«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

lundi 31 mars 2008

La Coopération Tuniso-Algérienne Bloque l'Approvisionnement en Explosifs d'Al-Qaïda

Lire l'article paru dans El Khabar ici.

Renseignements Canadiens: Radicalisation et Jihad en Occident

Le premier procès de l’un des 15 individus suspectés d’appartenir à une cellule jihadiste au Canada a débuté mardi dernier. La cellule avait été démantelée en juin 2006 à Toronto. Selon les autorités canadiennes, la cellule avait planifié plusieurs attaques, dont l’assaut du parlement qui se serait achevé par la décapitation du premier ministre, Stephen Harper.

A l’occasion du début de ce procès, la Fondation NEFA publie un document secret du Canadian Security Intelligence Service (CSIS), le service de renseignements canadien, qui a fait l’objet d’une fuite. Le rapport est désormais disponible, bien qu’une partie du document soit cachée. Le document, intitulé « Radicalisation et Jihad en Occident », avait été rédigé en juin 2006, juste après la révélation du complot. Extraits et commentaires :

« La menace de l’extrémisme islamiste domestique contre le Canada est croissante. (…) Les phénomènes de ‘radicalisation’ et ‘jihadisation’ sont très complexes. La radicalisation a lieu lorsque les musulmans rejettent les croyances et les pratiques communes, et adoptent une interprétation de l’islam étroite, littérale, et fondamentaliste. La jihadisation a lieu lorsque les musulmans radicalisés croient que la violence en défense de l’islam devient justifiée. Chaque radicalisé ne va pas se jihadiser, mais la transition peut se dérouler assez rapidement. (…) Les jeunes membres sont de plus en plus auto-radicalisés. »

Cette vision en deux temps de la ‘radicalisation’ et de la ‘jihadisation’ semble être la vision partagée au sein de la communauté du renseignement. Un modèle progressif similaire avait déjà été développé par les services de renseignement néerlandais dans un rapport plus élaboré. Cette vision est très intéressante parce qu’elle permet, d’une part, de nuancer la vision parfois simpliste connotée par l’expression « extrémisme islamiste », et, d’autre part, de rendre compte du faible nombre de combattants jihadistes comparé à la population musulmane globale. L’idée que la jihadisation soit liée à un changement perceptif par rapport à la violence est, selon moi, centrale. Enfin, la notion "d’auto-radicalisation" fait clairement référence aux travaux de Marc Sageman.

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dimanche 30 mars 2008

Sport et Terrorisme: Drones pour l'Euro 2008

L'Allemagne a apparemment échappé de justesse à un attentat terroriste lors du match d'ouverture de la coupe du monde en 2006. Pékin a récemment émis certaines inquiétudes concernant le risque potentiel d'attentats terroristes durant les Jeux Olympiques. Le Paris-Dakar ne se fera plus en Afrique à cause du terrorisme.

La relation entre sport et terrorisme n'est pas neuve. Tout le monde se rappelle de Munich. Mais, ces derniers temps, la menace terroriste sur les grands évènements sportifs est en pleine expansion. Pourquoi? La réponse est simple: pourquoi les terroristes se priveraient-ils de cette formidable fenêtre d'opportunité constituée par ces évènements retransmis à l'échelle planétaire grâce aux médias? Que faut-il faire? Certainement pas annuler ces évènements, puisque cela signifierait une victoire (partielle seulement) du terrorisme, puisque leur objectif est justement de...terroriser. La solution tient donc dans un renforcement des systèmes de sécurité. Dès lors, on appréciera l'annonce de l'utilisation de drones au dessus des stades lors de l'Euro 2008 en Suisse et en Autriche, même si leur fonction première n'est pas la lutte contre le terrorisme. Note: Le cas du Paris-Dakar est un peu différent puisque, par nature, les garanties de sécurité sur un tel parcours sont quasiment impossibles.

samedi 29 mars 2008

Un Attentat Evité de Justesse lors de la Coupe du Monde en Allemagne?

Lire l'article de Spiegel Online ici.

vendredi 28 mars 2008

Fitna: Racisme et Provocation

Le film du député néerlandais d'extrême droite Geert Wilders, Fitna, a été mis en ligne hier. Le premier ministre Balkenende a condamné le film, ainsi que d'autres personnalités politiques. La presse, par contre, a affiché un certain "soulagement" déplacé, affirmant que le film n'est pas aussi extrême qu'on pouvait le craindre.

Après vision du film qui est diponible en ligne, je suis littéralement choqué que la presse puisse diminuer ainsi la caractère raciste et provocateur de ce film. Attention, pour tous ceux qui voudraient le visionner, les images sont extrêmement violentes. Âmes sensibles s'abstenir.

Wilders associe Islam et Jihad. C'est évidemment un association aussi simpliste que mensongère. Fitna cite quelques extraits du Coran appelant à la violence (isolés de leur contexte et des nombeux passages qui s'opposent à la violence), et associe ces passages avec les images de Madrid, du 11 septembre, d'exécution sommaires... Wilders joue clairement sur l'émotion pour rallier à sa cause raciste.

En outre, le film de Wilders ne s'embarrasse pas de comprendre ou d'expliquer les contextes géopolitiques, socio-économiques, culturels, ou historiques... Pour lui, la violence est le simple résultat du Coran. Ahmenidjad et Ben Laden? Tous les deux sont motivés par la même haine de l'occident incitée par le même Coran, selon Wilders.

Enfin, Wilders prend clairement plaisir à se décrire en temps que "cible" du Jihad, à se dépeindre en temps que martyre (quelle ironie).

Le terrorisme islamique ne sera certainement pas combattu par une telle propagande. L'Islam n'est pas une idéologie qui peut être combattue comme le nazisme et le communisme, comme affirmé dans la conclusion du film Fitna. Ce film va au contraire enflammer la violence. Aucun doute que c'est ce que Wilders recherche: la provocation pour justifier son discours. Espérons que les appels au calme de la communauté musulmane néerlandaise seront entendus.

Cüneyt Ciftci: le Premier Kamikaze Allemand

L’Allemagne se sent de plus en plus menacée par l’extrémisme islamique. Une nouvelle vidéo obtenue par Spiegel Online confirme les soupçons des investigateurs allemands sur l’explosion contre un poste militaire américain le 3 mars dernier qui avait tué deux soldats US et deux civils en Afghanistan. L’attaque a, comme le craignaient les enquêteurs, bel et bien été orchestrée par Cüneyt Ciftci, un jeune Turc de 28 ans, né et élevé en Bavière, en Allemagne. Cüneyt Ciftci est ainsi devenu le premier kamikaze allemand.

La vidéo montre la préparation du martyre, la préparation du camion avec les explosifs, les dernières prières avant la mission, suivies par l’explosion extrêmement puissante du camion. Comme souvent dans le cas d’attentats-suicides, il ne restait rien pour ainsi dire de Cüneyt Ciftci, ce qui rendait l’identification du corps difficile. Jusqu’à l’obtention de la vidéo.

L’histoire de Cüneyt Ciftci ressemble très fort à celle d’autres terroristes formés en Europe. Une vie discrète et sans problèmes, une bonne éducation (ce qui le distingue même du reste de la population turque en Allemagne, généralement discriminée scolairement), un mariage avec deux enfants, et un job stable à la mairie locale. Bref, rien n’indiquait que Cüneyt dissimulait des accointances avec des terroristes.

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jeudi 27 mars 2008

Bombardements Aériens au Pakistan en Augmentation

Les Etats-Unis ont accru le nombre de bombardements aériens via drones au Pakistan. Ces bombardements devraient encore s'accentuer, selon des militaires américains, qui craignent la fin du support pakistanais à ce genre d'opérations. Dès lors, les Américains espèrent frapper al-Qaïda aussi fort que possible grâce à la technique appelée "secouer l'arbre". Le mois dernier, un bombardement aérien orchestré par la CIA avait permis d'éliminer l'un des chefs d'al-Qaïda. Cependant, cette technique prsente de nombreux désavantages, notamment en accroissant la colère de la population locale contre les Etats-Unis et le gouvernement pakistanais, ce qui conforte les terroristes et les insurgés dans leurs positions.

La Bataille de Bassorah

La bataille continue à Bassorah, mettant aux prises Chiites et Sunnites. Pour une bonne compréhension de ce qui se passe là-bas, je recommande la lecture du blog de Stéphane Taillat.

mercredi 26 mars 2008

Qui Devient un Terroriste et Pourquoi

La question de savoir qui devient un terroriste et pourquoi ? est sans aucun doute l’une des plus passionnantes dans la littérature spécialisée sur le terrorisme. L’une des raisons évidentes de cet intérêt réside tout simplement dans l’absence de réponse à cette question. L’un des ouvrages les plus remarquables à ce jour demeure le livre de Rex Hudson, « Who Becomes a Terrorist and Why ».

Ces derniers jours, deux articles intéressants parus dans la presse sont venus compléter l’abondante littérature. Au travers de deux cas particuliers, on peut distinguer quelques unes des grandes causes du terrorisme.

Un premier article paru dans le Washington Post raconte la vie de Khalid al-Hubayshi, un Saoudien aujourd’hui âgé de 32 ans, ancien membre d’al-Qaïda. Khalid avait décidé de rejoindre le jihad en 1995. Il était alors un jeune étudiant universitaire à la recherche d’un but dans la vie. La vision des images de Bosnie et le sentiment que personne ne prenait la défense des musulmans l’ont converti au jihad. Cependant, entre temps, la guerre en Bosnie avait pris fin. Il a alors décidé de partir s’entraîner aux Philippines, avant de rejoindre l’Afghanistan en 1997. Deux ans plus tard, il quitte l’Afghanistan. Son motif : il ne voulait pas donner sa vie dans une lutte purement afghane qui ne le concernait pas. Il retourne en Afghanistan en 2001, néanmoins, et rencontre Oussama ben Laden. Après l’offensive américaine, il se retrouve caché à Tora Bora avec ben Laden, attendant que les Américains débarquent à pied pour les combattre. Mais les bombardements aériens se rapprochant, ben Laden prend la fuite, abandonnant Khalid et ses hommes. Plus tard, Khalid sera arrêté et envoyé à Guantanamo. Il a été libéré en 2006, avec la haine non plus contre l’occident, mais contre le leader d’al-Qaïda qui l’a trahi.

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mardi 25 mars 2008

Briser les Mythes

Ces derniers jours, je suis tombé sur deux lectures assez intéressantes. Non pas que ce soit quelque chose d'inhabituel, mais je trouve important de mentionner ici ces deux articles parce qu'ils brisent deux mythes tenaces, et l'un des objectifs avoué de ce blog est de briser ces mythes.

Le premier article s'intitule "Exposure", paru dans le magazine The New Yorker. Il raconte le cheminement singulier qui a mené des hommes et des femmes ordinaires à commettre les pires atrocités dans la sombre enceinte d'Abu Ghraib. Les auteurs expliquent, par exemple, comment Sabrina, passionée de photos (en levant toujours les pouces en l'air sur chaque photo) et qui ne ferait littéralement "pas de mal à une mouche", s'est retrouvée à participer aux atrocités et à figurer sur des photos humiliantes avec des prisonniers irakiens les deux pouces en l'air...

Les auteurs de l'article ont également produit un documentaire intitulé "Standard Operating Procedure" sur le sujet, grand prix du jury à Berlin, bientôt en salles aux Etats-Unis. Voici la bande-annonce:



Le docteur Zimbardo de l'université de Stanford a déjà commenté à de nombreuses reprises sur les événements d'Abu Ghraib, en faisant référence à sa célèbre expérience qui démontre la facilité avec laquelle des êtres tout à fait normaux peuvent être amenés à commetre des actes qu'ils désapprouvent.

Le deuxième article intitulé "Shadowplays" paru dans The Nation, fait état de la "collaboration" palestinienne avec Israël. Brisant le mythe d'une résistance palestinienne unifiée, l'auteur (se basant sur un livre israélien qui vient d'être traduit en anglais) explique que de nombreux Palestiniens ont collaboré avec Israël (même avant l'indépendance israélienne), fournissant des renseignements permettant, entre autres, des frappes militaires. D'un autre côté, l'auteur souligne le caractère parfois (souvent?) involontaire de cette collaboration: soins hospitaliers contre renseignements. Ceux qui ne collaborent pas sont alors interdits dans les hôpitaux...

Femmes et Jihad (2)

Le rôle de la femme dans le terrorisme est très largement négligé. Et pourtant, les femmes tiennent une place cruciale dans le processus de socialisation des enfants, en temps que mères, mais aussi dans leur pouvoir d’influence sur les hommes, en temps qu’épouses. En outre, ces dernières années, on constate une augmentation de l’implication directe des femmes dans le jihadisme, en devenant martyres, que ce soit en Palestine, en Tchétchénie ou en Irak.

Les causes de cet accroissement sont complexes et en partie dépendantes du contexte local, comme indiqué dans mon analyse sur les femmes kamikazes en Irak. Cependant, l’une des causes de cet accroissement tient dans le développement d’une campagne de propagande d’al-Qaïda destinée spécifiquement aux femmes. Un nombre croissant de forums sur internet sont dédiés aux femmes et à leur rôle dans le jihad. De manière assez intéressante, une étude de fréquentation de ces forums indique que ce sont essentiellement des hommes qui participent. Dès lors, il s’agit essentiellement d’un recrutement de femmes par des hommes. Le processus de recrutement femmes-femmes ne semble pas encore institutionnalisé.

De manière systématique, la propagande à destination des femmes souligne le caractère ambivalent de la femme dans le jihad. La femme est vue à la fois comme un adjuvent et comme un obstacle au jihad.

Dans le livre intitulé Le Manuel de Recrutement d’al-Qaïda, Mathieu Guidère et Nicole Morgan traduisent l’un des textes les plus lus sur internet, qu’ils qualifient « d’épître », destiné aux femmes. Le texte d’une vingtaine de pages commence par un rappel à l’ordre : « Honorable sœur, tu as un rôle important et crucial à assumer. Il faut te lever pour accomplir ton devoir dans la guerre que nous menons aujourd’hui ». Plus loin, l’auteur souligne : « Tu dois être consciente que ta mission est plus importante que tout ce que tu peux imaginer. Tu portes aujourd’hui une grande part de responsabilité dans la défaite de l’Islam ».

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lundi 24 mars 2008

Femmes et Jihad (1)

Le nombre d'attentats commis par des femmes en Irak est en nette augmentation. Cette année, les femmes kamikazes ont déjà tué 140 Irakiens. L'utilisation de femmes par al-Qaïda en Irak (AQI) - qui est présumé responsable pour ces attaques - indique un changement à de multiples niveaux.

Premièrement, il s'agit d'un changement de mentalités. En effet, l'idéologie radicale prônée par al-Qaïda ne laisse généralement qu'un rôle secondaire aux femmes. Cependant, la tendance est en train de se modifier en Irak, mais aussi globalement. L'une des raisons de cette évolution tient dans ce que les terroristes eux-mêmes appellent la "jurisprudence" islamique. La tactique ayant été utilisée dans le passé et approuvée par les instances supérieures, elle peut être reproduite à volonté.

