It is easy for an American to say, but Europe should significantly step up the fight against global terrorism across the board – troops in action in dangerous places; military training, development assistance, public diplomacy, etc. Mumbai reminds everyone that terrorist attack planning continues, regardless of the world economy and of the leaders who come and go in the West. Just as I am sure that attacks against the U.S are being hatched in Pakistan, I am equally certain that European targets are getting their share of terrorist brain power.

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mercredi 13 mai 2009

Nouvelle Publication: Engager l'OCS en Afghanistan

Dans le numéro de DSI de ce mois de mai, vous pourrez trouver un article de votre serviteur consacré au narcotrafic en Afghanistan, mais aussi le long des "routes de l'opium", et au rôle possible que peut jouer l'Organisation de Coopération de Shanghai dans cette lutte contre le trafic de drogue qui a d'importantes répercussions sur la sécurité en Afghanistan (lien narcotrafic-insurrection), en Asie (poches d'instabilités en Asie Centrale) et en Europe (problème de santé publique).


En-tête de l'article:

Dans le cadre de la lutte contre la production illégale d’opium en Afghanistan, les débats se limitent trop souvent au problème de la culture et de son éradication. Or, le trafic de drogue crée aussi des poches d’instabilité tout le long des « routes de l’opium ». Dès lors, il est intéressant de se pencher sur le possible rôle de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) dans la lutte contre le narcotrafic et sur les conséquences d’une telle collaboration OTAN-OCS.

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lundi 11 mai 2009

Nouvelle Publication: AfPak et Terrorisme en Europe

Suite à la publication du rapport annuel d'Europol dont j'ai déjà fait écho dans ce blog, je viens également de publier un article dans Terrorism Monitor (nouveau format et nouveau rythme pour cette publication de référence dans le domaine) qui tente d'ébaucher le lien existant entre la menace terroriste en Europe, et l'AfPak. Plus exactement, je souligne le fossé qui peut exister entre la vision américaine ou britannique des opérations en Afghanistan (être là-bas pour assurer notre sécurité ici) et la vision européenne (présence en Afghanistan minimale par simple solidarité atlantiste).

Europol Report Describes Afghanistan-Pakistan Connection to Trends in European Terrorism
By: Thomas Renard

Terrorist activities within the European Union (EU) declined in 2008 as compared to the previous year, according to the annual report published by Europol, the European Union’s criminal intelligence agency. [1] The report lists 515 failed, foiled or successful attacks reported by EU member states, a decrease from 583 attacks in 2007 but still higher than the 2006 total. The decline in terrorist activities was also observed geographically, with only seven member states reporting attacks, two less than in 2007 and four less than in 2006. There were 1009 individuals arrested last year in relation to terrorism activities, a several percent decline in comparison to 2007. Nevertheless, despite an undisputable decline, the threat of terrorism to the EU “remains high,” according to Europol deputy director Mariano Simancas (AFP, April 17).

The Varieties of Terrorism

The terrorist threat to Europe encompasses many different forms of terrorism, from left-wing to right-wing extremism, jihadi activities, ethno-separatism, and single issue terrorism. Each form of political violence saw a decline in 2008, with the notable exception of left-wing terrorism, which increased by 25 percent. Left-wing and anarchist extremists remained operational in Greece, Spain and Italy. In addition, French intelligence warned of a “resurgence” of left-wing terrorism which was confirmed by 37 arrests in 2008, significantly more than in any other European country over the last three years (Nouvel Observateur, November 25, 2008).

Separatist terrorists remained by far the most active in Europe. They carried out a total of 397 attacks in 2008, of which 98 percent took place in France and Spain, causing the deaths of four people. The number of attacks decreased by 25 percent in comparison to 2007, mainly due to a relative lull in activity by the Fronte di Liberazione Naziunale di a Corsica (FLNC). In Spain, the Basque separatist organization Euskadi Ta Askatasuna (ETA) is thought to be encountering difficulties. The group was weakened by the arrests of three successive military leaders in the last six months, the latest being the arrest of Jurdan Martitegi (El País [Madrid], April 18). The Europol report notes that the growing use of improvised explosive devices (IEDs) by the ETA, a trend that started in 2007, indicates that it is “encountering increasing difficulties in the acquisition of commercial explosives.”

The Islamist Threat to Europe

In most European countries, however, Islamist terrorism continues to be seen as the biggest threat to security because it attempts to cause mass casualties whereas ethno-separatist terrorism generally targets material symbols rather than individuals or groups. EU counter-terrorism coordinator Gilles de Kerchove recently said; “The [European] intelligence community considers that the al-Qaeda related threat is still severe and that it is still the main threat to Europe and its internal security” (EuroparlTV, February 2).

There was only one attack in Europe attributable to Islamist terrorism in 2008, when 22-year old Muslim convert Nicky Reilly attempted to detonate a homemade bomb in a shopping mall restaurant in Exeter, South-West England, but injured only himself. Reilly is mentally ill and highly vulnerable. He apparently self-radicalized through the internet, although he had also been in contact with radical Muslims. He was jailed for life in January 2009 (Times, January 31).

In 2008, excluding the United Kingdom, 187 individuals were arrested on suspicion of involvement in Islamist terrorism, mainly in France and Spain. [2] This represents a decrease of 7 percent as compared to 2007, and an even greater decrease as compared to 2006. This continuous decrease in the number of arrests seems to indicate a relative diminution of jihadi activities in Europe, although including statistics from the UK would likely lead to a slightly less optimistic conclusion. The number of member states which reported arrests related to Islamist terrorism also decreased from 14 in 2007 to 10 in 2008. The majority of these arrested individuals came from North African countries.

For its part, the UK indicated to Europol that it arrested 256 people in relation to terrorism without providing specific details relative to the distribution of these arrests among the different forms of terrorism. However, given the level of jihadi activism in Great Britain, it can be assumed that a significant share of these arrests was related to Islamist terrorism. The 256 arrests in the UK was an increase in comparison to 2007 (201) and 2006 (156).

Two thirds of arrested individuals could not be linked to organizations known by the authorities and belonged instead to small autonomous cells. This fact seems to confirm the growing threat of self-radicalization and homegrown terrorism that Europe is facing. Part of the explanation for this shift in the radicalization pattern lies in the increasing quantity and quality of Islamist propaganda in Europe. Indeed, there is an increasing number of radical Islamist websites and forums in European languages indicating, according to Europol, an expansion of jihadi propaganda efforts to reach specific audiences. This phenomenon has been observed in Germany, for instance, with messages and videos, including calls for attacks and instructions for the building of bombs, posted directly in German or in Arabic with German subtitles (see Terrorism Focus, February 20, 2008).

Terrorist Recruitment in Europe

In its report, Europol states that “Islamist recruitment activities have largely been driven underground. Radicalization activities are noted to have moved from mosques and other public places into private spaces.” Jihadi forums constitute the archetype of such “underground” and “private spaces”. The internet can also be used as a resource-tool for jihadi training, as in the case of Britain’s Nicky Reilly.

Nevertheless, the internet has not yet replaced real-life interactions regarding radicalization, recruitment and military training, but should rather be seen as a complement or a substitute. A very good illustration of this was provided by the December 11, 2008 arrests in Belgium. [3] While some members of the cell entered into contact with Malika el-Aroud (the wife of the cell’s leader, Moez Garsallaoui), through her French-language jihadi website, “SOS Minbar,” Garsallaoui was recruiting young Muslims in person in the streets and mosques of Brussels. Through the website, a “dialogue” was established with some subscribers which could lead to a meeting with Garsallaoui. Once recruited, members were sent to the tribal areas in Pakistan, where they received religious and military training, followed by a “jihadi exposure,” i.e. following fighters to the warzone without having the authorization to take part in the fight. Eventually, members of the cell were ordered to return to Belgium to establish a sleeper cell.

The Afghanistan-Pakistan Connection

The Belgian cell illustrates another major problem, which is the connection between the Afghanistan-Pakistan region and the terrorist threat in Europe. Indeed, as the report states, “Afghanistan and Pakistan seem to have replaced Iraq as preferred destinations for volunteers wishing to engage in armed conflicts.” These recruits pose a threat to European troops deployed in Afghanistan. Germany, for instance, is particularly worried about the presence of several of its citizens (most notably Eric Breininger) in the region who are allegedly plotting operations against German troops (see Terrorism Focus, January 28).

When fighters return – such as members of the Belgian cell, or members of the Sauerland cell in Germany – they pose a direct threat to European security. As expressed by U.S. Director of National Intelligence, Dennis Blair, “the primary threat from Europe-based extremists stems from al-Qaeda and Sunni affiliates who return from training in Pakistan to conduct attacks in Europe or the United States.” [4]

Although most European countries recognize that Afghanistan and Pakistan constitute a threat to their security, they generally tend to see the military operations in Afghanistan more as a part of the problem than as a part of the solution. Mirroring this point of view, the Europol report states that “a number of member states judge that they continue to face a high-level threat from Islamist terrorism for reasons that include [a] military presence in Iraq or Afghanistan,” but nowhere does the report mention the fact that European military and civilian missions in conflict zones could help strengthen EU homeland security.

Last month, however, the European Commission, the executive branch of the EU, announced a new three-year, €225 million program aimed at combating terrorism and the trafficking of WMDs (AFP, April 17). This program will focus on Pakistan and Afghanistan, which are described as “bases for radicalization and terrorist training,” as well as the Sahel region where the threat is “growing”. In both regions, the program proposes to support the establishment of anti-terrorism structures, the formation of competent authorities, and the development of regional cooperation. Nevertheless, with only a few details of the plan available, it is not yet possible to assess whether this program inextricably links stability in the Afghanistan-Pakistan region with European security, or whether it is more a program destined to compensate for European lack of commitment to the mission or prepare for a future disengagement from Afghanistan.

Conclusion

The terrorist threat in Europe remains high, although statistics show a certain decline in terrorist activities. One should be careful, however, when interpreting these statistics because the lack of details from the UK data could be misleading and also because the year 2007 saw a dramatic increase in terrorist activities, meaning that last year’s decline could merely be a return to “normality.” Although separatist terrorism is statistically much more significant, Islamist terrorists are still seen as the biggest threat to Europe given that most of their plots involve mass-killings. Today’s threat is tightly related to the situation in the Afghanistan-Pakistan region. Nevertheless, most EU member states believe their presence in Afghanistan is more a cause of terrorism in Europe than a remedy for it.

Notes:

1. “TE-SAT 2009 – EU Terrorism Situation and Trend Report”, Europol, April 2009.
2. The statistics given to Europol by the UK contained for the first time numbers from Northern Ireland and are therefore not comparable with previous years. Moreover, the UK sends only one global number for attacks and arrests, but does not provide the specific distribution among the different forms of terrorism, rendering it harder to draw conclusions based on statistics.
3. Paul Cruickshank, “The 2008 Belgium Cell and FATA’s Terrorist Pipeline,” CTC Sentinel, April 2009.
4. Dennis C. Blair, “Annual Threat Assessment of the Intelligence Community for the Senate Select Committee on Intelligence,” U.S. Senate Select Committee on Intelligence, February 12, 2009.

Lien vers l'article paru dans Terrorism Monitor le 8 mai 2009.

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mercredi 6 mai 2009

Quand les Médias se montrent Complices

Ce matin, en allumant ma radio, j'entend les journalistes de La Première, la radio nationale belge, annoncer à grands coups de fanfare une "interview exclusive avec un proche du Mollah Omar", à savoir le Taliban Sirajuddin Haqqani, fils du célèbre combattant Jalaluddin Haqqani.

A priori, comme exprimé dans la citation en-tête de ce blog, je ne suis pas contre les entretiens avec les leaders jihadistes, Taliban et autres. En effet, cela permet souvent d'en apprendre un peu plus sur eux, leurs objectifs, leurs perspectives, etc.

Le problème tient en fait, selon moi, à la manière de présenter les choses et de les mettre en forme. D'une part, assez avec ces "exclusifs"! La Première n'est ni la première (c'est le cas de la dire) ni la dernière à obtenir une interview avec des leaders Taliban (pensons à Paris-Match qui avait photographié les Taliban après la mort des 10 soldats français). Il n'y en fait que peu d'exclusivité dans cette démarche de relations publiques des Taliban! Car il s'agit bien de cela. Lorsque Haqqani se vante que des milliers d'Afghans et de Pakistanais cherchent à joindre ses rangs chaque jour, qu'il ne sait où donner de la tête et qu'il est obligé de refuser des candidatures, on est en pleine opération de démoralisation de l'ennemi (en l'occurence, nous, occidentaux mais surtout Belges). Les journalistes de La Première ne sont-ils donc pas capable de s'en rendre compte? De tels propos visent sans aucun doute à démoraliser les troupes belges en Afghanistan, mais aussi l'opinion publique belge qui à son tour peut faire pression sur le gouvernement pour rapatrier nos soldats.

D'autre part, La Première n'a même pas pris la peine de donner un contre-poids aux affirmations de Haqqani. Nous n'avons eu droit qu'à sa version des faits. Aucun spécialiste pour rappeler qu'al-Qaïda a subit de lourdes pertes ces derniers mois et souffre d'une certaine désorganisation. Personne pour dire que les frappes aériennes des drones de la CIA au Pakistan déstabilisent complètement et font peur à al-Qaïda et aux Taliban. Pas un expert pour expliquer que si les Taliban pakistanais ont certes l'initiative en ce moment, la situation des Taliban afghans n'est pas aussi bonne, sans être mauvaise non plus bien sûr (après tout, Haqqani est obligé d'opérer à partir d'un autre pays que le sien, le Pakistan, ce qui n'est tout de même pas un signe d'initiative absolue, même si l'on sait que le fait qu'ils opèrent à partir du Pakistan pose de gros problèmes aux forces de l'Alliance).

Quand les journalistes vendent la propagande "ennemie" sur nos ondes, il y a selon moi un problème éthique remarquable. Surtout lorsque cette propagande coule au travers du robinet ouvert de l'information, jusque dans nos oreilles, sans la mise en place du moindre filtre protecteur.

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mardi 5 mai 2009

Djihad sur fond de Hip-Hop

Al-Shabaab, la branche somalienne d'al-Qaïda, a produit une nouvelle vidéo qui met en scène Abou Mansoor al-Amriki, un djihadiste américain qui a rejoint le groupe en Afrique. La particularité de cette vidéo est qu'elle met en scène le jeune homme sur une musique aux tonalités "hip-hop". Or, comme souligné dans l'article par un membre d'IntelCenter, il s'agit d'une chose assez unique pour être soulignée et reflète l'un des plus clairs efforts d'al-Qaïda pour toucher une cible très spécifique, en l'occurence la jeunesse américaine.

On remarque depuis près de deux ans maintenant un véritable effort des djihadistes pour toucher des audiences précises, notamment avec la multiplication des sites internet et forums dans des langues européennes, traduisant une plus grande quantité et qualité de la propagande djihadiste. Europol fait le même constat dans son dernier rapport.

Par ailleurs, le lien entre rap et djihad n'est pas neuf. J'en avais déjà parlé ici.

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lundi 4 mai 2009

Madrassas et Terrorisme au Pakistan

Le New York Times revient ce matin sur la prolifération des madrassas (écoles coraniques) au Pakistan, et plus particulièrement au Penjab. Peu de choses nouvelles dans cet article, mais cela vaut quand même de souligner (une fois de plus) que le problème de la violence et de la radicalisation n'est pas tant lié à la pauvreté qu'à la non gouvernance. Voici l'extrait le plus intéressant:

But if the state has forgotten the children here, the mullahs have not. With public education in a shambles, Pakistan’s poorest families have turned to madrasas, or Islamic schools, that feed and house the children while pushing a more militant brand of Islam than was traditional here.
Les familles dans cette région ont toujours été pauvres, mais les madrassas n'étaient pas aussi populaires et ne le sont que parce que les autorités étatiques sont totalement absentes.

L'article fait ensuite le lien entre madrassas et terrorisme. J'ai toujours été assez prudent sur les connexions trop directes entre ces deux éléments. En effet, les terroristes ne viennent pas toujours d'une éducation islamiste radicale dès l'enfance. Bien sûr, la socialisation joue un rôle très important, comme souligné de nombreuses fois dans ce blog. Mais il n'y a à cet égard pas de déterminisme. Islamisme radical n'est pas terrorisme. Et le terrorisme (même islamiste) n'a pas forcément besoin d'une structure d'éducation radicale. Le terrorisme repose en fait plutôt sur des structures informelles.

Ayant dit tout cela, et sachant qu'il existe des études statistiques montrant l'absence de lien entre terrorisme et madrassas, je suis tout de même frappé par le constat suivant, fait par la police pakistanaise:

In an analysis of the profiles of suicide bombers who have struck in Punjab, the Punjab police said more than two-thirds had attended madrasas.

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jeudi 23 avril 2009

L'Allemagne face au Djihad: Début du Procès du Sauerland

L’Allemagne a entamé l’un des plus importants procès de son histoire. Ce mercredi 22 avril, à Düsseldorf, débute le procès des membres de la « cellule du Sauerland », arrêtés le 4 septembre 2007 par un commando d’élite. Selon les enquêteurs, ils étaient sur le point de lancer une action terroriste qui aurait pu être plus importante que les attentats de Madrid en 2004.

Fritz Gelowicz, le chef présumé de la cellule, et ses comparses, Attila Selek, Adem Yilmaz et Daniel Schneider, étaient liés au groupe terroriste ouzbek appelé Union du Djihad Islamique (UDI). Ils sont tous soupçonnés d’avoir reçu un entraînement djihadiste dans un camp de l’UDI au Pakistan en 2006. Durant leur passage au Pakistan, ils ont également noué des contacts avec les responsables de l’UDI qui leur ont, en toute vraisemblance, confié une mission en Allemagne.

Les individus avaient déjà attiré l’attention des services de renseignement allemands avant leur départ pour le Pakistan. Cependant, après leur retour, les activités suspectes des jeunes individus allument plusieurs voyants rouges dans la communauté des services de sécurité en Allemagne, mais aussi aux Etats-Unis. Les deux pays commencent alors à collaborer étroitement en octobre 2006, dans le cadre de l’ « Opération Alberich ».

Les membres de la cellule du Sauerland sont alors suivis et mis sur écoute. C’est de cette manière que la police criminelle allemande (BKA) surprend une conversation, le 20 juillet 2007, entre Gelowicz et Yilmaz qui parlent du complot : « Deux cents kilos avec des petits éclats contendants, si Dieu le veut, ça devrait faire une grosse explosion », lance Gelowicz. Ils continuent ensuite à discuter des cibles potentielles et concluent par l’espoir de tuer au moins 150 personnes.

Au moment de leur arrestation dans une petite maison isolée d’Oberschledorn, Gelowicz, Yilmaz et Schneider avaient en leur possession 730 kg de peroxyde d’hydrogène à faible concentration, ce qui leur aurait permis de produire, après manipulation, plusieurs centaines de kilos d’explosifs afin de mener à terme leur projet.

La date et la cible des attentats demeurent inconnues. Cependant, au vu de l’état d’avancement des préparatifs et suite à l’appel d’un membre de l’UDI pour presser les Allemands de passer à l’action, les services de renseignement avaient la conviction que l’attaque était imminente. Au niveau de la date, deux possibilités se dégagent. Soit le 11 septembre, ce qui correspondait à un geste symbolique fort d’allégeance à al-Qaïda ; soit le 13 octobre, date qui avait apparemment la préférence de Gelowicz et correspondait à la fin du mandat parlementaires des troupes allemandes en Afghanistan et faisait l’objet d’un vote ce jour-là, ce qui aurait indiqué un choix plus pragmatique visant à avoir une influence directe et immédiate sur la politique étrangère de Berlin, sur le modèle des attentats de Madrid.

En ce qui concerne la (ou les) cible(s) des attentats, il semble que le choix était également le fruit d’intenses discussions entre les membres de la cellule, ainsi qu’entre la cellule et le leadership de l’UDI au Pakistan. L’UDI semblait vouloir toucher les ambassades américaines et ouzbèkes, ainsi que la base militaire américaine de Ramstein, afin de faire un triple coup en touchant à la fois l’Ouzbékistan (qui demeure l’objectif principal de l’UDI), les Etats-Unis (en protestation, entre autres, contre leur présence en Afghanistan) et l’Allemagne (qui est à la fois présente militairement en Ouzbékistan et en Afghanistan). De leur côté, les membres de la « cellule du Sauerland » évoquaient également l’aéroport de Francfort et d’autres endroits publics, comme des discothèques fréquentées par des Américains.

Ces divergences au niveau des choix tactiques révèlent la relative autonomie, pour ne pas dire indépendance, dont jouissent les « cellules locales » appartenant à un « réseau global ». Au-delà de l’allégeance vouée à l’UDI et à son leadership, les individus retournés en Europe ont su s’adapter à leur environnement et ajuster leurs plans sur base de leur propre jugement. Au fond, cette autonomie constitue à la fois la force de ces cellules, mais peuvent tout aussi bien nuire à la stratégie du groupe, et dans tous les cas sont un signe de faiblesse du leadership central.

Jusqu’au complot du Sauerland, l’Allemagne se pensait relativement épargnée par le terrorisme islamiste, en raison de sa population musulmane majoritairement turque et modérée. Or, c’est justement en tirant avantage de la langue turque (l’Ouzbékistan est un pays turcophone) que l’UDI est parvenu à s’implanter en Allemagne. Parallèlement, la quantité et la qualité de la propagande djihadiste destinée à l’Allemagne se sont considérablement accrues ces dernières années. Désormais, chaque année, entre 50 et 100 individus rejoignent les camps d’entraînement djihadistes, la plupart au sein de l’UDI. Certains rentrent ensuite en Allemagne, alors que d’autres restent en Afghanistan ou au Pakistan pour combattre les forces de la coalition.

Le théâtre allemand accueille maintenant une importante scène islamiste au niveau européen. L’activisme islamiste n’y est pas encore aussi développé qu’en Grande-Bretagne, en France ou en Espagne, mais il a rejoint une proportion presque comparable à ce qui est observé en Italie, par exemple. Cela correspond clairement à un saut quantitatif, mais aussi qualitatif, de la menace djihadiste locale en quelques années.

L’Allemagne se retrouve aujourd’hui prise de force, plus que par volonté, dans la lutte contre le terrorisme international. Elle ne constitue plus seulement une base arrière à partir de laquelle les terroristes peuvent préparer des attentats (comme ceux du 11 septembre, par exemple), mais elle est directement menacée par des individus radicalisés sur son propre territoire et qui obéissent à un groupe basé au Pakistan, proche d’al-Qaïda. La lutte contre le terrorisme s’opère donc – ou devrait s’opérer – logiquement sur deux fronts : en Allemagne et en Afghanistan (et au Pakistan).

Et pourtant, sur ces deux fronts, la réponse allemande est encore inadaptée sous bien des aspects. En Afghanistan, les engagements militaires et civils allemands restent limités par rapport aux capacités du pays. En Allemagne, c’est au niveau juridique que le plus gros du travail reste à faire. Depuis le complot du Sauerland, une nouvelle loi a été décidée qui punira le fait d’avoir suivi un entraînement dans un camp terroriste, ou de posséder du matériel explosif. Cependant, cette loi essentielle n’est pas encore en vigueur et ne pourra pas servir dans le cas du procès actuel. Dès lors, le procureur devra démontrer l’appartenance des individus à un groupe terroriste étranger (section 129b du code criminel prévoyant une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans), ce qui pourrait s’avérer utile ensuite lors de l’appréhension d’autres membres de l’UDI en Allemagne.

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lundi 20 avril 2009

CTC Sentinel sur le Terrorisme en Belgique

Le dernier numéro du CTC Sentinel, la revue de West Point consacrée au terrorisme, est sorti. Comme toujours, je vous recommande vivement cette saine lecture! Tom Ricks et le Small Wars Journal aussi, soit dit en passant...

Dans un article court mais dense et instructif, Paul Cruickshank, chercheur à l’Université de New York, revient sur l’arrestation de 14 islamistes en Belgique, et deux en France, le 11 décembre 2008, suspectés de planifier une attaque terroriste imminente. De façon assez remarquable, puisque basé aux Etats-Unis, Paul Cruickshank offre sans doute la meilleure analyse disponible à ce jour sur ces événements et ses implications pour la Belgique et l’Europe, après avoir interrogé plusieurs membres des services de renseignement et avoir eu accès aux témoignages des suspects.

Les jeunes islamistes auraient été recrutés grâce aux efforts du couple Moez Garsallaoui/Malika el-Aroud, la veuve de l’assassin du commandant Massoud. Tandis que Garsallaoui parcourait les rues et les mosquées de Bruxelles à la recherche de jeunes recrues, el-Aroud assurait la propagande djihadiste au travers de son site internet « Minbar SOS ». Selon le témoignage de certains suspects, un groupe de volontaires seraient partis pour l’Afghanistan/Pakistan, en transitant par la Turquie (Istanbul) et l’Iran (Zahedan), ce qui correpond à l’itinéraire utilisé par d’autres cellules, notamment celles de l’Union du Djihad Islamique (UDI) en Allemagne. Toujours selon les suspects, ils auraient été recueillis avec suspicion et de façon désordonnée par les membres d’al-Qaïda, ce qui semble refléter l’affaiblissement (paranoïa, désorganisation) et la décentralisation (cellules de 10 combattants maximum) du groupe terroriste, même dans son bastion.

La raison du retour des volontaires djihadistes en Belgique demeure inconnue. Ces derniers affirment qu’ils étaient frustrés de ne pouvoir combattre en Afghanistan et qu’ils ne supportaient plus les conditions d’existence minimales. Leur arrestation, cependant, est basée sur la suspicion qu’ils constituaient une cellule opérative en Europe, prête à passer à l’action.

Comme le souligne très justement Paul Cruickshank, ces arrestations soulignent à quel point l’Afghanistan et le Pakistan (AfPak) sont devenus le nouveau point focal de la menace terroriste contre l’Europe, en parallèle, bien sûr, avec l’Afrique du Nord. En réalité, l’AfPak a remplacé l’Irak comme destination et comme inspiration pour les djihadistes en Belgique et ailleurs en Europe.

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dimanche 19 avril 2009

(Lent) Déclin du Terrorisme en Europe, selon Europol

Le terrorisme a reculé en Europe en 2008, par rapport à l’année précédente, selon le rapport annuel publié par Europol (TE-SAT 2009). Il y a eu 515 attaques, dont 90% ont réussi, menées dans sept états membres de l’Union Européenne (UE). Néanmoins, cette baisse d’activisme doit être nuancée par un accroissement des activités de propagande terroristes, surtout islamistes, en vue de recruter de nouveaux membres. Ainsi, en 2008, le nombre de sites islamistes extrémistes publiés dans des langues européennes a augmenté, permettant à ces groupes de toucher une plus grande audience. Dans l’ensemble, la plupart des pays européens continuent de considérer le terrorisme islamiste comme la principale menace contre leur sécurité.

Une seule attaque a été menée en Europe au nom du djihad en 2008, en Grande-Bretagne. Ce chiffre contraste fortement avec les 397 attaques menées par des groupes séparatistes. Cependant, étant donné que les djihadistes cherchent à faire un maximum de victimes, alors que les séparatistes cherchent plutôt des cibles symboliques et matérielles, le niveau de menace varie de manière notoire. D’ailleurs, 187 individus ont été arrêtés en lien avec des enquêtes sur l’extrémisme islamiste, ce qui représente une légère diminution par rapport à 2007, mais demeure élevé. La plupart des individus arrêtés ne faisaient pas partie de grandes cellules, mais plutôt de petits groupes isolés, voire même agissaient seuls (‘lone wolves’), ce qui tend à confirmer une atomisation du terrorisme islamiste en Europe, facilitée par les nouvelles technologies tant au niveau de la communication que du recrutement (auto-radicalisation), et un rôle déclinant du leadership d’al-Qaïda davantage limité à l’inspiration idéologique et à l’aide à l’entraînement.

Les séparatistes restent les terroristes les plus actifs, même si leurs activités ont diminué par rapport à 2007. 98% des attaques séparatistes ont eu lieu en France (Corse) et en Espagne (Pays basque). Les terroristes corses et basques ne s’attaquent généralement pas au même type de cibles. Les premiers visent plutôt les propriétés privées, alors que les seconds visent les symboles du gouvernement. De manière intéressante, les services de renseignement espagnols ont noté un baisse d’utilisation d’explosifs commerciaux par l’ETA et un recours accru aux explosifs improvisés (IEDs), ce qui pourrait témoigner d’une difficulté d’obtenir des explosifs, mais indique aussi que les terroristes basques s’inspirent de modèles développés avec succès ailleurs, notamment en Irak.

Enfin, la seule forme de terrorisme ayant connu une augmentation en 2008 est le terrorisme d’extrême-gauche, qui a causé 28 attaques en Grèce, en Espagne et en Italie, sans faire ni blessés ni morts. En Espagne, le Groupe de Résistance Antifasciste du Premier Octobre (GRAPO) a été déclaré non-opérationnel suite à l’arrestation d’un certain nombre de ses derniers membres.

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mardi 14 avril 2009

L'Ordre à Venir...les Conséquences de la Crise

Je viens de publier un article dans la revue américaine World Politics Review sur les conséquences stratégiques et géopolitiques de la crise économique. L'article n'est accessible qu'à ceux qui ont un abonnement. Cependant, il est possible de prendre une période d'essai gratuite de 4 mois, sans engagement. En voici quelques extraits:

The current global financial crisis is unique in that, unlike most previous crises -- which started in the periphery of the world economy, and whose deep and long-lasting impacts were limited to isolated parts of the globe -- today’s crisis is rooted in Wall Street, at the heart of the globalized market, from where it has grown and spread worldwide.

As a result, powerful, globalized economies have taken the first and hardest punches. Although still a bit groggy, they are now struggling to get back on their feet. But while economists discuss how and when economies will emerge from this crisis, strategists are beginning to debate its geopolitical implications.

(...)

The resilience, in particular, of European and emerging economies is attracting attention in many capitals today, not least of all in Washington. This concern is not driven by a sense of solidarity, but instead by security and geopolitical considerations. For obvious reasons, those countries that come out of the crisis faster and stronger (or less weakened) than others stand to gain regional and even global influence. As U.S. Director of National Intelligence Dennis C. Blair stated in his annual threat assessment to Congress [http://www.dni.gov/testimonies/20090212_testimony.pdf ] in February, “[T]he primary near-term security concern of the United States is the global economic crisis and its geopolitical implications.” Meanwhile, in a March interview with Newsweek [http://www.newsweek.com/id/186957], U.S. Deputy Secretary of State James Steinberg confirmed that the Obama administration is very concerned with maintaining America’s position as global leader.

Steinberg’s remarks are not limited to the crisis, but refer more broadly to shifts in the global balance of power. An emerging consensus suggests that America’s “unipolar moment,” [http://www.foreignaffairs.com/articles/46271/charles-krauthammer/the-unipolar-moment], as described by Charles Krauthammer in 1990, has come to an end. As illustrated by the wars in Iraq and Afghanistan, the U.S. ability to take unilateral military action, without the support of its allies, has been weakened. The Russia-Georgia war and the closing of the U.S. air base in Manas, Kyrghyzstan, demonstrated diminished U.S. influence in Central Asia and the Caucasus, along with a corresponding Russian resurgence. Even Slumdog Millionaire’s clean sweep of the latest Academy Awards ceremony can be seen as a signal of a relative decline of American soft power. Finally, the financial crisis revealed that the U.S. economy, for all its might, is not immune to major crashes.

(...)

Just what that new order will look like is difficult to foresee, because it is impossible to forecast with certainty who will emerge from the current crisis a relative winner and who a relative loser. But a closer look at the impact of the crisis in specific areas can offer some ideas about the possible range of strategic and geopolitical outcomes. In particular, the impact of the crisis on military, economic and other less tangible forms of power, as well as on global stability, will prove determinant.

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dimanche 22 mars 2009

Ralentissement, Milles Excuses...

Pas mal de conférences intéressantes ces derniers jours, deux articles à boucler (un pour DSI de mai, un autre pour World Politics Review à lire bientôt), une présentation au Collège d'Europe à Bruges, des obligations professionnelles, un déménagement sur Bruxelles, etc. Bref, peu de temps pour mettre ce blog à jour...mais je me rattraperai bientôt! D'ici là, suivez les excellents articles de mes collègues et amis d'Alliance Géostratégique.

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lundi 16 mars 2009

Saisir le "Moment Multilatéral"

La nouvelle politique étrangère américaine, sous l’impulsion de son nouveau président, Barack Obama, s’affirme beaucoup plus multilatérale. Lors de son voyage en Asie, la secrétaire d’état américaine, Hillary Clinton, a ainsi réaffirmé sa préférence pour une approche multilatérale, surtout pour faire face à des défis globaux comme le changement climatique et la crise économique.

Il est donc fort tentant de voir dans cette nouvelle administration la fin de l’unilatéralisme américain. Après tout, le « moment unipolaire » dont parlait Charles Krauthammer en 1990, au sortir de la Guerre Froide, n’est-il pas bel et bien fini ? Le monde d’aujourd’hui n’est-il pas multipolaire, avec l’émergence des BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine), mais aussi l’affirmation de l’Union Européenne comme acteur global, et la montée en puissance d’acteurs non-étatiques (telles que les multinationales, mais aussi al-Qaïda) ?

Certes, les Etats-Unis ne peuvent plus jouer seul sur le grand échiquier mondial. Mais ils ont toujours un très net avantage sur les autres puissances, que ce soit en terme de ‘hard power’ (puissance militaire) ou de ‘soft power’ (puissance culturelle et économique), même si cet avantage relatif tend à diminuer lentement. Les Etats-Unis se sont d’ailleurs déjà adaptés en développant leur ‘smart power’ (c’est-à-dire un mélange de hard et de soft power).

Ce changement de structure globale ne signifie cependant pas pour autant un glissement automatique de l’unilatéralisme (qui n’est par ailleurs pas inhérent à l’unipolarité) vers le multilatéralisme. On l’a vu sous l’ère de George W. Bush. Il faut donc une véritable volonté politique pour vaincre la tentation unilatérale et se tourner vers le multilatéralisme. C’est ce qu’Obama semble vouloir faire.

Nous entrons aujourd’hui dans un « moment multilatéral ». Le terme « moment » est ici important car il est possible que ce multilatéralisme ne dure pas. Soit parce que le prochain Président américain peut revenir à l’unilatéralisme, soit parce qu’Obama lui-même peut encore parfois se laisser tenter par l’unilatéralisme, notamment lorsqu’il a proposé un plan de relance « buy American » (achetez américain) très protectionniste. En outre, il est possible que la crise économique mondiale repositionne les pions sur l’échiquier global et que les équilibres géostratégiques en sortent bouleversés.

Il est donc important que l’Union Européenne saisisse ce « moment multilatéral », non seulement pour avancer son propre agenda multilatéral, mais aussi pour renforcer les Etats-Unis dans cette approche et façonner ensemble un système de gouvernance mondiale efficace, à notre image, et adapté à la nouvelle structure globale et aux nouveaux défis. L’aiguille du temps trotte. Le moment multilatéral ne sera pas éternel. L’UE pourrait commencer par rassurer son allié outre-atlantique lors du sommet de l’OTAN…

Cet article est crossposté sur le site Alliance Géostratégique.

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mercredi 11 mars 2009

Jihad, Principale Menace contre l'Italie selon un Rapport

Selon un rapport présenté au gouvernement italien, le terrorisme islamiste constituerait toujours la principale menace contre les intérêts italiens en Italie et à l'étranger. On notera avec intérêt que le rapport défini (sans surprise pour les lecteurs de ce blog) les prisons comme un lieu de recrutement privilégié et qu'il met à jour des "synergies avec les groupes de contrebande nord-africains".

Ce dernier point est un peu moins clair pour moi, surtout que je n'ai pas vu le rapport mais seulement son compte-rendu. Bien sûr, on se rappelle des attentats de Madrid (il y a exactement 5 ans aujourd'hui) qui avaient été financés avec l'argent de la vente de cannabis. Mais la question est alors de savoir si ce sont les groupes terroristes qui developpent des réseaux criminels pour générer des fonds ou si cellules terroristes et groupes criminels s'associent selon des termes définis entre eux (ce que laisse entendre le mot "synergie"). Ce dernier cas serait assez neuf en réalité car, jusqu'à présent, l'expérience a plutôt tendu à confirmer la première hypothèse.

Soulignons également que le rapport désigne le leadership central d'al-Qaïda comme toujours déterminant dans les actions des cellules islamistes locales. Cela tend donc à confirmer la théorie hoffmanienne contre celle de Marc Sageman (voir débat ici)...

Le rapport revient également sur l'importance grandissante d'internet, sur le phénomène d'auto-radicalisation, et sur la peur des loups solitaires.

Pour plus d'infos sur le jihad en Italie, voir notamment ici.

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mardi 10 mars 2009

Recommendations pour de Futures Négociations avec les Taliban en Afghanistan

Alors que le Pakistan a signé un accord de paix avec les Taliban dans la vallée du SWAT, offrant à ces derniers l'entièreté du pouvoir sans demande de contrepartie, ce sont maintenant les Américains qui songent de plus en plus à passer des accords avec les Taliban. Cela fait un certain temps que les alliés européens suggéraient cette idée, mais il aura fallu attendre l'arrivée combinée d'Obama à la présidence et du Général Petraeus au commandement des forces en Afghanistan pour prendre cette mesure au sérieux.

Comme souligné ici lors de l'accord pakistanais, il y a un danger inhérent à signer un accord avec les Taliban: c'est un signe de défaite contre les insurgés, ce qui risque d'encourager et de renforcer les forces rebelles; il y a un risque de créer un "terroristan", surtout lorsque cet accord ne comprend aucune contrepartie; il y a un dilemme éthique à remettre le pouvoir à un groupe dont le non respect des valeurs humanistes et démocratiques est évident; enfin cela envoie un signal clair aux populations locales, à savoir que le gouvernement n'est pas capable d'assurer leur protection.

D'un autre côté, il faut bien reconnaître que dans la situation de chaos actuelle, et étant donné la faible probabilité d'un accroissement considérable des forces internationales en Afghanistan, il est inévitable de collaborer avec les acteurs de pouvoir locaux. Sans l'aide de ces derniers, jamais les forces de la coalition n'arriveront à stabiliser l'Afghanistan et à gagner "le coeur et les esprits" des populations locales. Ces acteurs locaux ne sont généralement pas les gouverneurs ou les policiers (souvent corrompus et ne bénéficiant d'aucune légitimité locale) mais plutôt les chefs tribaux et, dans certains cas, les Taliban.

Dès lors, il convient d'étudier plus en profondeur les structures tribales de l'Afghanistan et les différents courants présents au sein des Taliban. En effet, comme très bien expliqué dans cet article, les Taliban ne forment pas un groupe homogène. Evidemment, même le Taliban le plus modéré a des valeurs complètement antagonistes aux nôtres, et ils considèrent même sans doute l'occident comme un ennemi. Mais en offrant de négocier à certains groupes tribaux et à certains Taliban modérés, tout en exigeant des garanties fortes et en assurant un suivi poussé (contrairement à ce qu'ont fait les Pakistanais), il est encore possible d'éviter une faillite totale de l'état afghan.

En d'autres mots, il s'agit d'encourager les forces modérées tout en continuant de chasser les extrémistes. Au fond, que cela nous plaise ou non, avons-nous encore d'autre choix?

Cet accord devra également se faire sur une base régionale, au risque, sinon, de ne faire que repousser les problèmes. En effet, si les Pakistanais signent des accords avec les Talibans anti-Américains et que les forces internationales négocient avec les Taliban anti-Pakistais, on risque de créer non pas un, mais deux "terroristan". Il convient donc d'inclure les puissances régionales voisines dans toute stratégie de négociation afin de trouver un deal solide et durable.

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dimanche 8 mars 2009

IRA et la Signification du terme Victoire

Un nouvel attentat a été commis en Irlande du Nord par l'IRA véritable, groupe dissident de l'IRA, tuant 2 soldats britanniques. Cet attentat nous rappelle que le terrorisme ne prend pas fin facilement ni instantanément. Lorsqu'un groupe est démantelé d'une manière ou d'une autre, certains membres plus radicaux émergent souvent afin de continuer les activités illicites par tous les moyens. En Irlande, l'IRA a mis officiellement fin à ses activités en 2005 en s'engageant sur la voie politique. Pourtant, les violences ont continué par après, de l'oeuvre d'autres groupuscules. Ces faits doivent simplement nous rappeler que la violence politique traverse nos sociétés et peut être canalisée, pas éliminée. Ces leçons s'appliquent également aujourd'hui à l'Irak et l'Afghanistan. A nous, dès lors, de nous interroger sur le seuil de violence politique "acceptable" précédant le retrait des troupes occidentales. En d'autres mots, il est temps de définir ce que signifie le mot "victoire". Ce débat, bien entendu, n'est pas neuf. Mais il demeure essentiel...sans doute plus dans le cadre irakien qu'afghan dans la situation actuelle...

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mardi 3 mars 2009

Analyse Quantitative du Terrorisme International en Europe (1968-2008)

Une étude quantitative assez intéressante est parue (en espagnol) dans le dernier numéro de Athena Intelligence Journal, intitulée "Analyse quantitative du terrorisme international en Europe occidentale (1968-2008)", signée Domingo Jimenez Martin. Comme son titre l'indique, cette étude se base sur toutes les attaques du terrorisme à caractère international (c'est-à-dire pas l'ETA au Pays Basque ou l'IRA en Grande-Bretagne par exemple) qui ont frappé l'Europe occidentale. D'un point de vue méthodologique, notons tout de même d'emblée que l'on regrettera l'absence de définition de ce "terrorisme international", de même qu'une justification quant à la sélection des pays (par exemple, la Suisse et la Norvège sont inclus, mais pas le Luxembourg, l'Irlande ou la Finlande).

Ce détail important mis à part, cette étude offre une perspective fort intéressante sur le phénomène terroriste en Europe. L'auteur recence ainsi 277 actions terroristes en 40 ans (mais attention: il se restreint aux attaques qui ont fait au moins une victime mortelle, ce qui est une autre limite non négligeable de cette étude).

La plus grande partie de ces attentats (28,1%) étaient le fait de groupes palestiniens. Ensuite, 16,6% des attaques étaient l'oeuvre de chiites radicaux libanais ou iraniens. Les jihadistes (sunnites radicaux) quant à eux ne représentaient que 4% de l'ensemble des attentats.

Les années 1980 regroupent la grande majorité (143 sur 277) des actions terroristes, alors que la décennie 2000 est pour ainsi dire la moins marquée par le terrorisme international, avec seulement 13 attaques. On note aussi que le phénomène jihadiste est(statistiquement) récent puisque les premières attaques (mortelles) n'apparaissent que dans le nouveau millénaire. Les années 1980 étaient également les plus mortelles, même si l'attentat de Lockerbie (296 morts) en est largement responsable.

Par contre, bien que récent et statistiquement peu actif, les actions attribuées au Jihad global comptabilisaient 23,6% des victimes mortelles du terrorisme international. Cette donnée explique - en partie - pourquoi le phénomène jihadiste à susciter des réactions bien plus prononcées que les autres formes de terrorisme international.

Durant 40 ans, les deux pays les plus touchés par le terrorisme international furent le Royaume Uni et l'Espagne, suivis par la France et la Grèce. Par contre, Paris a été la ville la plus directement touchée, avec 20,9% du total des attentats perpétrés en Europe.

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Publication: Les Cahiers du RMES

Les derniers Cahiers du RMES viennent d'être publiés. Dedans, vous y trouverez un article d'Alain De Neve (Chercheur à l'Institut Royal de Sécurité et de Défense), de Joseph Henrotin (Rédacteur en chef de DSI) - Alain et Joseph sont par ailleurs tous deux mes "collègues" au sein de la toute récemment créée mais déjà prometteuse Alliance Géostratégique - ainsi qu'un article d'André Dumoulin (Professeur à l'Ecole Royale Militaire).

J'y publie également (en temps que membre de l'Institut Royal des Relations Internationales, décidément ça fait beaucoup de représentants de tous les Centres Royaux de notre petite Belgique dans une seule publication...) un article sur le Jihad en Allemagne, et plus particulièrement sur la filière ouzbèke (Union du Djihad Islamique) qui a considérablement accru la menace terroriste malgré des moyens limités.

Voici le sommaire:

Djihad en Allemagne : La Connexion Ouzbèke
Par Thomas Renard

La presse écrite francophone de Belgique et la PESD
Par André Dumoulin

Les ré(é)volutions du caméléon. Combat futur et formation des structures de force entre Transformation, guerres hybrides et nouvelles formes d’application des conceptions de techno-guérilla
Par Joseph Henrotin

Military USes of Nanotechnology: An Overview of Trends in Investments, Expected Outcomes and Potential Impacts on Arms Control Regimes
Par Alain De Neve

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dimanche 1 mars 2009

Au Coeur du Débat Stratégique: Naissance d'Alliance GéoStratégique


Le débat stratégique est en grand renouvellement, que ce soit aux Etats-Unis, en Europe ou en France. Il reste toutefois confiné dans des formes bien connues (instituts, revues, colloques) sans prendre en compte la nouvelle communication numérique qu’est l’internet. Or, si ce nouvel média est utilisé, c’est de façon classique par la mise en ligne d’informations imprimées. Le débat n’a jusqu’à présent pas pris en compte les qualités permises par Internet : universalité, réactivité, diversité, pour ne citer que les principales. Les blogs répondent à ces exigences et la blogosphère stratégique francophone vient de se fédérer autour de la plate-forme Alliance Géostratégique, qui devient d’emblée un acteur incontournable du débat.

Dans son numéro de décembre dernier, Défense Nationale & Sécurité Collective (DNSC) a laissé la parole à Alain Bauer qui évoquait ses projets de concentration de la recherche stratégique française.

