«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

vendredi 28 mars 2008

Cüneyt Ciftci: le Premier Kamikaze Allemand

L’Allemagne se sent de plus en plus menacée par l’extrémisme islamique. Une nouvelle vidéo obtenue par Spiegel Online confirme les soupçons des investigateurs allemands sur l’explosion contre un poste militaire américain le 3 mars dernier qui avait tué deux soldats US et deux civils en Afghanistan. L’attaque a, comme le craignaient les enquêteurs, bel et bien été orchestrée par Cüneyt Ciftci, un jeune Turc de 28 ans, né et élevé en Bavière, en Allemagne. Cüneyt Ciftci est ainsi devenu le premier kamikaze allemand.

La vidéo montre la préparation du martyre, la préparation du camion avec les explosifs, les dernières prières avant la mission, suivies par l’explosion extrêmement puissante du camion. Comme souvent dans le cas d’attentats-suicides, il ne restait rien pour ainsi dire de Cüneyt Ciftci, ce qui rendait l’identification du corps difficile. Jusqu’à l’obtention de la vidéo.

L’histoire de Cüneyt Ciftci ressemble très fort à celle d’autres terroristes formés en Europe. Une vie discrète et sans problèmes, une bonne éducation (ce qui le distingue même du reste de la population turque en Allemagne, généralement discriminée scolairement), un mariage avec deux enfants, et un job stable à la mairie locale. Bref, rien n’indiquait que Cüneyt dissimulait des accointances avec des terroristes.

C’est à la mosquée que va commencer son « itinéraire jihadiste ». Près de Nuremberg, il fréquente une mosquée assez radicale, peuplée par plusieurs individus suspects. C’est à ce moment que Cüneyt entre aussi dans le radar des renseignements allemands qui surveillent précisément cette même mosquée. Il est fort probable que le passage dans cette mosquée ait radicalisé le discours de Cüneyt, tout en le mettant en contact avec des individus membres ou proches des milieux extrémistes.

D’une manière ou d’une autre, Cüneyt entre en contact avec Adem Yilmaz, l’un des membres de la cellule de Sauerland démantelée l’année dernière pour avoir planifié des attaques notamment contre l’aéroport de Francfort et la base militaire américaine de Ramstein. En avril 2007, Cüneyt décide de quitter l’Allemagne avec sa famille. A-t-il alors déjà pris la décision de se lancer dans le jihad ? Se sent-il menacé par les services de renseignement et la police qui l’a convoqué pour un interrogatoire ? Impossible de répondre à ces questions. Des suppositions sont possibles néanmoins. Sans doute, n’est-il pas encore certain en avril de vouloir rejoindre le jihad. Sinon, pourquoi ne pas simplement s’associer à la cellule de Sauerland et devenir un « héros » dans son propre pays ?

Son voyage est organisé par Adem Yilmaz. Après avoir pris le soin de s’être désinscrit du registre communal, annonçant ainsi officiellement son départ du pays (un signe d’une certaine sérénité tout de même), il part pour le Pakistan. C’est probablement dans un camp d’al-Qaïda que Cüneyt rencontre les responsables de l’Union Jihadiste Islamique (UJI), un groupe ouzbek qu’il décide de rejoindre. L’engrenage est alors irréversible. Il passe la frontière et rejoint l’Afghanistan où il accomplit sa mission « divine ».

Le cas de Cüneyt souligne une fois de plus la menace terroriste croissante qui pèse sur l’Allemagne, comme je l’ai déjà écrit dans un article pour Terrorism Focus magazine.

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