«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

mardi 4 mars 2008

Résilience face au Terrorisme aux Etats-Unis

Dans le métro de Washington D.C., les voyageurs connaissent ce message par cœur : « Si vous voyez un sac abandonné, dit la voix familière aux passagers, demandez à la personne la plus proche ‘Excusez-moi, est-ce votre sac ?’ Si l’objet n’appartient à personne, veuillez le remettre aux autorités du métro ». Ce message diffusé continuellement dans les métros de la capitale américaine fait partie d’une campagne lancée par les services de transport de la ville après l’attentat de Madrid en mars 2004.

Lorsque le voyageur est rentré chez lui et qu’il allume son poste de télévision, un message lui demande, entre deux publicités : « Serez-vous prêt dans le cas d’une attaque terroriste ? ». Ce message fait partie de la campagne « Ready » lancée en 2003 par le Département de la Sécurité Nationale et qui invite les citoyens américains à préparer un plan de réaction face à un désastre tel qu’une attaque terroriste.

Ces deux exemples montrent le que le gouvernement américain accorde une certaine importance au rôle de la population dans sa stratégie contre le terrorisme. Evidemment, l’efficacité de ces mesures peut être discutée. Combien d’Américains ont un plan d’évacuation en cas d’attaque ? Peu sans doute. Est-il possible de repérer un sac abandonné dans un métro bondé où tout le monde se marche sur les pieds ? Pas vraiment. Néanmoins, ces campagnes ont au moins un impact positif : celui de convaincre les citoyens que le contre-terrorisme est la responsabilité de chacun.

Dans le dernier numéro de Foreign Affairs, Stephen Flynn prétend que ces mesures sont loin d’être suffisantes.Il explique que l’administration Bush n’a pas tiré les bonnes conclusions du 11 septembre en se lançant dans une chasse à l’homme contre Ben Laden. Selon lui, c’est l’histoire du vol United 93, le quatrième avion qui s’est écrasé dans un champ en Pennsylvanie, qui doit servir de modèle. Aucun des nombreux coûteux appareils de sécurité américains n’ont pu empêcher la destruction du World Trade Center. A l’inverse, il a suffit de quelques courageux citoyens pour empêcher le quatrième avion d’atteindre sa cible.

« La peur, dit Stephen Flynn, provient de la conscience d’une menace contre laquelle on se sent impuissant. (…) Pendant plus de six ans, néanmoins, Washington a sonné l’alarme annonçant une attaque terroriste apocalyptique tout en ne fournissant aucun moyen à la population pour y faire face ainsi qu’à ses conséquences. (…) Ce que Washington devrait faire, à l’inverse, c’est armer les Américains avec davantage de confiance dans leur capacité à se préparer et à faire face à une attaque terroriste ».

Flynn propose de développer, ou plutôt redévelopper, la résilience américaine. Il considère la résilience comme le meilleur moyen de confronter simultanément les menaces inévitables que sont le terrorisme et les désastres naturels. Le concept de résilience* consiste à développer les capacités de la population (tant au niveau individuel que social) à faire face à une menace. Il identifie quatre facteurs dans la résilience :

  • Robustesse : la capacité de la société à continuer à fonctionner après une attaque
  • Ingéniosité : la capacité de gérer au mieux un désastre
  • Rétablissement rapide : la capacité d’un retour à la normale le plus vite possible
  • Apprendre : la capacité à tirer les bonnes leçons d’un désastre

Les mesures concrètes pour accroître la résilience d’une société sont extrêmement diverses. L’un des éléments clés de la résilience est la confiance dans les autorités qui gèrent la menace. Hier, par exemple, je regardais le film « S.W.A.T. » à la télévision. Ce film, en héroïsant le service d’intervention de la police américaine, produit admiration et respect du public pour le S.W.A.T. Evidemment, je ne voudrais pas me faire l’avocat d’un retour à la propagande d’état, mais je veux simplement souligner la diversité des mesures disponibles et des acteurs engagés dans le jeu de la résilience.

Enfin, la résilience ne doit pas être prise pour ce qu’elle n’est pas. Elle ne doit pas être décrite comme LA solution contre le terrorisme. Il ne s’agit pas d’empêcher le terrorisme. Il s’agit plutôt d’un moyen de faire face à l’inévitable, lorsque l’inévitable se produit. Des moyens actifs de lutte contre le terrorisme doivent continuer à être développés. Des moyens défensifs et offensifs, ici et ailleurs.


*Pour plus d’informations sur le concept de résilience, je vous renvoie vers les écrits de Joseph Henrotin, grand avocat de la résilience en Belgique.

Aucun commentaire: