«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

vendredi 29 février 2008

Glenn Audenaert et l'Ouverture des Renseignements

La Dernière Heure publiait mercredi une interview du « grand patron de la police belge ». Petit extrait et commentaire :

Au troisième mois aujourd'hui de la menace terroriste, le maintien de l'état d'alerte « se justifie » en Belgique, et spécifiquement à Bruxelles. « En temps utile », le pays sera informé de la nature de cette menace « et ce jour-là, chacun comprendra et acquiescera. »
(…)
Glenn Audenaert, 52 ans, directeur judiciaire de la police judiciaire fédérale de Bruxelles, lance une proposition surprenante. Il se dit disposé à aller expliquer lui-même dans les mosquées, les écoles, les centres culturels, les milieux associatifs et même les réunions de mariage, la politique menée par sa police contre le terrorisme. Cinq règles basiques pour Glenn Audenaert :
« 1. Nous n'avons aucun problème avec l'exercice d'une religion; 2. Aucun problème avec le radicalisme qui tombe sous la liberté d'expression; 3. L'islamisme fondamentaliste n'affecte qu'une minorité : une majorité écrasante de la communauté rejette le terrorisme; 4. Des frustrations légitimes peuvent exister au sein de la communauté mais 5. Aucune discussion n'est possible avec des criminels qui violent la Convention européenne des droits de l'homme, la Constitution belge et le code pénal ».

Sur la première partie de l’extrait, disons simplement que peut-être l’état d’alerte se justifie-t-il, peut-être pas. Et j’espère que l’on sera un jour, « en temps utile », informé. Et j’espère également que l’on « comprendra ». Je suis tout à fait conscient que certaines matières du renseignement doivent demeurer secrètes, au risque de faire capoter une mission, ou de mettre en danger la vie d’individus. Le problème dans le cas belge, c’est que la menace a été médiatisée et puis plus rien. Soit le pire scénario en terme de communication. Le mieux aurait été de ne rien dire, ou de ‘tout’ dire. Je crois qu’il est tout à fait possible de donner certaines informations qui, d’une part, rassurent la population et, d’autre part, ne mettent pas une opération en péril. De manière générale, je suis plutôt partisan d’une plus grande ouverture des services de renseignement parce que je crois que l’échange d’informations offre plus d’avantages que d’inconvénients. En outre, cela renforce la crédibilité et la dissuasion des services de renseignement. Dans un modèle « classique » de relations internationales, les services secrets se jugent par leur capacité à « découvrir sans être découvert », par une très grande ‘secrètivité’. Face à la menace terroriste, le modèle doit évoluer (tout en tenant compte que les relations inter-étatiques demeurent largement dominantes). Les terroristes jugent les services de renseignement d’un état (pour évaluer le risque d’être découvert) via des informations disponibles dans des sources déclassifiées. Les terroristes n’ont pas (ou peu) accès à des informations confidentielles.

Sur la deuxième partie de l’extrait, soulignons le côté positif de « l’ouverture » affichée par Glenn Audenaert, même si elle n’est que symbolique. Juste une petite précision important tout de même sur son troisième point : l’islamisme fondamentaliste n’affecte effectivement qu’une minorité, mais l’islamisme fondamentaliste n’est pas le terrorisme. Certains fondamentalistes (une majorité d’entre eux en fait) prêchent une vision radicale mais pacifiste de l’Islam.

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Chris Kucharski: Update

Juste pour signaler que Stéphane Taillat propose une mise en perspective de l'opinion de Chris Kucharski publiée dans Le Front Asymétrique. A lire.

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jeudi 28 février 2008

Article de Chris Kucharski

Dans mes cours à la George Washington University, j'ai la chance d'avoir des professeurs exceptionnels mais aussi des collègues étudiants tout aussi intéressants. Venus d'horizons très distincts, souvent avec de diverses expériences (l'Elliott School est très particulière en ce sens que les cours se donnent en soirée, favorisant ainsi une population étudiante dans la fin de la vingtaine qui jongle entre travail et études).

Lors d'un cours intitulé "Insurrection et Contre-Insurrection" avec le Lieutenant-Colonel James Gavrilis, j'ai rencontré Chris Kucharski qui revenait tout juste d'un tour en Irak et dont les remarques au cours étaient toujours fort intéressantes.

Je lui ai donc proposé d'écrire un petit article pour mon blog, relatant son expérience sur la contre-insurrection en Irak. L'article original est en anglais. La traduction française est de moi. Etant donné que je ne suis pas un traducteur professionnel, je conseille vivement à ceux qui comprennent l'anglais de lire l'original. Bonne lecture.

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La Culture Militaire et le Manque de Stimulation pour les Opérations de Contre-Insurrection

Par Chris Kucharski*

Opinion. Le problème rencontré par les Etats-Unis en Irak aujourd’hui est dû au fait que notre armée, en temps qu’institution, et l’infanterie, en temps que culture interne, ne disposent d’aucun incitant pour maintenir la paix. La formation des soldats dans le domaine du maintien de la paix est également négligée. Je suis d’accord que les choses sont en train de changer lentement, grâce à notre expérience en Irak et en Afghanistan, mais il subsiste quelques résistances.




















Chris Kucharski (à droite) avec un policier irakien et un compagnon de peloton à Kirkouk en octobre 2005.

Préserver la paix à l’aide de moyens militaires est vu comme une aberration par rapport au rôle fondamental de l’infanterie qui consiste à rechercher activement et ‘tuer ou capturer l’ennemi’. Aucune médaille n’est décernée à une unité d’infanterie pour avoir maintenu le calme. Les médailles récompensent les actes héroïques dans des moments dangereux. Par exemple, le plus haute médaille qu’un soldat peut recevoir (la médaille d’honneur du Congrès) est remise en temps de guerre uniquement, et cela seulement s’il a fait quelque chose d’aussi honorable que sacrifier sa vie, se faire martyre, pour protéger les autres. En temps de paix, il n’y a que des exploits dérisoires et des médailles ‘d’éloge’. S’il n’y a pas de danger, comment peut-il y avoir des actes héroïques ? Pour beaucoup de personnes occupant des positions au sein du commandement, l’Irak offre une opportunité de faire carrière et de gagner des récompenses de valeur. Tout cela a un impact direct sur notre approche contre-insurrectionnelle.

De 2003 à 2004, j’étais stationné près de Mossoul [en Irak], assigné à la 101ème Aéroportée. J’étais un Lieutenant d’infanterie, chef de Peloton, avec pour mission d’arrêter les pillages dans une université et d’imposer la paix dans les quartiers avoisinants. Durant cette période, j’ai été témoin de deux approches contre-insurrectionnelles différentes, l’une agressive l’autre passive, et j’ai remarqué la tendance naturelle de notre culture militaire à préférer le style agressif au style passif.

J’étais dans la Compagnie Alpha, Brigade d’infanterie ‘Bastogne’ (notre nom venait de la bataille des Ardennes). Nous avions un système de rotation tous les mois avec la Compagnie Charlie (une Compagnie comprend 130 hommes d’infanterie) dans le bâtiment de l’université qui nous servait de quartier général. Lors de la première rotation, les gars de la Compagnie Charlie nous disaient à quel point la ville était chaotique, qu’on leur tirait dessus la nuit, et qu’on leur tirait dessus constamment durant les patrouilles de jour. Ils avaient l’air de prendre du plaisir à raconter leurs récits de guerre. Ils nous recommandaient de faire beaucoup de patrouilles et des raids de nuit parce qu’il y avait énormément de « méchants ».

Dès que nous avons pris le contrôle des patrouilles, nous avons essuyé peu de tirs et de bombardements comparé à l’expérience nocturne de la Compagnie Charlie. Cela nous a pris un certain temps pour comprendre pourquoi. Il est apparu que le commandant de la Compagnie Charlie avait opté pour une approche offensive afin de résoudre le problème de l’insurrection. Ce qui énervait beaucoup la population locale. Il était également dédaigneux à l’égard des autorités de la ville et des habitants. Afin de mettre un terme aux fusillades contre ses troupes, le commandant de la Compagnie Charlie avait accru le nombre de patrouilles à pied, et conduit davantage de raids nocturnes – appelés Isoler et Chercher – qui rendaient les habitants encore plus furieux. Cependant, du côté américain, la Compagnie Charlie était perçue comme plus productive puisqu’elle faisait plus de patrouilles et capturait plus de « méchants ». Quantitativement, la Compagnie Charlie était plus productive que la Compagnie Alpha.

Ma Compagnie, d’un autre côté, se concentrait sur le maintien de la paix, sans mettre le feu aux poudres. Nous avons rencontré des officiels locaux. Pas pour donner des ordres mais pour voir ce qu’on pouvait faire pour aider. A nouveau, cela n’était pas vu comme ‘productif’ au moment de remplir les rapports pour la chaîne de commandement. Conduire raid après raid, et capturer « l’ennemi » constitue la fonction de l’infanterie, sa seule raison d’être.

Après un certain temps, la situation bipolaire s’est accentuée. Les Irakiens locaux pouvaient dire quand la Compagnie Charlie était en charge parce que leur commandant postait deux fois plus de gardes sur le toit [de l’université] et conduisait deux fois plus de patrouilles, parce qu’il y avait deux fois plus d’activité. Sachant que la Compagnie Charlie était en charge, les locaux attaquaient plus souvent. Ensuite, lorsque la Compagnie Alpha arrivait, nous n’avions que la moitié du travail à faire parce qu’il y avait deux fois moins d’attaques.

Lors de mon second tour en Irak, à Kirkouk de 2005 à 2006, j’ai remarqué le même effet dissuasif contre la passivité alors que les unités qui faisaient plus de missions « Isoler et Chercher » et qui avaient un taux plus élevé d’ennemis tués ou capturés recevaient plus d’accolades, plus de médailles et plus de droits à la vantardise. Ils avaient le droit de jouer avec les plus gros jouets – ils recevaient le support aérien et tous les nouveaux gadgets – parce qu’ils en avaient le plus besoin. Ceux qui avaient une préférence pour le « maintien de la paix », qui cherchaient à engager un dialogue avec les leaders locaux et faisaient preuve de patience étaient perçus comme moins productifs que les unités agressives. Ce faible niveau de productivité était en outre mis en évidence lors des briefings hebdomadaires pour les commandants où tous les accomplissements de chaque Compagnie étaient comparés sur un document PowerPoint projeté devant leurs pairs, leurs supérieurs et leurs subordonnés. Les plus hauts commandants remettraient alors en question l’existence des commandants de Compagnies à faible productivité – Que faisaient-ils en Irak ?

Il n’est pas bon d’être vu comme passif ou diplomatique dans une unité d’infanterie. Il n’y a pas de récompense pour cela. En gros, dans l’armée il y a des incitants à être agressif. Ces sentiments agressifs s’accroissent quand quelqu’un essaye de vous tuer. Ensuite, lorsque l’ennemi est introuvable, c’est la population entière qui devient l’ennemi.

C’est là que se trouve la difficulté : en contre-insurrection, une unité agressive est en fait contre-productive, mais notre culture militaire doit encore le reconnaître.

* Chris Kucharski était un officier d'infanterie dans la 101ème Aéroportée de août 2003 à février 2007 durant lesquels il a fait deux tours en Irak. Il poursuit actuellement un Master à la Johns Hopkins University School of Advanced International Studies, Washington DC.

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Lack of Incentives to Conduct a Counter-Insurgency

By Chris Kucharski*

Opinion. The United States’ problem in Iraq lies in the fact that our Army as an institution, and the infantry as an inner culture, does not create incentives for keeping the peace, nor does it emphasize training soldiers to keep the peace. I do agree that it is slowly changing due to our experiences in Iraq and Afghanistan, albeit with some resistance.

Keeping the peace through military means is seen as an aberration to the fundamental job of the infantry, which is to actively seek out and “kill or capture the enemy”. An infantry unit is not rewarded valorous medals for keeping the calm, but for heroic acts in a time of danger. For example, the highest medal a soldier can achieve is only in wartime (the Congressional Medal of Honor) and that is only if he does something as honorable as martyring himself for the sake of protecting others. In peacetime there are only paltry achievement and commendation medals. If there are no times of danger, then how can there be heroic acts to fulfill? For many in commanding positions, Iraq gives them an opportunity to make their career and earn badges of valor. This directly translates into our counterinsurgency approach.

In 2003 through 2004, I was stationed near Mosul, assigned to the 101st Airborne. I was a Lieutenant Infantry Platoon Leader tasked with stopping the looting of a university and to impose peace on the local neighborhoods. During this time, I witnessed two different approaches to counter-insurgency, aggressive or passive, and took note on how our military culture would naturally accept the aggressive style over the passive style.

I was in Alpha Company, Bastogne Infantry Brigade (our namesake comes from our adventure in the Battle of the Bulge). We would rotate once a month with Charlie Company (a company consists of 130 Infantrymen) out of this university building that we used as our headquarters. As we did the exchange, the guys from Charlie Company would tell us how unruly the town was, that they were shot at nightly, and how they were constantly shot at while on day time patrols. It seemed like they enjoyed sharing their war-stories. They recommended many patrols and nightly raids because there were a lot of “bad guys”.





Chris Kucharski (on the right) with an Iraqi policeman and a fellow platoon leader in Kirkuk in October 2005.

Once we took responsibility of the patrols we were hardly shot at and rarely mortared, as compared to the nightly experience of Charlie Company. It took us a little while to figure out why this was happening. It turned out that the commander of Charlie Company was taking an offensive approach to solving the insurgency problem, which angered a lot of the locals. He also was disdainful towards the town leadership and townspeople. To stop the locals from shooting at his troops the Charlie Company commander increasing the foot patrols, and conduct more nightly raids—called Cordon and Searches—which infuriated the locals even more. However, on the American side of the fight, the Charlie Company Commander was seen as more productive because he was conducting more patrols and capturing more “bad guys.” Quantitatively, Charlie Company was producing more than Alpha Company.

My company, on the other hand, focused on keeping the peace, not to stir up the hornet’s nest. We met with local officials not to issue demands but to see what we could do to help. Again, this was not seen as productive when filling out the reports to the higher chain of command. Doing raid after raid, and capturing the “enemy” is what the infantry was made to do, that is its sole purpose for existing.

After a while the bipolar situation deepened. The local Iraqis could tell when Charlie Company was in charge because their commander had twice the amount of guards on the roof and conducted twice as many patrols, because there was twice as much activity. So the locals knowing that Charlie Company was in charge would attack them more often. Then when Alpha Company was in charge, we essentially did half the work because there were half the attacks.

During my second tour to Iraq, in Kirkuk 2005-2006, I noticed the same disincentive for passivity, where those units that conducted more Cordon and Searches and produced higher numbers in killing or capturing the “enemy” received more accolades, more medals, and more bragging rights. They got to play with the bigger toys—had air support and all the newer gadgets—because they needed them the most. Those who were interested in “keeping the peace” and talking to leaders and exercising patience were seen as less productive than the aggressive unit. This low productivity level was further highlighted at the weekly commanders briefing when each company’s weekly accomplishments were put side-by-side on a PowerPoint slide in front of their peers, superiors, and subordinates. The higher commanders would question the existence of a low producing company commander—what were they doing in Iraq?

It is not good to be seen as more passive or diplomatic in an infantry unit, there are no rewards for that. Basically, in the military there is an incentive to be aggressive. These aggressive feelings mount when people are trying to kill you. Then when you cannot find the enemy, the entire population is seen as the enemy.

This is where the difficulty rests: in counter-insurgency, an aggressive unit is actually counter-productive, and our military culture has yet to recognize that.

* Chris Kucharski was an infantry officer in the 101st Airborne from August 2003 to February 2007 where he completed two tours in Iraq. He now is pursuing an MA at Johns Hopkins University School of Advanced International Studies in Washington, DC.

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mercredi 27 février 2008

Bugs Bunny au Service de la Propagande du Hamas

Depuis près d’un an, les enfants palestiniens peuvent suivre les aventures de Bugs Bunny et Mickey Mouse, version locale, derrière leurs écrans de télévision. A priori, rien d’anormal. Sauf lorsque l’ersatz palestinien de Mickey Mouse appelle au jihad et au meurtre des caricaturistes danois. En fait, la souris s’appelle Farfour, et le lapin Assoud. Et le programme n’est pas produit par Walt Disney, mais par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

Farfour, la souris, est apparu pour la première fois en avril 2007 dans un show télévisé intitulé « Les Pionniers de Demain » sur Al-Aqsa TV, la chaîne télévisée du Hamas. Le programme, destiné aux enfants entre 9 et 13 ans, est diffusé tous les vendredis. Présenté par une jeune fille de 11 ans, voilée, « Les Pionniers de Demain » est l’outil de propagande du Hamas à destination du jeune public. Il prône la destruction d’Israël, le jihad et le martyre.


Quoi de neuf Docteur? Un lapin aux airs de Bugs Bunny appelle au boycott des produits danois et au meurtre des caricaturistes.

Le titre de plusieurs épisodes est révélateur du ton de l’émission : « Farfour contre Bush, Olmert et Condoleeza », « Farfour et le AK-47 », ou encore « Assoud contre le Danemark ». L’émission incite à la haine contre les juifs, à la violence, au terrorisme, au sacrifice ultime et… à boire du lait. La mise en scène dramatique des épisodes (la musique lors de la mort de Nahoul par exemple, voir vidéo après) confronte directement les enfants avec des réalités graves, mais surtout biaisées.

Dans le cinquième épisode, par exemple, Farfour discute avec son grand-père de l’histoire de la Palestine. Le vieil homme explique à la souris que les juifs ont envahi une terre qui appartient aux Arabes, avant de lui offrir des clés et des documents qui prouvent ses dires. Ensuite, des Israéliens arrêtent Farfour, l’interrogent et le battent à mort.


Farfour, le Mickey Mouse du Hamas, est battu à mort par un interrogateur israélien.

Dans l’épisode suivant, Nahoul l’abeille, le cousin de Farfour, prend la relève. Mais il meurt à son tour quelques épisodes plus tard d’une maladie en s’écriant : « Tous les enfants palestiniens meurent sans avoir droit à un traitement. Je ne peux pas mourir, je ne veux pas mourir,… Papa… ». Nahoul est à son tour remplacé par Assoud le lapin, son frère, qui vivait dans un autre pays du monde arabe, abordant ainsi la question du retour des réfugiés. Le lapin rose au sourire figé est bien moins sympathique qu’il n’y paraît puisqu’il prétend « manger les juifs ».


Nahoul l'abeille meurt sans avoir pu être transféré vers un hôpital égyptien.

« Les Pionniers de Demain » aborde toutes les grandes thématiques qui guident l’idéologie du Hamas. L’émission choque non seulement par son contenu, mais surtout par la forme adoptée, la mise en scène et le public visé. Les décors sont très colorés et plein de dessins d’enfants. Les personnages ont l’air inoffensifs et sympathiques. Sans le son, on croirait regarder Casimir. « Les Pionniers de Demain » souligne l’importance des médias et de la socialisation dans la formation des futurs terroristes, comme déjà expliqué dans un article précédent.

Saraa Barhoum, la jeune présentatrice de 11 ans, rêve de devenir docteur. Si elle n’y arrive pas, elle deviendra martyre, dit-elle. A elle seule, elle incarne cette partie de la jeunesse palestinienne convertie à l’idéologie du Hamas. Une jeunesse politisée dès l’enfance, lobotomisée, pour qui le martyre n’est plus seulement une alternative, mais constitue un idéal.

Le programme a créé beaucoup de réactions. Israël et le Fatah, le parti du président palestinien Mahmoud Abbas, ont condamné « Les Pionniers de Demain ». Le manager de la station télévisée, al-Sharawi, a répondu : « Nous n’incitons à rien. Nous présentons des faits. On ne peut pas isoler nos enfants des réalités qu’ils vivent tous les jours ».

Notons quand même, pour conclure, que la propagande à destination des enfants n’est ni nouvelle, ni l’apanage des terroristes. Il suffit de regarder ce vieux Donald Duck de 1943 pour s’en convaincre (bon il avait été censuré par après, mais quand même). Donald reçoit de l’argent et il est déchiré entre deux idées : épargner (pour le bien des Etats-Unis) ou dépenser (et supporter le nazisme). Un délice de propagande.


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lundi 25 février 2008

Musharraf: "Le Pakistan Combat la Menace Terroriste de toutes ses Forces"

C’est toujours avec grand intérêt que je lis les pages 'opinion' du Washington Post, surtout quand les articles émanent de personnes telles que Pervez Musharraf. Dans l’édition de vendredi, le président pakistanais publiait un article intitulé « Une étape importante sur la route vers la démocratie » dans lequel il revennait sur le résultat des élections parlementaires.

L’intérêt de cet article, pour moi, tenait davantage dans son propos concernant le terrorisme. « Notre nation fait face à trois grands défis : combattre le terrorisme et l’extrémisme ; construire un gouvernement stable et démocratique ; et créer une base solide pour une croissance économique durable », écrivait-il. Et de continuer : « Concernant le terrorisme, laissez-moi être parfaitement clair : le Pakistan combat cette menace de toutes ses forces ».

S’il est vrai que le Pakistan est un allié des Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme, beaucoup de critiques ont souligné le manque de collaboration du régime Musharraf. En fait, le bilan pakistanais en contre-terrorisme est mitigé, et complexe au premier abord. Coincé par une opinion publique anti-américaine, Musharraf est limité dans son support aux Etats-Unis, alors que ces derniers demandent une contrepartie aux millions de dollars offerts au Pakistan. Je reviendrai plus longuement dans un prochain article sur le bilan de Musharraf en matière de contre-terrorisme.

Ce qui m’a vraiment fait tiquer dans l’article de Musharraf vient quelques lignes plus loin. Premièrement, lorsqu’il écrit : « Comme l’expérience américaine en Irak a démontré, la force militaire seule n’est pas suffisante ». D’accord. « Une bonne contre-insurrection nécessite une approche multidimensionnelle – militaire, politique et économique. Notre stratégie politique met en exergue la distinction entre terroristes et citoyens qui vivent le long des régions frontalières… ». Pas d’accord. D’une part, Musharraf mélange allégrement les notions de terrorisme et d’insurrection, alors qu’il s’agit, dans l’absolu, de deux choses distinctes nécessitant des réponses distinctes. Il y a souvent des zones grises entre les deux notions, et même parfois une connexion, mais le flou terminologique, involontaire ou volontaire, nuit très certainement à une analyse correcte de la situation et à l’établissement d’une stratégie adéquate. D’autre part, la stratégie ‘politique’ de Musharraf n’a selon moi pas grand-chose de politique.

Le deuxième point qui a créé mon étonnement tient dans le même paragraphe : « Notre stratégie économique consiste à amener éducation, opportunités économiques et les bénéfices du développement à ces mêmes régions [frontalières]. Comme l’Histoire nous l’a clairement enseigné, quand les gens voient une amélioration dans leur vie quotidienne et la vie de leurs enfants, ils se détournent de la violence et préfèrent la paix et la réconciliation ». Faux. En fait, l’Histoire semble enseigner le contraire. Alexis de Tocqueville, par exemple, expliquait que la prospérité nationale française était en accroissement durant les 20 années qui ont précédé la révolution. Une croissance, tout comme une décroissance, sont souvent signe d’instabilité. Le changement, en soi, est de nature instable. Ce qui agite les individus n’est pas le désespoir, qui a plutôt un effet anesthésiant, mais l’espoir d’une vie meilleure qui vient réveiller les souvenirs d’un bonheur oublié. « Le souvenir d’une vie meilleure est comme un feu dans les veines », écrivait Eric Hoffer dans « True Believer », LE classique de la littérature sur le terrorisme.

Evidemment, cela ne veut pas dire qu’il faut laisser mourir le monde dans la misère pour éviter toute forme de violence. Le développement économique a des effets positifs à long terme. Mais il est indispensable de garder en tête que ce développement est signe d’un accroissement du risque d’instabilité à court terme. En outre, la richesse ne protège pas du terrorisme. Ben Laden et les pirates de l’air responsables du 11 septembre n’étaient pas pauvres. Ils étaient issus de la classe supérieure ou de la classe moyenne. Les liens entre économie et terrorisme sont extrêmement complexes, voire même inexistants selon certains auteurs.

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samedi 23 février 2008

Débarrasser les Rues de Bagdad des Handicapés: Une Stratégie Contre-Terroriste Inutile et Inefficace

Dans un nouveau plan contre le terrorisme, la police irakienne va nettoyer les rues de Bagdad des sans-abris et des handicapés afin de les empêcher de "devenir les victimes innocentes d'Al-Qaïda". Cette décision fait suite à l'attentat du 1er février où deux femmes présentant des troubles mentaux se sont fait exploser au milieu de deux marchés fréquentés, tuant près d'une centaine de personnes. La police irakienne craint que de telles attaques ne se reproduisent. L'arrestation du directeur de l'hôpital où les deux femmes avaient été traitées faisait aussi craindre l'existence d'une véritable 'filière' entre l'hôpital et al-Qaïda.

J'avais déjà discuté sur le blog de Stéphane Taillat de ce pseudo-changement de stratégie d'al-Qaïda. Au vu de cette nouvelle mesure prise par la police irakienne, laissez-moi donc me répéter.

  1. L'utilisation d'handicapés, d'enfants ou de sans-abris n'est pas une technique entièrement neuve chez les terroristes. Cependant, cela ne représente qu'une petite minorité des actions terroristes.
  2. Ce genre d'individus ne constituent pas un pôle de recrutement privilégié pour les terroristes. En effet, mener une attaque (suicide ou pas) requiert un grand nombre de qualités dont ces individus sont souvent dépourvus. Chaque action a une "probabilité de réussite". Confier cette mission à un individu hautement qualifié accroît la probabilité de réussite. A l'inverse, confier cette mission à un individu faiblement qualifié diminue la probabilité de réussite.
  3. Outre le risque que ces individus n'optimisent pas leur mission (en faisant exploser la bombe trop tôt ou trop tard par exemple), ou échouent complètement, il y a aussi le risque de 'défection'. En Afghanistan, où les Talibans ont essayé de recruter des enfants, un grand nombre de ceux-ci sont venus directement en faire part aux forces de sécurité. Quant aux sans-abris, ils sont bien plus occupés à tenter de survivre que pour aller se faire exploser sur un marché.
  4. Une mission qui échoue équivaut à une perte de temps, de matériel et de personnel.
  5. Des individus arrêtés représentent un risque pour tout le groupe.
  6. La multiplication d'échecs nuit à la réputation du groupe.
  7. La liste pourrait encore être longue. Je concluerai juste comme ceci: l'attaque du 1er février a été extrêmement efficace, mais il s'agissait d'un "risque stratégique" pris par al-Qaïda en Irak (AQI). Il faut dès lors se demander ce qui a poussé à ce risque: Etait-ce le choix d'une cellule d'amateurs? Etait-ce le résultat d'un manque de recrues? Dans tous les cas, la décision de la police irakienne est très bonne au niveau social, mais de faible intérêt au niveau contre-terroriste.

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vendredi 22 février 2008

Comment Faire Parler un Terroriste



Jack Cloonan, interrogé par Foreign Policy TV, parle de son expérience en temps qu'interrogateur pour le FBI. Durant ses 25 années de service, il a eu l'occasion d'interroger un grand nombre d'individus, dont plusieurs membres d'al-Qaïda. Dans cette première vidéo, il explique comment faire craquer un terroriste. Il souligne le caractère humain des terroristes et leur manière positive de réagir à des propositions du type "témoignage contre protection rapprochée pour toute la famille", tout comme n'importe quels autres criminels. De manière assez drôle, il explique aussi que les terroristes regardent les shows télévisés américains au travers desquels ils étudient les méthodes d'interrogation américaines.

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Comment Faire Parler un Terroriste (suite)


Dans cette deuxième vidéo, il donne son avis sur l'usage de la torture pour faire parler un terroriste. Selon lui, il n'a jamais dû avoir recours à de telles pratiques: les terroristes finissent toujours par parler. Il suffit de trouver leur point faible. Et si la torture permettait d'éviter une bombe d'exploser, dans un scénario à la '24 heures'? Ce genre de situations n'existe pas, dit-il. En outre, souligne Jack Cloonan, la torture renforce la légitimité des terroristes et facilite le recrutement de jeunes jihadistes.

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jeudi 21 février 2008

Publication: Article sur Al-Qaïda en Allemagne Publié dans Terrorism Focus

Je viens de publier un article sur la menace terroriste en Allemagne dans le dernier numéro de Terrorism Focus. L’article est accessible gratuitement sur le site de la Jamestown Foundation. Pour les moins anglophones d’entre nous, voici un rapide résumé de l’article en français (lire la version originale de préférence) :

Al-Qaïda semble s’intéresser de plus en plus à l’Allemagne. D’une part, un nombre croissant de messages postés sur des sites islamiques appellent à des attaques contre les intérêts allemands dans le monde, et en Allemagne. D’autre part, Heinz Fromm, président de l’office pour la protection de la Constitution, l’agence allemande des renseignements, parle d’une « nouvelle qualité » dans la propagande terroriste. De plus en plus de messages et de vidéos sont désormais postés soit en allemand, soit en arabe avec sous-titres allemands.

Au niveau politique et dans la communauté du renseignement, tout le monde semble reconnaître que la sécurité de l’Allemagne est liée à l’évolution de la situation en Afghanistan. Plusieurs individus d’origine allemande ont déjà été arrêtés dans la région frontalière entre le Pakistan et l’Afghanistan. Certains d’entre eux cherchaient à se rendre dans des camps d’entraînement d’al-Qaïda.

Néanmoins, malgré un consensus sur l’importance de sécuriser l’Afghanistan (et le Pakistan), les politiciens allemands se refusent à envoyer des renforts supplémentaires pour soutenir les forces de l’Otan. Etant donné que 85 pourcent des Allemands se disent contre l’envoi de troupes additionnelles, il est peu probable que le parlement approuve un futur envoi de soldats, au grand dam du secrétaire à la Défense américain, Robert Gates.

En Allemagne, par contre, le ministre de l’Intérieur a montré son intention de prendre davantage de mesures contre le terrorisme, malgré les réticences de la population. Il faut dire que certaines de ces mesures sont assez polémiques : assassinats ciblés, détentions préventives, déploiement des forces armées sur le sol allemand, vol de données privées sur les ordinateurs, etc.

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Les Principes de la Guérilla selon Che Guevara

La démission de Fidel Castro est l’occasion de revenir sur le manuel insurrectionnel de Ernesto Che Guevara, l'un des 'pères' de la révolution cubaine (voir aussi mon interview avec Olivier Dabène dans LE SOIR sur l'après-Castro réalisée en août 2006, après l'accident de santé de Castro). « La guerre de guérilla » est en quelque sorte le 'manuel militaire' qui a guidé l’insurrection à Cuba, d'abord, et dans le reste de l'Amérique latine et en Afrique, ensuite. Cet ouvrage est devenu l’un des grands classiques dans le domaine. Etant donné que les guerres asymétriques sont toujours d’actualité, voire même en augmentation, il est utile de revenir sur les grands principes de la guérilla selon Che Guevara, principes qui sont, en grande partie, toujours d'actualité.

Ci-après, quelques extraits centraux de l’ouvrage. Le texte est accessible en anglais ici.

Sur les insurgés
"Who are the combatants in guerrilla warfare? On one side we have a group composed of the oppressor and his agents, the professional army, well armed and disciplined, in many cases receiving foreign help as well as the help of the bureaucracy in the employ of the oppressor. On the other side are the people of the nation or region involved. It is important to emphasize that guerrilla warfare is a war of the masses, a war of the people. The guerrilla band is an armed nucleus, the fighting vanguard of the people. It draws its great force from the mass of the people themselves".
(…)
"The guerrilla fighter needs full help from the people of the area. This is an indispensable condition. This is clearly seen by considering the case of bandit gangs that operate in a region. They have all the characteristics of a guerrilla army: homogeneity, respect for the leader, valor, knowledge of the ground, and, often, even good understanding of the tactics to be employed. The only thing missing is support of the people; and, inevitably, these gangs are captured and exterminated by the public force".
(…)
"When we analyze more fully the tactic of guerrilla warfare, we will see that the guerrilla fighter needs to have a good knowledge of the surrounding countryside, the paths of entry and escape, the possibilities of speedy maneuver, good hiding places; naturally, also, he must count on the support of the people. All this indicates that the guerrilla fighter will carry out his action in wild places of small population".

Sur la guérilla
"The fundamental principle is that no battle, combat, or skirmish is to be fought unless it will be won".
(…)
"'Hit and run', some call this scornfully, and this is accurate. Hit and run, wait, lie in ambush, again hit and run, and thus repeatedly, without giving any rest to the enemy".
(…)
"Thus, it is clear that guerrilla warfare is a phase that does not afford in itself opportunities to arrive at complete victory. It is one of the initial phases of warfare and will develop continuously until the guerrilla army in its steady growth acquires the characteristics of a regular army".
(…)
"The blows should be continuous. The enemy soldier in a zone of operations ought not to be allowed to sleep; his outposts ought to be attacked and liquidated systematically. At every moment the impression ought to be created that he is surrounded by a complete circle".
(…)
"The fundamental characteristic of a guerrilla band is mobility. This permits it in a few minutes to move far from a specific theatre and in a few hours far even from the region, if that becomes necessary; permits it constantly to change front and avoid any type of encirclement".
(…)
"Another fundamental characteristic of the guerrilla soldier is his flexibility, his ability to adapt himself to all circumstances, and to convert to his service all of the accidents of the action".


Sur le terrorisme
"Acts of sabotage are very important. It is necessary to distinguish clearly between sabotage, a revolutionary and highly effective method of warfare, and terrorism, a measure that is generally ineffective and indiscriminate in its results, since it often makes victims of innocent people and destroys a large number of lives that would be valuable to the revolution. Terrorism should be considered a valuable tactic when it is used to put to death some noted leader of the oppressing forces well known for his cruelty, his efficiency in repression, or other quality that makes his elimination useful. But the killing of persons of small importance is never advisable, since it brings on an increase of reprisals, including deaths".

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mercredi 20 février 2008

L'Armée Américaine Pas Prête pour une Autre Guerre

George W. Bush a mené une présidence agressive. Il a menacé tour à tour la Corée du Nord, la Syrie, l'Iran. Mais embourbés en Irak et en Aghanistan, les Etats-Unis ont-ils les moyens de cette diplomatie coercive? L'Amérique est-elle capable de se lancer dans une nouvelle guerre et de la gagner? Si l'on en croit le magazine américain Foreign Policy, la réponse est non.

Foreign Policy vient de publier son "Military Index", une évaluation de l'état de santé de l'armée américaine sur base d'un sondage réalisé auprès de 3.400 officiers des différents corps de l'armée. Selon cet index, l'armée américaine va mal, très mal.

Tout d'abord, les effectifs manquent. 88 pourcent des officiers interrogés ont déclaré que la guerre en Irak a réduit "dangereusement" les capacités de l'armée. L'armée de terre est celle qui inquiète le plus les officiers, alors que la force aérienne s'en sort le mieux, malgré un score relativement bas.

Pour pallier le manque de soldats, trois-quart des répondants proposent d'offrir la nationalité américaine à ceux qui servent sous le drapeau américain. Près de 60 pourcent proposent également de faciliter l'intégration d'individus sans diplôme. Mais seulement une très faible minorité disent qu'il faudrait donner plus d'exemptions pour les criminels et les délinquants. Les militaires sont donc prêt à accepter une armée plus 'stupide', mais pas une armée de criminels. J'avais déjà expliqué les dangers de la 'stupidisation' et de la 'criminalisation' de l'armée américaine dans un article précédent. Près de 50 pourcent des officiers proposent enfin d'augmenter les primes pour ceux qui décident de s'engager. L'armée vient justement de dévoiler son intention d'offrir 40,000 dollars à toutes les nouvelles recrues.

Concernant la diplomatie coercive des Etats-Unis, 80 pourcent des officiers ont déclaré qu'il n'était pas raisonnable de se lancer dans un nouvelle guerre. L'armée américaine serait particulièrement mal préparée pour attaquer l'Iran, l'un des adversaires les plus probables de l'Amérique. Concenant la torture, les officiers se sont montrés divisés. La moitié sont prêts à accepter l'utilisation de la torture dans certaines conditions.

Pour finir, les officiers ont indentifié deux domaines particuliers où des adaptations sont nécessaires dans le futur: plus de forces spéciales, et de meilleurs services de renseignement.

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mardi 19 février 2008

Le Cas Al-Libi Révélateur des Relations Etats-Unis/Pakistan

Un article paru dans le Washington Post de ce mardi donne de plus amples informations sur l'assassinat de Abu Laith Al-Libi. Le leader de la branche lybienne d'al-Qaïda avait été tué le 29 janvier par deux missiles Hellfire tirés depuis un drone (avion sans pilote) de la CIA, l'agence d'espionnage américaine.

Selon des officiels américains, la CIA a agi de son propre chef, ne prévenant le gouvernement pakistanais qu'une fois l'opération lancée. Les mêmes sources ont dit au Post qu'il s'agissait là d'une stratégie de plus en plus privilégiée par la CIA. Des informations sont fournies par des agents américains et pakistanais sur le terrain, la CIA lance une opération et puis seulement avertit le président Pervez Musharraf.

Ces déclarations soulignent une nouvelle fois les relations ambigües entre Washington et Islamabad en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme. Richard Clarke, un ancien conseiller en contre-terrorisme pour les présidents Bush et Clinton a déclaré: "Les Etats-Unis se retrouvent dans une situation où ils doivent envoyer une délégation de haut niveau pour taper sur les doigts de Musharraf, et apprendre alors dans la semaine qui suit qu'une cible [terroriste] importante a été identifiée. Ensuite, Musharraf nous ignore à nouveau, jusqu'à l'envoi d'une autre délégation".

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Quelques Enseignements du Procès de la Cellule de Birmingham

Parviz Khan a été condamné lundi à la prison à vie par la Court de Leicester, en Angleterre. Il a été jugé coupable de tentative de kidnapping d’un soldat britannique dans le but de le tuer et de diffuser la vidéo de l’exécution sur l’internet. Le plan aurait dû avoir lieu en janvier 2007 à Birmingham, une grande ville du centre de la Grande-Bretagne. Parviz Khan était le leader d’une cellule terroriste basée à Birmingham. Quatre autres individus ont été jugés coupables d’appartenir à la ‘cellule de Birmingham’ qui, en plus de la planification d’une exécution, envoyait du matériel aux terroristes présents dans la région frontalière entre l’Afghanistan et le Pakistan.

Sans analyser en détail le procès, je voudrais souligner plusieurs éléments mis en évidence dans cette affaire. En premier lieu, l’histoire des différents condamnés confirme que le jihadisme n’est pas le fruit d’une radicalisation progressive d’un individu, mais plutôt le résultat d’une radicalisation par ‘chocs’. Parviz Khan n’est devenu un islamiste fanatique que très tard, dans la trentaine, après plusieurs voyages successifs au Pakistan. Auparavant, il n’était pas musulman pratiquant. Selon plusieurs témoignages, le jeune Khan aimait l’alcool, les cigarettes et les boîtes de nuit. L’Islam lui importait peu. Jusqu’à ses visites au Pakistan. Beaucoup de facteurs peuvent jouer la fonction de ‘choc’ : la mort d’un proche, la vision de certaines images (type abu-Ghraib), etc. Parfois, de manière surprenante, la religion n’est même pas un facteur clé dans la décision d’un individu de s’engager dans le terrorisme. Zahoor Iqbal, l’un des membres de la cellule de Birmingham, était connu comme étant un musulman modéré, pas un fanatique. D’autres motifs que la religion l’ont poussé à se joindre à Parviz Khan.

Deuxièmement, le plan élaboré par Khan montre une diversification des techniques jihadistes en Europe. D’abord au niveau de la stratégie, l’enlèvement et l’assassinat marquent une différence significative avec les attaques à la bombe, sur le modèle de Madrid ou de Londres. Ce type d’opération semble inspiré par ce qui se passe en Irak notamment. Cela indique un puissant effet de ‘contagion’ des techniques jihadistes. Les terroristes ont sans doute été influencés par les vidéos diffusées sur internet. En outre, en ciblant spécifiquement les militaires plutôt que la population civile, les terroristes démontent l’intérêt qu’ils portent à leur propre image. Ils tentent de renforcer le caractère ‘légitime’ de leur guerre. Ensuite, il y a également une diversification au niveau de la mise en scène. Les kamikazes de Londres avaient laissé des confessions sur vidéo. Mais en filmant l’exécution et en diffusant la vidéo sur internet, Khan aurait dépassé un niveau. Ici encore, la cellule de Birmingham semble s’être inspirée du travail d’autres jihadistes à travers le monde.

En troisième lieu, quelques témoignages ont permis de renforcer l’importance de la socialisation dans l’univers du terrorisme, comme expliqué dans un article précédent. Parviz Khan, sensibilisait son fils âgé de cinq ans à l’idéologie d’al-Qaïda. Dans un enregistrement clandestin obtenu par les services de renseignement britanniques, Khan est entendu demander à son fils « Qui aimes-tu ? ». « J’aime le cheikh Oussama ben Laden », répond l’enfant. « Qui veux-tu tuer ? », continue Khan. Et l’enfant de dire : « Je veux tuer l’Amérique, Bush et Blair ».

Enfin, notons qu’une grande partie des informations qui ont permis de juger les membres de la cellule de Birmingham provenait d’enregistrements clandestins du MI5, les services de renseignement sur le territoire britannique.

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dimanche 17 février 2008

La CIA en Echec en Europe

Après 2001, la CIA a ouvert un certain nombre de compagnies pour servir de couverture à un certain nombre de ses agents. Objectif: pénétrer la société européenne, et plus particulièrement la population musulmane. Six ans plus tard, c'est un constat d'échec. La CIA a dû fermer presque toutes ces compagnies, sauf deux. Et les agents n'ont pas réussi leur objectif. Excellent article à lire dans le Los Angeles Times.

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jeudi 14 février 2008

"Dans la Tête d'un Terroriste"

Interview. J’ai eu l’occasion de m’entretenir cette semaine avec Jerrold Post, considéré par certains comme ‘le’ grand spécialiste de la psychologie politique. Jerrold Post a travaillé pendant 21 ans pour la CIA (service de renseignement américain) où il étudiait la psychologie des chefs d’états et des terroristes. En 2005, il a présidé un groupe de travail lors du Sommet de Madrid qui réunissait les plus grands experts mondiaux dans le domaine du terrorisme. Il est aujourd’hui professeur à l’université George Washington.

Docteur Post, votre dernier livre publié en décembre 2007 s’intitule The Mind of The Terrorist (Dans la tête d’un terroriste). Pourquoi vouloir entrer dans la tête des terroristes ?
Parce que le terrorisme est en grande partie une guerre psychologique. La réponse doit donc logiquement venir également de la psychologie. Avant de combattre un ennemi, il faut d’abord essayer de le comprendre, de comprendre son comportement et ce qui le pousse à agir. Au cours de mes recherches, je suis parvenu à établir un modèle comportemental qui explique une grande partie du terrorisme. Les terroristes séparatistes, par exemple, sont fidèles à leurs parents qui dénoncent le régime en place. A l’inverse, les terroristes de gauche sont plutôt en désaccord avec l’attitude conformiste de leurs parents vis-à-vis du gouvernement.

Au cours de votre longue carrière, vous avez eu l’occasion de vous entretenir avec un grand nombre de terroristes incarcérés. En temps que psychiatre, quelles conclusions en avez-vous tiré ?
Que les terroristes sont des gens normaux, comme vous et moi. D’un point de vue psychologique, rien ne permet de les différencier. Je n’ai rencontré parmi eux aucun fanatique, aucun psychopathe. Mais des gens qui agissent rationnellement pour une cause à laquelle ils croient. Maintenant, les terroristes partagent quelques caractéristiques communes : ils ont un manque total d’empathie ; une forte tendance à ‘externaliser’, c’est-à-dire à rejeter la faute sur les autres ou sur la société ; ainsi qu’un amour prononcé pour la démagogie et les simplifications extrêmes.

Pourquoi certains individus décident-ils de joindre un groupe terroriste ?
Lorsque j’ai posé cette question aux terroristes, j’ai obtenu systématiquement la même réponse : « Parce que tout le monde le fait ». Le fait de joindre un groupe terroriste est un problème lié à la socialisation. Comment expliquer autrement ces images d’enfants palestiniens qui sa baladent dans la rue une mitraillette à la main alors qu’ils n’ont même pas 8 ans ? C’est le discours des parents, des amis, des imams, des professeurs d’écoles qui pousse les enfants à embrasser le terrorisme. Au travers d’un processus de socialisation, le terrorisme devient normal. Au fond, ce qui importe le plus pour les terroristes n’est pas la cause en soi, mais c’est d’appartenir au groupe.

C’est-à-dire ?
Un jour, Ariel Merari, un collègue de l’université d’Harvard, m’a fait remarquer que les adolescents sont exactement les mêmes partout à travers le monde. En entrant dans une pizzeria de Boston (Etats-Unis), il avait entendu des adolescents y discuter de leur équipe favorite de football américain, les New England Patriots, et de leur héros, la star de l’équipe Tom Brady. Ils disaient qu’un jour, quand ils seraient grands, ils aimeraient être une vedette de football, comme Tom Brady. Dans les camps de réfugiés en Palestine, Ariel m’a dit, c’est la même chose. A la différence près que leur équipe favorite est le Hamas et leurs héros les martyrs. Un jour, quand ils seront grands, ils aimeraient bien être des martyrs, comme leurs héros.

C’est donc un processus sans fin ?
J’en ai bien peur. La guerre contre le terrorisme sera une très longue guerre. Elle va durer pendant des générations et des générations. En fait, à cet instant, la prochaine génération de terroristes est déjà prête.

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mercredi 13 février 2008

Le Complot de Barcelone Révèle les Difficultés du Contre-Terrorisme

Pour ceux qui l'auraient manqué, il y avait un excellent article dans le Los Angeles Times de ce lundi sur le "complot de Barcelone". L'article présente assez bien les difficultés d'infiltrer un réseau terroriste, d'une part. Les conséquences d'une éventuelle erreur sur la communauté musulmane, d'autre part. Et, enfin, la difficulté pour la justice de trancher dans ce genre de dossier étant donné le peu de preuves disponibles et l'obligation de se fier à une seule source.
Cela nous ramène à l'article sur la menace terroriste en Europe. Dans les commentaires, un débat s'est ouvert sur la manière d'évaluer la dangerosité et le niveau d'activité d'un groupe terroriste. C'est un débat très intéressant et je vous invite à continuer à y participer.

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mardi 12 février 2008

Sur la Menace Islamique en Europe

L'un de mes objectifs en créant ce blog était de briser plusieurs mythes largement répandu concernant, entre autres, le terrorisme. Quelques récentes lectures dans la presse m'ont encouragé à dénoncer l'un des plus grands mythes sur le terrorisme qui court actuellement. La plus grande menace directe contre l'Europe et les Etats-Unis (sur leurs territoires) n'est pas le terrorisme islamiste.

La ministre française de l'Intérieur Michèle Alliot-Marie a déclaré récemment "craindre le terrorisme d'extrême gauche". Elle a mentionné deux interpellations "le 14 et le 16 janvier (qui) nous ont fait arrêter des gens en possession de matériels, de produits, qui peuvent servir à faire des bombes et sur la dernière nous avons trouvé dans la voiture des manuels pour fabriquer des bombes, nous avons trouvé des plans". Selon la ministre, ces individus pouvaient être reliés à l'extrême gauche.

Les groupes terroristes séparatistes restent sans aucun doute les plus actifs en Europe. En Espagne, la police a lancé un coupe de filet d'envergure la semaine dernière pour arrêter 14 personnes soupçonnées d'être impliquées dans des activités radicales. En Corse, un attentat a fortement endommagé une villa près de Porto-Vecchio.

La menace terroriste vient aussi parfois de groupes beaucoup moins connus et pourtant tout aussi actifs. Le mois dernier, pas moins de 11 actions ont été menées en Belgique par le Groupe de Libération des Animaux, ce qui a obligé la cellule anti-terroriste de la police à une vigilance accrue. Les attaques allaient de simples actes de vandalisme à l'incendie d'un bâtiment de l'université d'Hasselt. En 2005, aux Etats-Unis, le FBI avait affirmé que les mouvements radicaux liés à la défense des animaux et de l'environnement constituaient la principale menace domestique.

Pour avoir une meilleure idée de la différence d'échelle entre la menace islamiste en Europe comparée aux autres types de menace terroriste, il suffit de regarder les statistiques fournies par Europol. En 2006, selon l'organe de coordination des polices européennes, il y a eu 498 attaques terroristes. Dont une seule était liée au terrorisme islamiste. 424 attaques avaient été menées par des groupes séparatistes, et 55 par des groupes d'extrême gauche.

La menace islamiste n'est évidemment pas inexistante. Le risque existe. Par exemple, toujours selon Europol, près de la moitié des personnes arrêtées en lien avec le terrorisme en Europe en 2006 avaient un lien présumé avec des groupes radicaux islamistes. Ces chiffres traduisent donc un certain niveau d'activité jihadiste en Europe. Mais ces chiffres traduisent également l'importance accrue portée sur la surveillance des cellules islamistes et qui mène parfois à une peu de zèle. Les cas de présumés terroristes islamistes libérés faute de preuve sont fréquents. Aux Pays-Bas, six individus ont été acquittés le mois dernier.

La peur du terrorisme islamique est basée sur les expériences collectives du 11 septembre, de Madrid ou de Londres. Le traumatisme va sans doute persister longtemps encore. D'autres attaques pourraient encore - et vont probablement - se produire. Demain ou dans 10 ans. Pendant ce temps, d'autres menaces auront été bien plus significatives.

Je ne dis pas qu'il ne faut rien faire, ni qu'il faille sous-estimer le danger jihadiste. Des réseaux islamiques se créent à travers l'Europe dans l'objectif de mener la prochaine grande attaque. Je dis simplement que la peur du terrorisme islamique est exagérée et, dans l'ensemble, néfaste puisqu'elle fait le jeu des terroristes.

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Blog: Theatrum Belli

Un petit mot pour mentionner un nouveau blog intitulé Theatrum Belli (qui n'a en fait rien de neuf, mais je viens de le découvrir, ou pour être plus correct, son auteur m'a découvert et m'a invité à découvrir son blog). Il s'agit d'un site consacré à la thématique guerrière "dans sa globalité" comme son auteur le dit (politique, historique, culturelle, ethnique, idéologique...).
Bonne continuation à Theatrum Belli!

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Vers une Nouvelle Stratégie de Contre-Insurrection Centrée sur le Civil plutôt que sur le Militaire?

L’OTAN « n’est pas en train de gagner en Afghanistan » annonçait un rapport de l’Atlantic Council of the United States publié le mois dernier. En Irak, malgré quelques succès récents, la situation reste précaire et pourrait rapidement basculer à nouveau dans la violence généralisée, avertissait à son tour l’International Crisis Group, un think tank basé à Bruxelles, il y a quelques jours. Après plusieurs années d’opérations militaires dans ces deux pays, les Etats-Unis n’ont pas encore réussi à clamer la victoire. Pis, l’éventualité d’un retrait unilatéral synonyme de défaite se profile à l’horizon du calendrier électoral.

Après plusieurs années d’expériences pour la plus grande part désastreuses, les Américains ne sont toujours pas parvenus à maîtriser l’art de la guerre asymétrique. Etant donné que d’autres guerres asymétriques pourraient voir – bientôt ? – le jour, une remise en question complète du modèle contre-insurrectionnel américain s’impose. Le nouveau manuel de Petraeus était un pas dans la bonne direction. Cependant, cette nouvelle stratégie est uniquement centrée sur l’Irak et n’est donc pas généralisable, du moins dans sa totalité. En outre, il s’agit d’un manuel militaire, et donc d’un outil limité par définition. Une nouvelle étude publiée par la RAND Corporation et présentée à la presse et au Congrès ce lundi propose un nouveau modèle pour vaincre les insurrections dans le monde musulman.

L’étude constate tout d’abord que les capacités américaines en matière de contre-insurrection sont tout à fait inadaptées. Selon David Gompert (photo ci-contre), l’un des auteurs de l’étude, « le recours à des moyens militaires massifs est au mieux inadéquat et au pire contre-productif ». En lieu et place, selon RAND, les Etats-Unis devraient mettre davantage l’accent sur l’aspect civil des opérations.

Alors que la récente offensive militaire a amélioré la sécurité dans plusieurs parties de l’Irak, « ce serait une profonde erreur d’en conclure que tout ce dont les Etats-Unis ont besoin est davantage de troupes pour vaincre les insurgés islamistes », a dit Gompert, un ancien conseiller du président Bush senior. « Il suffit de regarder la situation précaire au Pakistan pour réaliser les limites de la puissance militaire américaine et des dangers de se reposer dessus ».

Le rapport se base sur l’étude de 89 insurrections depuis la fin de la deuxième guerre mondiale. Les auteurs ont remarqué deux choses. Premièrement, les opérations militaires à grande échelle ont historiquement échoué contre les insurrections. Deuxièmement, la probabilité de vaincre une insurrection diminue avec le temps. Autrement dit, la situation semble très mal engagée en Afghanistan et en Irak. Mais pas désespérée.

Les auteurs identifient trois domaines dans lesquels les Etats-Unis pourraient être plus efficaces : le support aux gouvernements locaux ; l’entraînement des forces de sécurité et de police ; et le partage d’information. Selon le rapport, seule l’instauration d’institutions légitimes et efficaces peut mettre un terme à une insurrection. « Les forces étrangères ne peuvent pas remplacer d’efficaces gouvernements locaux », a affirmé John Gordon (photo ci-contre), co-auteur du rapport. « Elles peuvent même affaiblir la légitimité de ces gouvernements ».

Pour mettre en œuvre ce nouveau modèle contre-insurrectionnel, le rapport estime que plusieurs milliers d’experts civils supplémentaires devront être envoyés sur le terrain pour assurer les missions d’ordre civil. En outre, entre 20 et 30 milliards de dollars supplémentaires seront nécessaires. Néanmoins, affirment les auteurs, les Etats-Unis ne doivent pas tout assumer eux-mêmes.

« Les opérations de contre-insurrection doivent impérativement être de nature multilatérale », a déclaré David Gombert. Ceci doit être vu comme une excellent nouvelle pour les Européens. En effet, les états européens et l’Union Européenne disposent d’excellentes qualités dans le domaine civil où les Etats-Unis, au contraire, sont plutôt faibles. Notamment dans le domaine judicaire et dans la formation des forces de police. Dès lors, le burden-sharing européen pourrait beaucoup plus facilement se porter vers le civil, où les réticences sont moins nombreuses que dans le domaine militaire.

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lundi 11 février 2008

Journal d'un Terroriste

Le journal tenu par un membre d'al-Qaïda en Irak et retrouvé par l'armée américaine dont je parlais dans un article précédent est partiellement disponible en ligne. Merci à Stéphane Taillat pour cette trouvaille.

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dimanche 10 février 2008

Ajout de la Fonction 'Derniers Commentaires'

Juste pour signaler que les derniers commentaires ajoutés sur le blog sont maintenant visibles dans la colonne de droite...un bon moyen de voir qui est passé par là! ;-)

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samedi 9 février 2008

Le Déclin d'Al-Qaïda en Irak et la Dynamique Terrorisme/Insurrection

Un article sur al-Qaïda en Irak (AQI) paru dans le Washington Post de ce vendredi mérite un peu d’attention. En substance, l’article affirme qu’al-Qaïda aurait ordonné à ses membres d’ « adoucir » ses méthodes – c’est-à-dire de stopper ses attaques contre les Sunnites – après avoir constaté une chute vertigineuse de la popularité du groupe dans la province d’Anbar. Le nombre de membres serait tombé de 12.000 à 3.500. Une note interne trouvée par l’armée, dont l’authenticité doit encore être confirmée, demandait aux membres d’AQI de « se dédier à combattre le vrai ennemi [américain et chiite] uniquement afin d’éviter d’ouvrir un nouveau front contre les Arabes sunnites ». Depuis l’offensive américaine lancée par Petraeus, le nombre d’attentats dans la province d’Anbar a chuté. Simultanément, cause ou conséquence, AQI a perdu du terrain.

Dans son blog, Stéphane Taillat, doctorant spécialisé sur la contre-insurrection irakienne, note que « si AQI reste la principale menace contre les populations chiites des zones mixtes, l’organisation terroriste, en dépit de ses déclarations tendant à focaliser les actions contre elles, n’est plus qu’un danger marginal pour les forces américaines… ». Douglas Farah, journaliste au Washington Post, constate sur son blog que « les groupes [terroristes] n’ont pas seulement des difficultés en Irak, mais aussi dans le monde islamique en général. Le niveau de violence contre les Sunnites perpétré par les groupes islamistes sunnites s’avère impossible à accepter pour beaucoup de gens. Le résultat est que le soutien financier à AQI est apparemment en déclin. C’est dans ces moments où les nouvelles sont encourageantes qu’il faut profiter de l’avantage. Ces groupes ne partiront pas de manière volontaire. Ils doivent être repoussés. Et cela n’arrivera que si les gens perçoivent que la lutte contre les islamistes est dans leur propre intérêt. Pas dans celui des Etats-Unis ou de n’importe qui d’autre ».

A ces analyses, je voudrais rapidement ajouter plusieurs remarques qui me semblent importantes

Tout d’abord, ce déclin d’AQI est limité pour l’instant à la province d’Anbar, et donc les conclusions tirées ne peuvent être appliquée à l’ensemble de l’Irak. Deuxièmement, la dynamique terrorisme/insurrection observée dans ce cas-ci est extrêmement intéressante. Ce que la note interne laisse penser, c’est que AQI se dirige vers un abandon partiel du ‘terrorisme indiscriminé’ tout en renforçant le pôle ‘insurrectionnel’ en essayant, par exemple, de renouer des liens avec les chefs locaux pour maintenir un certain nombre de fiefs. Jusqu’à présent, c’était plutôt la dynamique inverse qui avait été observée : après avoir perdu une bataille sur ‘le front’, les membres d’AQI passaient en quelque sorte du statut d’insurgé au statut de terroriste. Ils se cachaient parmi la population afin de pouvoir y lancer une attaque terroriste. Ce changement de dynamique est un bon signe pour les Américains qui sont en train de gagner « le cœur et les esprits » (hearts and minds) des Irakiens, pour reprendre l’expression si populaire parmi les militaires. Troisièmement, de manière tout aussi intéressante, ce changement de stratégie souligne encore une fois la grande capacité de réflexion et de réaction d’al-Qaïda. La capacité d’adaptation des groupes terroristes est souvent sous-estimée. En fait, comme l’a constaté Bruce Hoffman, grand spécialiste d’al-Qaïda, les groupes terroristes montrent une très grande résilience une fois qu’ils sont parvenus à passer le cap des 2-3 premières années d’existence. Enfin, il sera intéressant de regarder dans quelle mesure l’ordre sera suivi. Cela devrait donner une bonne indication du contrôle d’aq-Qaïda sur ses militants.

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Ajouts dans la blogoliste

Juste un petit mot pour signaler que j'ai ajouté trois nouveaux blogs à ma "blogoliste". Le blog de Stéphane Taillat, "En vérité", parle des opérations de contre-insurrection, et de l'Irak plus particulièrement. Dans le blog de François Duran, "Théâtre des opérations", vous trouverez des réflexions stratégiques et tactiques sur des conflits présents et passés. Enfin, dans la blogosphère anglophone, j'ai ajouté un blog, "Secrecy News", de la célèbre Federation of American Scientists, spécialisé dans le domaine du renseignement. Notez que ces blogs ne sont pas nouveaux, mais j'ai mis un peu de temps à les ajouter. Erreur résolue. Je recommande la lecture de ces blogs, et félicite leurs auteurs.
Côté "médias", j'ai ajouté la page spéciale Terrorisme du journal flamand De Morgen...