En effet, tous les spécialistes s’accordent à reconnaître que la France est le seul lieu occidental d’une pensée alternative à la pensée américaine. Ailleurs, l’atlantisation des esprits règne, même si la saveur européenne, due à une richesse culturelle évidente, permet des expressions moins radicales que celles d’outre-Atlantique. Mais il s’agit de modalités, de tempéraments et de nuances, et non d’altérité. Il faut bien constater que seule la France produit une pensée stratégique à peu près autonome(1), même si elle se détermine aussi par rapport aux débats américains – comment pourrait-on ignorer les réflexions sur la « transformation », sur la cyberguerre, sur la technologisation de la guerre, sur l’approche globale... Preuve paradoxale de cette différence : ce sont les Américains qui ont redécouvert Galula et Trinquier, grâce aux efforts du général Petraeus.

Tout est-il pour autant satisfaisant ?

Le débat stratégique en France

Non, car la question est celle des lieux de débat : quels sont aujourd’hui en France les lieux du débat stratégique et géopolitique contemporain ? Ils s’avèrent finalement assez limités et ne tiennent pas assez compte du public.

Public : le grand mot est lâché. Il est double, puisqu’il s’agit aussi bien d’un adjectif (ce qui est public appartient à la sphère de l’Etat) que d’un substantif (le public qui lit, observe, et chose incroyable, pense). Or, les lieux de débats sont « publics » et, en fait quasi étatiques, sans être assez tournés vers le public.

La première scène regroupe les institutions propres au ministère de la défense (2). Les quatre instituts (IHEDN, CHEAr, IHESI, INHES) (3) vont donc être regroupés en deux piliers (l’un défense, l’autre sécurité intérieure), et incorporeront le CEREM, qui s’était construit peu à peu ces dernières années et produisait un excellent travail. Peut-on dire amicalement que ces institutions tiennent autant du centre de recherche que du club d’initiés qui permet la constitution de précieux réseaux : lieux incontestables d’influence décisionnelle, les débats qui s’y déroulent ont le mérite – et le défaut – de l’entre-soi : ils sont assez fermés. Espérons donc que le CEREM poursuivra sa politique de publication en ligne de ses travaux. Mais l’ensemble est très étatique, donc, et pour tout dire, opaque.

Autre lieu, et sans être exhaustif, les laboratoires d’idées : Fondation pour la Recherche Stratégique (FRS), Institut Français des Relations Internationales (IFRI), Institut des Relations Internationales & Stratégiques (IRIS) connaissent une notoriété certaine et justifiée. Mais le premier est totalement étatique, quand les deux autres dépendent dans une très large mesure des subsides de l’Etat. Cela n’affecte pas la qualité de leurs travaux, mais rétrécit le champ de leurs recherches.

Les sociétés privées de sécurité (Géos, Compagnie Européenne d’Intelligence Stratégique,...) ont certainement des analyses judicieuses : mais comme elles sont privées, elles sont payantes. C’est d’ailleurs le défaut des lettres d’information (TTU, La Lettre A, La Lettre du Continent,...) : intéressantes, mais confidentielles.

Revues et médias

Ces instituts publient des revues, espace évident de partage des idées. La diffusion est plus ou moins large : le RAMSES est devenu une institution automnale, et la Revue de l’IRIS a trouvé son public. D’autres revues existent, et tout d’abord notre cher Défense Nationale et Sécurité Collective, qui a su depuis une dizaine d’années échapper à la seule présentation des thèses institutionnelles pour devenir un espace d’expressions diverses et contradictoire. Citons en passant Défense (revue de l’IHEDN), Géopolitique, les Cahiers du CHEAr, Les Cahiers de Mars, etc...

Encore plus confidentiels mais indépendants, citons entre autres AGIR (du général de La Maisonneuve), Stratégique (de l’Institut de Stratégie Comparée, dirigé par H. Couteau-Bégarie). Les revues universitaires existent également : à tout seigneur tout honneur, Hérodote a conquis un public fidèle.

Signalons enfin deux initiatives privées qui ont su conquérir le grand public : je veux parler de Défense & Sécurité Internationale (DSI) qui revendique 120 000 lecteurs et Diplomatie (bimensuel) : la diffusion peut accompagner la qualité.

L’audiovisuel permet des diffusions intéressantes : on citera Le Dessous des Cartes, excellente émission de géopolitique animée par J.-Ch. Victor sur Arte, ou Les Enjeux Internationaux, de Thierry Garcin sur France Culture. Mais il faut bien constater qu’on trouve peu d’émissions stratégiques, hors les enquêtes particulières suscitées par l’actualité.

Les supports existent donc, mais pâtissent des défauts d’un modèle univoque : le média parle, le lecteur achète : et ce n’est pas le courrier des lecteurs (qui est d’ailleurs la plupart du temps absent de toutes les revues citées) qui permet le débat. Tout juste a-t-on, parfois, un article qui répond, trois numéros plus loin, à l’article précédent qui présentait une thèse iconoclaste. Lent et engoncé.

A l’heure de l’ultra-communication, ce n’est évidemment pas suffisant. Le public n’y trouve pas son compte. Il n’est que consommateur, et non acteur du débat. Cette logique appartient au passé.

L’internet

Il y a internet, nous dit-on. Allons justement y faire un tour. Des sites institutionnels existent : par exemple, et sans souci d’exhaustivité, celui de DNSC, celui des laboratoires précédemment cités (FRS, IFRI, IRIS) parfois celui d’autres revues. Mais ce transfert sur la toile de productions originellement imprimées n’utilise pas vraiment les ressources de ce nouveau « media », notamment les aspects interactifs de l'Internet « social » (ou Web 2.0). Car l’Internet permet également d’heureuses innovations : ainsi, l’ISC est désormais intégralement sur Internet et met en ligne énormément de ressources, mais de manière très irrégulière. Signalons également l’excellent Courrier des Balkans, de J. A. Derens, ou le Centre d’Études Transatlantiques, jeune laboratoire d’idées fondé par A. Le Parmentier. Les Cahiers du RMES paraissent uniquement sur la toile, deux fois l’an. Le site de la Société française d’études militaires, créée par Y. Boyer justement pour créer un espace alternatif de débat, peine à s’animer. Diploweb, dirigé par J. Verluysse, a une certaine surface mais selon un mode propriétaire qui ne favorise pas le débat.

Tout cela est finalement assez figé : on transpose sur Internet le fonctionnement habituel des revues : il ne s’agit que de revues en lignes qui maintiennent la hiérarchie entre l’auteur et le lecteur, ce dernier étant en position toujours subordonnée et captive. Il n’a qu’une seule alternative : lire, ou ne pas lire. A contrario d’Hamlet, ce n’est pas le débat !

Alors, comment Internet peut-il apporter quelque chose de nouveau ? Surtout, qu’est-ce qui est « nouveau » et qui échappe aux limites constatées ci-dessus ?

La nouveauté serait d’avoir de nouveaux critères : une certaine spécialisation autour des thèmes stratégiques et géopolitiques ; un rythme fréquent de publication (au mieux quotidien, mais en tout état de cause plus rapide que le mensuel) ; une diversité de points de vue ; une diversité de sources (Web 2.0) ; une exigence d’écriture qui dépasse la seule opinion et favorise l’analyse ; une possibilité de réaction immédiate des lecteurs ; l’indépendance par rapport à l’Etat, aux doctrines propres à chaque institut, ou par rapport à des intérêts privés.

La blogosphère

Cet outil existe : c’est le blog. Il y en a de plusieurs types. Regardons ce qu’il en est.

Le moins intéressant, à coup sûr, est le blog promotionnel : sous couvert de publication de billets, selon un rythme aléatoire, l’auteur promeut ses activités, ses conférences, ses prises de paroles publiques. C’est très ennuyeux, et je n’aurai pas la cruauté de les citer. Ce n’est pas parce qu’on a un blog qu’on est moderne, et encore moins qu’on a quelque chose à dire : quant à la notion de partage, elle est absente de la perspective.

Beaucoup plus intéressant est le blog journalistique : citons à cet égard le blog de J.-D. Merchet, spécialiste de défense à Libération; celui de J. Guisnel, du Point; celui de N. Gros-Verheyde sur la PESD; celui de V. Jauvert sur l’actualité internationale; ceux du Monde Diplomatique; celui de P. Rousselin, celui de J. Quatremer sur les coulisses de Bruxelles, etc...

Intéressant, certes, mais très institutionnel, et pour deux raisons : la première tient à ce qu’il s’agit de blogs hébergés, la plupart du temps, par les journaux employant ces journalistes. Il s’agit pour ces journaux, de façon parfaitement légitime (il en va de leur survie économique) de trouver leurs lecteurs au moyen d’Internet. Surtout, les journalistes qui écrivent ces blogs estiment souvent que grâce à leur professionnalisme, ils sont seuls autorisés à être le truchement de l’expression médiatique.

Eux seuls présenteraient les garanties déontologiques pour transmettre de l’information. Cela est en partie vrai : mais c’est très discutable à l’heure d’Internet puisque chacun devient un peu journaliste ; puisque chacun peut être le reporter de l’événement auquel il a assisté et qu’il peut décrire et illustrer grâce aux photos et vidéos qu’il a prise ; puisqu’en fait, les journalistes n’ont plus le monopole de l’information, même s’ils en demeurent des acteurs essentiels. En fait, leur rôle a changé et s’ils continuent de trouver et diffuser l’information (la fonction d’enquête demeure), ils doivent aussi l’analyser ce qui deviendra, de plus en plus, leur plus-value.

Ceci explique que les blogs de journalistes ne présentent pas l’esprit « blog » qui est en usage ailleurs, constitué de liens et de débat. Ils sont ainsi très spécialisés (MM. Merchet et Guisnel ne produisent que de l’information sur la chose militaire, et jamais sur les débats stratégiques) ; les réactions sont donc très dispersées et parfois excessives (J.D. Merchet a été obligé de fermer l’accès aux commentaires) ; enfin, ils ne mettent en lien que des blogs « professionnels » de journalistes comme eux, selon une logique presque corporatiste, et qui court le risque d’être pontifiante. Ce sont donc des blogs très utiles (surtout qu’ils répondent à une demande profonde d’information du public, et notamment du public militaire), mais pas totalement satisfaisants pour l’amateur de débat stratégique.
Alliance Géostratégique

C’est en réaction à ces manques qu’une blogosphère stratégique francophone s’est développée ces deux dernières années. Et qu’elle vient de créer une plateforme commune : « Alliance géostratégique ».

Alliance, car nous ne voulions pas être un comité, un institut, une société, un mouvement, un rassemblement, une fédération.... Tous ces mots ont été trop utilisés. L’alliance fait référence à la vieille « alliance française », premier instrument de la francophonie (car il s’agit, on l’aura compris, de blogs d’expression francophone). Le mot, presque désuet, revêt justement une certaine fraîcheur ; surtout, il s’agit d’un portail de blogs francophones (français, belges, canadiens, camerounais) ; l’alliance appartient par ailleurs au vocabulaire de notre champ d’intérêt, qui est géostratégique. Et pour tout dire, nous ne nous sommes pas beaucoup attardés sur le sens véritable du mot « géostratégique » : il nous convient, à cause de son imprécision, car il est au centre de nos préoccupations à la fois stratégiques et géopolitiques. Certains sont plus intéressés par la stratégie, d’autres par la géopolitique. C’est justement cette diversité et cette complémentarité qui fait notre intérêt.

Diversité ? oui, nous sommes quinze auteurs de blogs, d’origine et d’âge bien variés : des jeunes étudiants et des actifs établis (de 19 à 45 ans), des spécialistes de défense ou des amateurs exerçant dans un tout autre champ; nous sommes professeur, journaliste, expert financier, fonctionnaire de tout type, historien, géographe, infographiste, informaticien, politologue.... Français, Belges, Africain, ou expatriés (Europe, Amérique du Nord, Afrique). Bref, nous sommes à l’image de notre public.

Le public, justement, parlons en : en cumulant nos audiences, nous arrivons à 2500 visites quotidiennes pour 5000 pages vues en moyenne.... Et 10 % des accès proviennent déjà de pays autres que la France et la Belgique. Déjà, nous sommes lus par des professeurs d’université, des chercheurs, des décideurs politiques, des journalistes, des officiers supérieurs, des hauts-fonctionnaires d’administrations nationales ou internationales, d’Europe, d’Amérique, d’Afrique ou d’Asie, des industriels, des spécialistes d’intelligence économique,… mais aussi et d’abord par des citoyens intéressés par la stratégie.

Signalons la qualité de ce public : lors de l’offensive israélienne sur Gaza, en janvier, nous avons bien sûr publié de nombreuses analyses : mais nous n’avons eu à déplorer aucun commentaire déplacé, à la différence des échanges publics le plus souvent injurieux qui se déchaînaient au même moment partout ailleurs sur la Toile. C’est que ces billets ont permis un débat entre nous : débat public, débat articulé, débat contradictoire, débat exigeant, qui nous a permis collectivement de nous enrichir. Car une motivation partagée par la plupart d’entre nous, quand nous nous lançâmes dans l’aventure personnelle, était justement de trouver des gens avec qui parler, au lieu de rester dans notre coin, comme des consommateurs inactifs.

Ce qui est vraiment nouveau, c’est que le débat vient du bas vers le haut : ce n’est pas cette origine qui entraîne une moins bonne qualité, au contraire. Surtout, le débat est extrêmement réactif à l’actualité, grâce au format de blog que n’ont pas les institutions. Dès lors, en additionnant touts les billets écrits, l’alliance met en ligne chaque mois plus de pages que la plupart des instituts.

Cet enrichissement, nous voulons le partager. C’est pourquoi nous avons créé cette plate-forme commune, qui est une étape supplémentaire dans l’organisation du débat stratégique en général, et de la blogosphère en particulier.

Il fallait en effet conserver la richesse des blogs individuels, et donc l’investissement personnel de chacun, seul responsable de ses analyses et de son blog ; mais il fallait en même temps un espace partagé, qui permette à la fois une meilleure visibilité, mais aussi un meilleur débat. Alliance Géostratégique sera donc plus qu’une fédération de blogs, même si c’est d’abord une fédération de blogs. Nous aurons ainsi chacun notre identité (et donc notre responsabilité) éditoriale, tout en ayant un espace commun. Celui-ci servira non seulement à apercevoir, d’un seul coup d’œil, la production de tous les blogs « alliés », mais il aura une partie rédactionnelle propre : éditoriaux, débat du mois, ressources, comptes-rendus de colloques ou de lecture, actualité des revues...

Alliance Géostratégique n’entre donc pas en concurrence avec les autres acteurs du débat stratégique et géopolitique : c’est simplement un nouvel acteur, qui tire profit des facultés d’Internet en permettant à la fois l’expression individuelle, la modération des débats, le dialogue en temps réel des spécialistes et de la société civile.

Ni concurrents, ni alternatifs, juste complémentaires.

Cet outil ne peut être que le vôtre.

Alliance Géostratégique : les membres d’Alliance Géostratégique sont des blogueurs francophones partageant les mêmes exigences et la même volonté de vivifier le débat stratégique contemporain.

Cet article est crossposté dans Alliance Géostratégique et dans tous les blogs membres.

1.Autonomie à l’intérieur de l’espace occidental, car on néglige souvent, et probablement à tort, ce qui peut se dire à Moscou, Dehli ou Pékin...
2.On ne mentionnera pas ici les organismes attachés directement aux administrations : Délégation au Affaires Stratégiques au MD, Centre d’Analyse et de Prévision au Quai d’Orsay, voire SGDN auprès de Matignon. Les analyses produites sont fort pertinentes mais à l’usage exclusif du pouvoir exécutif : il est donc légitime que ces organes conservent la confidentialité de leurs travaux. Ils n’entrent donc pas dans le champ de cet article.
3.Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale - Centre des Hautes Etudes de l’Armement - Institut des Hautes Etudes de Sécurité Intérieure - Institut des Hautes Etudes de Sécurité.

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