Le rôle de la femme dans le terrorisme est très largement négligé. Et pourtant, les femmes tiennent une place cruciale dans le processus de socialisation des enfants, en temps que mères, mais aussi dans leur pouvoir d’influence sur les hommes, en temps qu’épouses. En outre, ces dernières années, on constate une augmentation de l’implication directe des femmes dans le jihadisme, en devenant martyres, que ce soit en Palestine, en Tchétchénie ou en Irak.
Les causes de cet accroissement sont complexes et en partie dépendantes du contexte local, comme indiqué dans mon analyse sur les femmes kamikazes en Irak. Cependant, l’une des causes de cet accroissement tient dans le développement d’une campagne de propagande d’al-Qaïda destinée spécifiquement aux femmes. Un nombre croissant de forums sur internet sont dédiés aux femmes et à leur rôle dans le jihad. De manière assez intéressante, une étude de fréquentation de ces forums indique que ce sont essentiellement des hommes qui participent. Dès lors, il s’agit essentiellement d’un recrutement de femmes par des hommes. Le processus de recrutement femmes-femmes ne semble pas encore institutionnalisé.
De manière systématique, la propagande à destination des femmes souligne le caractère ambivalent de la femme dans le jihad. La femme est vue à la fois comme un adjuvent et comme un obstacle au jihad.
Dans le livre intitulé Le Manuel de Recrutement d’al-Qaïda, Mathieu Guidère et Nicole Morgan traduisent l’un des textes les plus lus sur internet, qu’ils qualifient « d’épître », destiné aux femmes. Le texte d’une vingtaine de pages commence par un rappel à l’ordre : « Honorable sœur, tu as un rôle important et crucial à assumer. Il faut te lever pour accomplir ton devoir dans la guerre que nous menons aujourd’hui ». Plus loin, l’auteur souligne : « Tu dois être consciente que ta mission est plus importante que tout ce que tu peux imaginer. Tu portes aujourd’hui une grande part de responsabilité dans la défaite de l’Islam ».
« L’épître » contraste l’influence positive de la femme dans le passé avec la responsabilité qu’elle porte, selon l’auteur, dans la « défaite actuelle de l’Islam ». « Si la femme ne prodigue pas ses encouragements pour s’engager dans le conflit ou bien si elle reste à l’écart ou encore si elle décourage carrément les autres de s’y investir, alors ce sera le début de la défaite et le cheminement vers l’échec. C’est ce qui arrive à notre Nation aujourd’hui. Par le passé, l’Islam a pu vaincre les Etats mécréants les plus puissants que lorsque la femme était à la hauteur de ses responsabilités. C’est elle qui éduquait ses enfants à l’amour du Jihad. C’est elle qui protégeait l’honneur de l’homme et ses biens lorsqu’il partait au Jihad. C’est elle enfin qui résistait et qui apprenait la patience à ses enfants et à son époux pour qu’ils persistent dans cette voie. Tout cela fait que le dicton ‘Derrière chaque grand homme se cache une femme’ s’applique parfaitement aux femmes musulmanes de l’époque. (…) Quant aux femmes de notre temps, que dire d’elles ? (…) Elles sont totalement absentes et quelle absence ! Une absence à cause de la mode. Une absence à cause des vogues. Une absence à cause des parures et des choses licencieuses. Pis, certaines sont absentes parce qu’elles baignent dans les choses illicites ».
Cependant, l’auteur de « l’épître » ne souhaite qu’un engagement limité des femmes dans le jihad. Il n’essaye pas de recruter des femmes pour des attaques-suicides. « Nous ne voulons pas que tu entres sur le champs de bataille, et cela pour t’éviter toute humiliation et toute sédition ; nous voulons seulement que tu suives l’exemple des femmes d’antan dans leur incitation au Jihad ». Cette vision machiste du rôle de la femme est largement dominante dans les forums islamiques.
Le rôle de la femme dans le processus de socialisation de l’enfant est mis en évidence par cet article paru dans le magazine Sada Al-Jihad, mis en ligne par MEMRI. « L’éducation des enfants commence lorsqu’ils sont encore dans le ventre de leur mère. Un enfant sent l’amour de l’Islam même lorsqu’il est dans l’utérus – au travers de l’amour de la mère et de sa dévotion à la religion… Et lorsqu’elle écoute le coran de manière régulière… ses émotions sont transmises au fœtus… Cela a été prouvé par la recherche moderne ».
La glorification du rôle de certaines femmes dans le jihad est l’une des techniques les plus fréquentes pour recruter les femmes. Généralement, comme dans « l’épître » mentionné précédemment, le recrutement visait essentiellement le soutien (actif ou passif) des femmes au jihad. Plus récemment, un nombre croissant d’articles appellent à la participation directe des femmes aux opérations militaires. Cette campagne de propagande ciblée peut expliquer, en partie, l’augmentation du nombre de femmes kamikazes observé ces dernières années sur les théâtres jihadistes.
«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre»
---Fédor Dostoïevski
mardi 25 mars 2008
Femmes et Jihad (2)
Publié par Europe in the World à 01:11
Libellés : Al-Qaïda, Islamisme, Terrorisme
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