«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

jeudi 7 février 2008

La Théorie du 'Loup Solitaire' ou la Psychose Américaine

Il existe une croyance largement répandue parmi les experts américains en terrorisme : la prochaine attaque terroriste n’est plus qu’une question de temps. Malgré toutes les mesures de sécurité déployées, il est impossible de garantir la sécurité totale des Etats-Unis. Loin de là. La question que les experts se posent n’est pas « Quand ? », mais plutôt « Qui ? Et comment ? ».

Parmi les différentes réponses possibles, la théorie du ‘loup solitaire’ fait particulièrement frémir l’ensemble de la communauté du renseignement. Cette peur repose sur la difficulté de localiser un individu isolé qui aurait des desseins d’attentat. Il existe beaucoup de moyens pour identifier des terroristes qui tentent de d’entrer sur territoire américain. De même, il est possible d’infiltrer une cellule terroriste. Mais le ‘loup solitaire’ est presque impossible à repérer. Du moins en théorie.

Un rapport de Stratfor, un think tank basé au Texas, définit le ‘loup solitaire’ comme un individu « qui agit à son propre compte, sans recevoir d’ordres et sans entretenir de relations avec aucune organisation. (…) Il est par nature membre de la société qu’il vise et est capable de s’auto-activer à n’importe quel moment ». Le ‘loup solitaire’ se distingue ainsi de l’ ‘agent dormant’ qui a infiltré la société-cible pour le compte d’une organisation et demeure inactif jusqu’à réception d’un signal. Le ‘loup solitaire’ se distingue également du ‘fou solitaire’ qui n’a aucun objectif politique et dont les actions ne correspondent pas aux définitions d’un acte terroriste.

Al-Qaïda est conscient de la peur suscitée par les ‘loups solitaires’ aux Etats-Unis. Et se plaît à entretenir la psychose. Un message sur un site jihadiste daté du 1 janvier 2008 dit : « Les cellules dormantes se promènent au sein du pays des infidèles en utilisant différentes méthodes de couverture et des ‘noms de blancs’ qui n’attirent pas l’attention des services de sécurité américains, mais ce n’est pas cela qui terrifie le FBI en particulier et les services de sécurité en général. Ce sont les ‘loups solitaires’ d’al-Qaïda qui dérangent leur tranquillité et leur sommeil ». Le même message offre ensuite plusieurs conseils aux ‘loups solitaires’ afin de mener à bien leurs missions. La liste de ces conseils est disponible sur le site de la fondation Jamestown, un think tank basé à Washington avec lequel je collabore. Ces conseils comprennent par exemple : ne pas révéler ses origines arabes, mais plutôt se faire passer pour hispanique ; ne pas vivre dans un quartier où il y a des trafiquants de drogue pour échapper à la surveillance de la DEA (agence de lutte contre la drogue) ; s’entraîner à la manipulation des armes et des explosifs ; etc.

Néanmoins, les difficultés rencontrées par les ‘loups solitaires’ sont nombreuses. Etant seuls, ils doivent monter l’entièreté des opérations par eux-mêmes. En outre, de nombreuses qualités sont nécessaires pour élaborer une attaque, allant du repérage des lieux à la construction d’explosifs, en passant par la manipulation des armes. Si ces choses peuvent paraître simples sur papier, il en est autrement au moment de passer à l’action. Le cas de Sayed Abdul Malike illustre assez bien ce propos. Le FBI a entendu parler de cet Afghan vivant aux Etats-Unis pour la première fois en mars 2003 via un technicien informatique. Au cours d’une conversation, Malike avait demandé au technicien s’il savait comment fabriquer une bombe. Quelques jours plus tard, un capitaine de bateau touristique en Floride alertait également le FBI : Malike avait posé d’étranges questions sur l’infrastructure des ponts de Miami, qu’il avait filmés, et sur la distance à laquelle le petit bateau touristique pouvait s’approcher des grands bateaux de croisière. Il sera arrêté en mai 2003 après avoir tenté d’acheter suffisamment d’explosif pour « faire exploser une montagne ».

Le rapport de Stratfor conclut : « Alors que les versions fictionnelles et théoriques du ‘loup solitaire’ peuvent être terrifiantes, les exemples réels démontrent que, non seulement les cas sont très rares, mais les contraintes imposées par leur isolement (lors de l’entraînement et de l’acquisition d’armes) généralement limitent les dommages qu’ils peuvent faire. En outre, un ‘loup solitaire’ qui fait appel à une aide extérieure se retrouve éventuellement en interaction avec d’autres militants et ne peut alors plus être considéré comme ‘loup solitaire’ ».

Aucun commentaire: