Le terrorisme au Pakistan est une matière complexe et délicate. Islamabad a parfois ouvertement supporté des groupes terroristes/insurgés pour servir ses intérêts. C’était le cas dans les années 80 quand le Pakistan soutenait les moudjahiddines, ou dans les années 90 en soutenant les Taliban. Cependant, depuis le 11 septembre, Musharraf se trouve dans une situation embarrassante : allié des Etats-Unis, il veut faire bonne figure dans la « guerre contre le terrorisme », ce qui l’oblige à se retourner contre ses anciens alliés. Cette politique a créé quelques tensions au sein de l’armée, mais aussi beaucoup d’amertume parmi les groupes terroristes qui se sont retournés à leur tour contre le régime pakistanais. En bref, le 11 septembre et la guerre américaine contre le terrorisme s’est traduite au Pakistan par une intensification du « front asymétrique », c’est-à-dire un accroissement de la lutte entre le gouvernement et les groupes terroristes/insurgés, mais aussi par le développement d’une stratégie ambigüe qui ne peut se comprendre que lorsque vue dans sa totalité. Les dilemmes de Musharraf
Les groupes terroristes au Pakistan
De manière générale, les groupes terroristes pakistanais peuvent être regroupés dans cinq grandes catégories :
Dans un article publié par Carnegie Endowment, Ashley Tellis explique la stratégie complexe du régime Musharraf en matière de contre-terrorisme. Tout d’abord, en rejoignant la coalition américaine contre le terrorisme, Musharraf s’est donné la légitimité nécessaire à l’éradication de groupes terroristes présents au Pakistan. Cependant, il a agi de manière sélective, en réprimant les groupes qui posaient un danger potentiel contre Islamabad, tout en épargnant voire en soutenant d’autres groupes utiles à la politique étrangère du Pakistan. Les efforts en matière de contre-terrorisme se sont donc concentrés dans un premier temps sur les groupes sunnites Lashkar-e-Jhangvi, Sipah-e-Sahaba Pakistan, Harkat-ul-Mujahideen al-Alami, Jundullah, et Harkat-ul-Jihad-e-Islami, ainsi que sur le groupe chiite Sipah-e-Muhammad.
La relation entre Musharraf et les groupes terroristes du Kashmir est ambigüe. Le Pakistan avait de longue date financé et armé ces nombreux groupes qui attaquent l’Inde depuis le Kashmir pakistanais. En joignant la coalition contre le terrorisme, Musharraf n’a pas interrompu son soutien, mais plutôt remplacé son soutien matériel par un soutien moral. Néanmoins, depuis l’amélioration des relations entre l’Inde et le Pakistan, Musharraf a dû aller encore un cran plus loin dans son contrôle sur les terroristes kashmiri. Désormais, il tente dans la mesure du possible de moduler l’action des groupes terroristes en fonction de l’état des relations entre l’Inde et le Pakistan, de manière à rejeter la faute sur le manque de volonté indien lors d’attentats terroristes.
La relation entre le Pakistan et les Taliban afghans est fort similaire à celle avec les Kashmiri. Dans les années 1990, le Pakistan avait participé à la montée des Taliban dans un souci d’établir un régime amical le long de sa frontière Ouest, et surtout d’éviter une interférence de l’Inde. Dès lors, le régime Musharraf s’est montré assez peu enclin à poursuivre les Afghans qui se sont réfugiés dans les zones tribales pakistanaises. Il semble que l’armée laisse une relative liberté aux Taliban afghans, ce que semble confirmer les statistiques : le Pakistan a capturé et tué nettement plus de membres d’al-Qaïda que de Taliban. En outre, le Pakistan est inquiet au regard du rôle grandissant de l’Inde dans la reconstruction de l’Afghanistan, simultanément à une détérioration des relations entre Kaboul et Islamabad. Le Pakistan reste toujours préoccupé par l’instauration d’un régime hostile à sa frontière occidentale.
A l’inverse, la relation avec les Taliban pakistanais est beaucoup plus tendue puisque ces derniers ont lancé de nombreuses attaques contre le gouvernement, et Musharraf a accusé Mehsud pour l’assassinat de Benazir Bhutto. Le Pakistan a aussi développé des efforts considérables contre al-Qaïda, malgré les liens – directs ou indirects – qui unissaient jadis le groupe de Ben Laden au Pakistan, et malgré l’impopularité de cette action auprès d’une partie de la population pakistanaise acquise à la cause d’al-Qaïda. Le Pakistan a actuellement plus de 85.000 militaires déployés le long de la frontière avec l’Afghanistan, dont 600 ont déjà perdu la vie.
«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre»
---Fédor Dostoïevski
lundi 10 mars 2008
La Politique Contre-Terroriste Ambigüe de Musharraf
Publié par Europe in the World à 01:09
Libellés : Afghanistan, Al-Qaïda, Insurrection, Pakistan, Talibans, Terrorisme
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire