Le blog du King College a mis en ligne un document assez intéressant sur les "zones non gouvernées" (ungoverned areas), préparé pour le Département de la Défense américain. Bien que n'apportant aucun élément neuf, le rapport offre une vision claire et structurée du phénomène de "zones non gouvernées", de "zones sécurisées" (safe havens) et de la menace d'exploitation de ces zones par des groupes "illicites". Le rôle de ces zones est crucial dans la luttre contre-insurrectionnelle et contre-terroriste, comme démontré par les efforts déployés par les Etats-Unis en Afghanistan, Irak et Pakistan.
La principale conclusion du rapport est sans doute celle-ci: "l'étendue des conditions qui rend certains lieux et situations susceptibles d'exploitation comme zone sécurisée n'est pas limitée aux seules considérations politiques qui servent généralement d'explication pour les zones non gouvernées (à savoir l'idée qu'un lieu est non gouverné parce qu'un gouvernement central est incapable ou non enclin à le contrôler). Plutôt, l'expérience suggère qu'une large étendue de considérations géographiques, politiques, civiles, liées au ressources et aux intérêts américains, sont nécessaires pour expliquer le phénomène de zones non gouvernées et de zones sécurisées".
Le rapport distingue 5 grandes catégories de zones, bien qu'il est évident qu'il existe des recoupages entre plusieurs de ces catégories:
- Zones non gouvernées (Ungoverned areas): zones où il n'existe aucune régulation, aucune autorité (le cas de certains endroits en Somalie par exemple). Notons que ce cas est très rare puisque dès qu'un groupe, même illicite, comble le vide et exerce une certaine autorité sur la population locale (les Tribunaux Islamiques par exemple), il ne s'agit déjà plus d'une zone non gouvernée.
- Zones sous-gouvernées (Under-governed areas): zones où il existe un certain contrôle, bien que limité. C'est le cas de la plupart des "zones sécurisées" (safe havens) aujourd'hui.
- Zones mal gouvernées (Ill-governed areas): le régime héberge des groupes illicites dans certaines zones (al-Qaïda et les Taliban en Afghanistan pré-11 septembre).
- Zones contestées (Contested areas): les groupes locaux et/ou illicites comblent le manque de gouvernance du régime central. Dans ce cas, deux ou plusieurs gouvernances se superposent.
- Zones exploitables (Exploitable areas): les groupes illicites s'installent malgré le contrôle total du gouvernement, en utilisant par exemple les réseaux sociaux, ou en se cachant derrière une vitrine légale (le cas de certains groupes terroristes en Europe par exemple).
Au niveau géographique, il existe trois types de zones non gouvernées: des lieux isolés (jungle, désert, etc.) où des insurgés peuvent facilement trouver abri des forces gouvernementales; les villes, où des individus peuvent bénéficier de "l'anonymat de la multitude"; et des zones maritimes, comme par exemple les archipels en Asie du Sud-Est.
Au niveau politique, les états ont besoin de la volonté d'éradiquer ces zones non gouvernées, mais aussi des moyens de le faire. Ces moyens comprennent des capacités légales, économiques, de renseignement, et de sécurité.
Au niveau civil, les zones non gouvernées peuvent émerger du manque de gouvernance de l'état, mais aussi d'un manque de légitimité. Les groupes illicites, pour prendre racine, peuvent exploiter ce manque de légitimité.
Finalement, des groupes illicites peuvent chercher à exploiter des zones non gouvernées pour développer ou protéger leurs resources (personnel, fonds, communications, transports et armes).
NOTE: L'année dernière, la RAND Corporation avait également publié un long rapport sur les zones non gouvernées qui était également très intéressant puisqu'il comprend 8 analyses de cas, dont la frontière entre la Colombie et le Vénézuela, l'Asie du Sud-Est, ou encore la frontière Afgho-Pakistanaise.
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