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jeudi 7 février 2008

La Théorie du 'Loup Solitaire' ou la Psychose Américaine

Il existe une croyance largement répandue parmi les experts américains en terrorisme : la prochaine attaque terroriste n’est plus qu’une question de temps. Malgré toutes les mesures de sécurité déployées, il est impossible de garantir la sécurité totale des Etats-Unis. Loin de là. La question que les experts se posent n’est pas « Quand ? », mais plutôt « Qui ? Et comment ? ».

Parmi les différentes réponses possibles, la théorie du ‘loup solitaire’ fait particulièrement frémir l’ensemble de la communauté du renseignement. Cette peur repose sur la difficulté de localiser un individu isolé qui aurait des desseins d’attentat. Il existe beaucoup de moyens pour identifier des terroristes qui tentent de d’entrer sur territoire américain. De même, il est possible d’infiltrer une cellule terroriste. Mais le ‘loup solitaire’ est presque impossible à repérer. Du moins en théorie.

Un rapport de Stratfor, un think tank basé au Texas, définit le ‘loup solitaire’ comme un individu « qui agit à son propre compte, sans recevoir d’ordres et sans entretenir de relations avec aucune organisation. (…) Il est par nature membre de la société qu’il vise et est capable de s’auto-activer à n’importe quel moment ». Le ‘loup solitaire’ se distingue ainsi de l’ ‘agent dormant’ qui a infiltré la société-cible pour le compte d’une organisation et demeure inactif jusqu’à réception d’un signal. Le ‘loup solitaire’ se distingue également du ‘fou solitaire’ qui n’a aucun objectif politique et dont les actions ne correspondent pas aux définitions d’un acte terroriste.

Al-Qaïda est conscient de la peur suscitée par les ‘loups solitaires’ aux Etats-Unis. Et se plaît à entretenir la psychose. Un message sur un site jihadiste daté du 1 janvier 2008 dit : « Les cellules dormantes se promènent au sein du pays des infidèles en utilisant différentes méthodes de couverture et des ‘noms de blancs’ qui n’attirent pas l’attention des services de sécurité américains, mais ce n’est pas cela qui terrifie le FBI en particulier et les services de sécurité en général. Ce sont les ‘loups solitaires’ d’al-Qaïda qui dérangent leur tranquillité et leur sommeil ». Le même message offre ensuite plusieurs conseils aux ‘loups solitaires’ afin de mener à bien leurs missions. La liste de ces conseils est disponible sur le site de la fondation Jamestown, un think tank basé à Washington avec lequel je collabore. Ces conseils comprennent par exemple : ne pas révéler ses origines arabes, mais plutôt se faire passer pour hispanique ; ne pas vivre dans un quartier où il y a des trafiquants de drogue pour échapper à la surveillance de la DEA (agence de lutte contre la drogue) ; s’entraîner à la manipulation des armes et des explosifs ; etc.

Néanmoins, les difficultés rencontrées par les ‘loups solitaires’ sont nombreuses. Etant seuls, ils doivent monter l’entièreté des opérations par eux-mêmes. En outre, de nombreuses qualités sont nécessaires pour élaborer une attaque, allant du repérage des lieux à la construction d’explosifs, en passant par la manipulation des armes. Si ces choses peuvent paraître simples sur papier, il en est autrement au moment de passer à l’action. Le cas de Sayed Abdul Malike illustre assez bien ce propos. Le FBI a entendu parler de cet Afghan vivant aux Etats-Unis pour la première fois en mars 2003 via un technicien informatique. Au cours d’une conversation, Malike avait demandé au technicien s’il savait comment fabriquer une bombe. Quelques jours plus tard, un capitaine de bateau touristique en Floride alertait également le FBI : Malike avait posé d’étranges questions sur l’infrastructure des ponts de Miami, qu’il avait filmés, et sur la distance à laquelle le petit bateau touristique pouvait s’approcher des grands bateaux de croisière. Il sera arrêté en mai 2003 après avoir tenté d’acheter suffisamment d’explosif pour « faire exploser une montagne ».

Le rapport de Stratfor conclut : « Alors que les versions fictionnelles et théoriques du ‘loup solitaire’ peuvent être terrifiantes, les exemples réels démontrent que, non seulement les cas sont très rares, mais les contraintes imposées par leur isolement (lors de l’entraînement et de l’acquisition d’armes) généralement limitent les dommages qu’ils peuvent faire. En outre, un ‘loup solitaire’ qui fait appel à une aide extérieure se retrouve éventuellement en interaction avec d’autres militants et ne peut alors plus être considéré comme ‘loup solitaire’ ».

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Romney Jette l'Eponge

Voilà: Mitt Romney a abandonné la course. Il n'y a maintenant pour ainsi dire plus aucun suspense. John McCain sera le candidat républicain à la présidentielle. Mon post ci-après en est donc encore plus approprié.

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Démocrates et Républicains: Deux Approches Opposées de l'Irak

Mardi soir a été une très longue nuit. A une heure du matin, j’ai fini par succomber au sommeil devant mon poste de télévision. Peu après avoir fini de couvrir les élections pour Le Soir en ligne. Malgré ce qu’en disent certains, les résultats ont permis de clarifier un peu la situation. Chez les Démocrates, il apparaît que le vainqueur ne sera sans doute pas connu avant la convention de parti, au mois d’août. En quelque sorte, on a maintenant la certitude de l’incertitude. Chez les Républicains, John McCain a confirmé son rôle de grand favori. En toute logique, il devrait emporter la nomination de son parti. Sauf si Huckabee jetait l’éponge…

Donc, théoriquement, au mois de novembre, l’élection présidentielle devrait opposer John McCain à l’un des deux candidats démocrates : Barack Obama ou Hillary Clinton. Qui sera alors le favori pour obtenir les clés de la Maison Blanche ? Selon Allan Lichtman, professeur d’histoire à l’American University (Washington DC), les Démocrates vont gagner. Sa prédiction se base sur un célèbre modèle dont il est l’auteur et qui lui a permis de prédire avec succès le résultat des présidentielles depuis plus de 20 ans. A ce sujet, voyez l’interview que j’ai eue avec le professeur Lichtman parue dans Le Soir de ce jeudi 7 février.

Sans affirmer ma préférence pour aucun candidat, je voudrais souligner rapidement les approches tout à fait opposées des candidats dans deux domaines centraux pour Le Front Asymétrique : l’Irak et la contre-insurrection.

Les deux candidats démocrates ont déclaré que, aussitôt entrés à la Maison Blanche, les troupes américaines commenceraient à quitter l’Irak. Obama promet que « toutes les brigades de combat » auront quitté l’Irak endéans 16 mois. Clinton est sur la même onde : « Il est temps de mettre un terme à cette guerre. Pas l’année prochaine, pas le mois prochain. Mais aujourd’hui ». Obama et Clinton affirment également qu’ils maintiendront un petit contingent de troupes en Irak, ou dans un pays voisin, pour combattre al-Qaïda. Les deux candidats promettent également d’engager des discussions avec tous les acteurs régionaux, y compris la Syrie et l’Iran, et de favoriser les rapprochements entre les leaders irakiens.

La stratégie des démocrates est problématique sous bien des aspects. Voici une liste – non exhaustive – des défauts de cette stratégie :

  • Les candidats se sont enfermés dans un discours d’opposition. En condamnant l’invasion « illégitime » de 2003, symbole de la présidence Bush, et en proposant un retrait immédiat, ils marquent leur différence avec l’administration actuelle. Problème : ils ne tiennent aucun compte de l’évolution de la situation sur le terrain.
  • Depuis la prise de commande du général Petraeus, la situation s’est améliorée – sans être encore idyllique – grâce à une stratégie de contre-insurrection beaucoup plus adaptée. Quitter l’Irak maintenant ruinerait les quelques succès engrangés récemment.
  • Ne nous faisons pas d’illusion. Si les Américains s’en vont, les violences ne diminueront pas. Bien au contraire.
  • Les troupes américaines ont un rôle coercif très important dans le processus de rapprochement politique.
  • Un retrait serait perçu sans aucun doute comme une nouvelle défaite militaire américaine.
  • En partant, l’Amérique n’apprendra jamais ses leçons en matière de contre-insurrection. Les progrès dans ce domaine n’ont jamais été aussi grands. Un retrait reviendrait à jeter le manuel de Petraeus à la poubelle.
  • Les Irakiens ne veulent pas que les Américains partent.
  • Etc.
John McCain a une approche tout à fait opposée aux deux candidats démocrates. Selon lui, les troupes américaines devraient rester en Irak pour « au moins encore 100 ans ». Sa stratégie est conforme à celle de Petraeus : ramener la sécurité afin de pouvoir commencer la reconstruction politique et économique du pays. Dans cet objectif, les Etats-Unis et la communauté internationale doivent « appliquer de vraies sanctions contre l’Iran et la Syrie afin de changer leur comportement ». Les problèmes de la stratégie de McCain sont les suivants :
  • En annonçant haut et fort vouloir rester 100 ans en Irak, McCain pourrait rapidement perdre le soutien de l’opinion publique et du Congrès. Et, qu’il le veuille ou non, il pourrait être forcé de rapatrier les soldats américains.
  • Il est incertain combien de temps encore les Etats-Unis peuvent maintenir leur présence en Irak. D’un point de vue économique d’abord, la guerre coûte cher. En outre, l’argent dépensé n’est pas investi dans d’autres secteurs de l’économie américaine, et donc les Américains souffrent deux fois des dépenses de la guerre. D’un point de vue militaire ensuite, il n’est pas certain que les Etats-Unis disposent du contingent nécessaire pour maintenir un front en Irak et en Afghanistan pendant plusieurs années supplémentaires. Dans un article précédent, j’ai déjà souligné que l’armée est obligée d’abaisser ses standards de recrutement pour maintenir ses quotas, au détriment de la qualité. En outre, les Etats-Unis seraient en grande difficulté s’ils devaient faire face à une nouvelle menace.
  • Refuser de négocier avec l’Iran et la Syrie s’inscrit dans la tradition de non-compromis de Bush. Or, cette stratégie a déjà démontré ses lacunes à plusieurs reprises.
  • Tant que les opérations militaires continuent, des jihadistes vont continuer à affluer en Irak. Les qualités qu’ils acquièrent au combat vont poser d’énormes problèmes à long terme. L’Irak joue sans aucun doute le même rôle de « camps d’entraînement » pour jihadistes que l’Afghanistan dans les années 1980.
  • Etc.
En conclusion, disons simplement que la route vers la paix est encore longue et semée d’embûches pour les Irakiens. Dans tous les cas de figure, le prochain Président des Etats-Unis prendra une décision qui restera dans les livres d’histoire.

