Europol, l’organe européen de coopération policière, a publié lundi son rapport annuel sur la situation et les tendances du terrorisme au sein de l’Union Européenne (UE). En le parcourant, et en le comparant avec les rapports précédents, on découvre quelques tendances claires, mais aussi quelques affirmations intéressantes.
Les terroristes ont tenté de frapper en Europe à 583 reprises, ce qui inclut les attaques manquées ou déjouées, comme les attentats jihadistes en Allemagne et en Grande-Bretagne. Ce chiffre représente une augmentation de 24 pourcent par rapport à l’année précédente. L’activité terroriste est donc en hausse. A cette hausse d’activité correspond également un plus grand nombre d’arrestations : 1044, soit 48 pourcent de plus qu’en 2006.
La grande majorité des attaques terroristes (91 pourcent) sont attribuables à des groupes séparatistes, essentiellement en Espagne (ETA – Pays Basque) et en France (FLNC – Corse). Les autres groupes séparatistes actifs en Europe durant l’année 2007 sont le PKK kurde, les Tigres Tamils (LTTE – Sri Lanka) et l’Armée de Libération Nationale Irlandaise (ALNI).
Le nombre d’arrestations liées au terrorisme séparatiste a doublé par rapport à 2006, alors que le nombre d’arrestations liées au terrorisme islamiste a diminué. En outre, un tiers des terroristes islamistes poursuivis en justice ont été acquittés, contre seulement un cinquième des terroristes séparatistes. Cela traduit ce que j’avais déjà souligné auparavant : une surévaluation de la menace islamiste par rapport à d’autres formes de terrorisme, ce qui conduit à un plus grand nombre d’arrestations non confirmées par le système judiciaire. Le plus faible nombre d’acquittements liés au terrorisme séparatiste traduit également une meilleure connaissance de ces dossiers par les services de sécurité et, a contrario, une plus grande ignorance de la menace jihadiste. Néanmoins, la qualité du travail des forces de l’ordre et des services de renseignement a permis de déjouer plusieurs attentats majeurs, notamment en Allemagne.
Si la menace jihadiste demeure perçue comme étant la principale menace terroriste contre les membres de l’UE, ce qui est confirmé par la part prépondérante du rapport qui lui est consacrée, ce n’est pas à cause d’une hausse de l’activité islamiste, mais plutôt à cause du danger potentiel de ces attaques. En effet, les jihadistes cherchent à « frapper fort » en Europe en tuant un maximum de gens, contrairement aux séparatistes. Les échecs en Angleterre et en Allemagne ne font que renforcer cette volonté chez les jihadistes, même si des attaques de moindre ampleur restent possibles, et sont même plus probables étant donné le niveau d’alerte élevé des services de sécurité européens.
Concernant la menace jihadiste, Europol note le danger grandissant des « terroristes domestiques » (homegrown terrorists). De plus en plus, en effet, comme je l’ai déjà noté précédemment, la menace ne vient pas de l’extérieur (via des jihadistes étrangers) mais de l’intérieur (via des terroristes convertis). Cette tendance est très significative car cela indique que le jihad prend racine en Europe. L’enracinement serait facilité par deux facteurs : les conflits en Irak et en Afghanistan qui continuent d’être interprétés comme une « guerre de civilisation » par certains individus et donc facilitent la radicalisation et le recrutement d’une (infime) partie de la jeunesse européenne ; et un développement quantitatif et qualitatif de la propagande jihadiste en Europe, notamment grâce à la traduction de forums jihadistes en anglais, en français et en allemand, ce qui rend le message jihadiste plus accessible. A ce propos, notons que le site islamiste al-Ikhlas, l’un des principaux sites de recrutement, vient de lancer une version française et une version italienne du site.
Dans son rapport, Europol reconnaît également le rôle prépondérant joué par le Pakistan dans la sécurité européenne. Beaucoup de combattants jihadistes sont formés dans des camps pakistanais avant d’aller combattre en Irak, en Afghanistan ou de revenir en Europe. En outre, Europol souligne le danger représenté par l’éventualité du retour en Europe des « combattants irakiens », qui pourraient enseigner leur savoir aux jeunes aspirants terroristes européens. L’importance accordée par Europol à l’Irak, au Pakistan et à l’Afghanistan, est extrêmement intéressante car cela souligne une nouvelle fois que l’UE situe bel et bien la source d’une partie de ses problèmes sécuritaires dans cette région du monde. Dès lors, la sécurité de l’UE est dépendante de l’évolution de la situation dans ces pays. Pourtant, l’indécision européenne en Afghanistan et en Irak demeure énorme, et la prise de responsabilités bien inférieure à ce qu’elle devrait être. J’avais déjà souligné ce dilemme européen entre sécurité intérieure et politique étrangère dans le cas d’un article sur l’Allemagne pour Terrorism Focus magazine.
Enfin, d’autres évolutions notées par Europol valent la peine d’être relevées. En vrac :
«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre»
---Fédor Dostoïevski
lundi 7 avril 2008
Rapport Europol: Le Dilemme Européen entre Sécurité Intérieure et Politique Etrangère
Publié par Europe in the World à 23:36
Libellés : Afghanistan, Al-Qaïda, Europe, Irak, Pakistan, Terrorisme
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1 commentaire:
Article très intéressant qui confirme votre article du 12 février : « Sur la menace islamique en Europe ». Poursuivez sur la même lancée. Vos articles présentent toujours un point de vue original et instructif.
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