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mardi 5 février 2008

La Liste des Cibles Terroristes en France Signe d'Amateurisme

EXCLUSIVITE DU FRONT ASYMETRIQUE. La France est en état d’alerte. Le 4 janvier, un site internet islamiste appelait ses lecteurs à lancer des attaques terroristes contre Paris. Quelques jours plus tard, le Portugal puis l’Espagne annonçaient avoir découvert d’autres signes d’une menace potentielle contre la France. Le « Front Asymétrique » a obtenu en exclusivité la liste des cibles potentielles mise en ligne le 4 janvier sur le site al-ekhlas. La liste a été obtenue via le Middle East Media Research Institute (MEMRI), un think tank qui surveille les forums islamiques.

Certaines cibles sont « logiques ». La tour Eiffel est un classique dans le genre. Le symbole de Paris était déjà la cible présumée des terroristes en 1994, lorsqu’un commando du GIA algérien avait détourné un avion. Un message capté par l’aviation portugaise le 10 janvier dernier appelait également à une attaque contre la tour Eiffel. Les aéroports Charles de Gaulle et Orly sont aussi inscrits sur la liste en raison du grand nombre de passagers qui y transitent chaque jour. Enfin, le palais de l’Elysée, la Défense ou le Louvre ont une énorme portée symbolique.

D’autres cibles sont plus surprenantes. Par exemple, plusieurs magasins de luxe (situés notamment sur les Champs Elysées) figurent sur la liste. Bien qu’une attaque contre l’un des magasins mentionnés provoquerait sans aucun doute des victimes, la portée symbolique de ces cibles est discutable (Qu’est-ce qui est visé ? Les civils ? Le capitalisme ? L’occident ?). Plus surprenant encore : l’inclusion de zones à relativement faible densité (comparé à d’autres endroits) et à faible portée symbolique tels que Fontainebleau, le bois de Vincennes ou le bois de Boulogne.

Enfin, l’absence de certaines cibles est également déconcertante. Les lieux sportifs comme le stade de France ne semblent pas intéresser l’auteur de la liste. Ni les transports en commun (à part les 2 aéroports), pourtant souvent ciblés par les terroristes. Au rang des absents aussi, la mairie de Paris. Alors que Bertrand Delanoë est désigné comme cible dans le même message.

L’auteur de la liste confie avoir basé ses recherches sur Wikipédia, l’encyclopédie en ligne. Cette confession suggère que l’auteur n’est peut-être pas très familier avec Paris. Mais il est surtout intéressant de noter que certains terroristes ont recours à Wikipédia, un instrument souvent critiqué pour son inexactitude et sa subjectivité.

La liste, son élaboration via Wikipédia et sa justification sur le site islamique laissent planer un sentiment d’amateurisme, voire de naïveté chez son auteur et ses lecteurs. Par exemple, le message affirme qu’une attaque à Paris « retournerait le public contre Sarkozy et affaiblirait sa popularité ». En réalité, il est très difficile de prévoir les conséquences politiques d’une attaque terroriste comme démontré par les deux cas opposés du 11 septembre aux Etats-Unis et du 11 mars en Espagne. Alors que la popularité de Bush a grimpé après les attentats, Aznar a perdu les élections. En fait, la réponse du gouvernement à une attaque terroriste est sans doute beaucoup plus déterminante que l’attaque elle-même.

Le message affirme également qu’une attaque causerait « l’effondrement de l’économie française ». Il est vrai qu’un attentat à Paris aurait des répercussions négatives sur l’économie et le tourisme à court terme. Cependant, à long terme, les effets sont beaucoup plus incertains. Dans l’ensemble, le terrorisme a tendance a créé un ralentissement économique, mais pas de crise.

Enfin, le message déclare qu’une attaque sur Paris aurait pour conséquence « contrairement à ce que tout le monde pense, de forcer les autorités à lever la surveillance des communautés musulmanes pour résoudre la crise [née des tensions entre musulmans et policiers]. Ce qui facilitera [à son tour] la création de cellules jihadistes ». Au contraire, une attaque terroriste accroîtrait le contrôle policier, surtout si l’attentat est orchestré par une cellule implantée en France. Et il n’y a aucun doute que la grande majorité de la communauté musulmane française serait aussi choquée que le reste de la nation par une attaque sanglante sur le sol français, et réagirait de manière négative vis-à-vis du groupe terroriste à l’origine de l’attentat.

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dimanche 3 février 2008

Hôtel Serena: le Ministre Norvégien Etait la Cible

Le porte-parole des Talibans a confirmé à un membre de la fondation NEFA, une organisation spécialisée dans le terrorisme islamique, que le ministre des affaires étrangères norvégien, Jonas Gahr Stoere, était bien la cible de l'attentat qui a frappé l'hôtel Serena à Kaboul le 14 janvier dernier. Sept personnes étaient mortes lors de l'attaque.

Zabiullah Mujahid a déclaré que les quatre Talibans responsables de l'opération visaient précisément le ministre norvégien. "Notre cible était ces étrangers qui ont un rôle militaire en Aghanistan et menacent l'indépendance du pays", a-t-il dit lors de l'interview dont la transcription est disponible sur le site de la fondation NEFA.

Concernant la récente vague de violence au Pakistan et l'assassinat de Benazir Bhutto, le porte-parole taliban nie toute implication des insurgés afghans. "Les moujahidines afghans n'ont joué aucun rôle dans la crise pakistanaise", a-t-il affirmé. "Les Talibans afghans se concentrent sur l'Afghanistan, ils n'interfèrent pas dans les affaires pakistanaises. (...) Les Moujahidines de l'Emirat Islamique sont basés en Afghanistan, le leadership est en Afghanistan, et nos activités ont lieu en Afghanistan. Cette élection [présidentielle pakistanaise] est une affaire interne au Pakistan. (...) Cela ne nous intéresse pas qui gagne les élections pakistanaises".

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samedi 2 février 2008

"J'Ai Glissé, Chef": Conséquences du 'Rabaissement Social' de l'Armée Américaine sur les Opérations de Contre-Insurrection

L’armée ne suscite plus de vocation en Amérique. Depuis 2004, malgré une campagne de recrutement intense et continue – l’un des premiers coups de fil que j’ai reçu en arrivant aux Etats-Unis était d’un représentant de l’U.S. Army – les recruteurs ne parviennent pas à remplir leurs quotas. Pour résoudre ce problème, l’armée a décidé d’abaisser ses critères de sélection. Conséquence : un déclin en quantité et en qualité des troupes américaines. Avec de potentielles conséquences négatives pour les opérations militaires présentes et futures.

Une étude publiée la semaine dernière par le National Priorities Project a révélé que le pourcentage de nouvelles recrues disposant d’un diplôme d’enseignement secondaire a chuté de 94% en 2003 à 70,7% en 2007. Le seuil de l’armée américaine est normalement fixé à 90%. En outre, davantage d’individus ratant le test d’aptitude ont été acceptés. En 2004, 0,6% des recrues rataient l’examen (un score inférieur à 30%). En 2007, le chiffre avait grimpé jusque 4,1%. De manière générale, les résultats au test d’aptitude ont diminué. Par rapport à 2004, le nombre de recrues dites de « haute qualité » a baissé de plus de 25%.

En plus de l’enseignement et du test d’aptitude, l’armée américaine a également abaissé ses critères en matière de criminalité. Selon le Boston Globe, 11,6% des nouvelles recrues en 2007 ont reçu une « exemption morale ». En d’autres mots, l’armée a fermé les yeux sur leur casier judiciaire, comprenant des faits tels que trafic de drogue, violence ou cambriolages. En 2003, ce pourcentage n’était que de 4,6%.

Cette tendance au ‘rabaissement social’ de l’armée américaine est inquiétant. Tout d’abord, parce que ces individus ont davantage tendance à abandonner l’armée durant leur service, renforçant ainsi le manque de soldats. Ensuite, on peut clairement s’interroger sur le comportement d’anciens criminels sur un champ de bataille. Mais beaucoup plus important : cette tendance nuit gravement à la qualité opérationnelle des troupes sur le terrain.

Des soldats intelligents sont plus efficaces. C’est du moins ce que tend à démontrer une étude réalisée en 2005 par la RAND Corporation, un think tank américain, à la demande du Pentagone. Selon cette étude, par exemple, les soldats qui ont bien réussi au test d’aptitude sont beaucoup plus précis aux exercices de tir. Les soldats intelligents ont aussi plus de chance de réussir une mission déterminée.

En termes de contre-insurrection, l’intelligence de chaque soldat est encore plus importante qu’en combat classique. La nouvelle stratégie en Irak développée par le Général Petraeus met l’accent sur de petites unités, composées de quelques dizaines hommes, disposant de qualités exceptionnelles : compréhension de la culture locale, compréhension de l’ennemi, développement de bonnes relations avec la population, comportement exemplaire, ingéniosité, …

L’apport des nouvelles recrues dans les opérations contre-insurrectionnelles est donc limité. Pire : il pourrait être nuisible. Des soldats peu éduqués peuvent adopter des comportements dommageables pour l’image de l’armée américaine auprès des populations locales. Et ainsi contribuer à la propagande des insurgés.

Il est difficile de prédire à quoi ressembleront les conflits de demain. Mais si la tendance vers les conflits asymétriques se confirme, et que le ‘rabaissement social’ de l’armée américaine se poursuit, il se pourrait que les successeurs de Petraeus se trouvent face à un nouveau dilemme, opposé exact de celui qui se posait avant Petraeus : Maintenant que l’armée a apparemment enfin réussi à développer une stratégie efficace pour vaincre une insurrection, la quantité et la qualité des troupes ne sera peut-être plus suffisante pour la mettre en oeuvre.

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