Deuxièmement, il s'agit d'un changement tactique. La perte de "sanctuaires" et les progrès américains ont repoussé AQI du pôle guérilla vers le pôle terrorisme. Avec la perte de leur soutien populaire, les membres d'AQI ont été obligés d'adapter leurs tactiques afin de poursuivre leur double objectif (combattre les Américains, et prendre le contrôle de l'Irak). Les attaques terroristes contre les militaires américains permettent de faire un maximum de dégâts avec un minimum de moyens (un kamikaze et une bombe); alors que les attaques contre les civils irakiens permettent de créer le chaos, dans l'espoir de délégitimiser les autorités locales. En outre, les dernières attaques spectaculaires visent à rétablir "l'image de marque" d'AQI, quelque peu ternie par plusieurs échecs successifs. Dès lors, l'utilisation de femmes-kamikazes s'inscrit dans ce changement tactique: les femmes sont moins suspectées par les forces de sécurité et peuvent cacher plus facilement une bombe sous leurs vêtements, et donc maximiser les "dégâts". En plus, l'utilisation nouvelle des femmes renforce la terreur au sein de la population qui doit désormais se méfier de tout le monde.

Troisièmement, il est possible que l'utilisation des femmes soit révélateur du déclin d'AQI. Cela n'est pas certain, mais plusieurs signes indiquent qu'AQI a de plus en plus de difficultés à recruter de nouveaux membres et, donc, les femmes seraient utilisées comme "substitut".

Quatrièmement, il est probable que le nombre de femmes candidates au suicide soit relativement élevé, mais qu'elles aient été négligées par AQI jusqu'à présent. En Irak, la relation mère-fils étant extrêmement puissante, la vengeance de la mort d'un fils joue un rôle important dans la décision de prendre part à un attentat-suicide. Cette même notion de vengeance a déjà été observée, par exemple, en Tchétchénie ou en Palestine . Notons que la vengeance est un facteur très important dans la décision d'un individu de rejoindre un groupe terroriste, quel que soit le sexe.

Enfin, le potentiel de femmes kamikazes irakiennes permet à AQI "d'irakiser" davantage le groupe. En effet, les kamikazes d'AQI sont en grande majorité des hommes étrangers. Et, pour repasser vers le pôle guérilla, AQI a besoin de reconquérir la population irakienne.

samedi 22 mars 2008

Une Interview Souligne les Relations Tendues entre Insurgés Sunnites en Irak

La Fondation NEFA a publié une interview avec un commandant militaire du groupe insurgé Hamas al-Iraq. Hamas al-Iraq est une faction dissidente du groupe 1920 Revolution Brigades. Cette interview offre un regard intéressant sur les relations tendues et complexes qui existent entre les différents mouvements sunnites en Irak, et plus particulièrement avec al-Qaïda dans la province de Diyala. Bien entendu, ce genre de documents doit toujours être examiné avec prudence. Néanmoins, les griefs tenus à l’égard d’al-Qaïda sont importants à souligner. En effet, cela démontre qu’al-Qaïda est de plus en plus isolé en Irak. Certains Sunnites se sont alliés aux Américains précisément pour mettre fin à la violence indiscriminée d’al-Qaïda. D’autres Sunnites, comme Hamas al-Iraq, continuent à combattre les Américains, et sont simultanément lancés dans une lutte intra-sectarienne avec al-Qaïda, tout en prenant part à la guerre civile entre Sunnites et Chiites. Extraits :

« On pourrait argumenter que la guerre d’al-Qaïda contre la résistance [irakienne] et les unités moudjahiddines agit au bénéfice des occupants [américains] étant donné que cela a affecté nos jeunes recrues et notre arsenal. Les forces occupantes étaient incapables de pénétrer dans nombreux villages et districts de Diyala jusqu’à ce qu’al-Qaïda leur ouvre la voie en tuant les Sunnites, détruisant leurs maisons, mosquées et hôpitaux. Ils ont fait ce que les milices sectaires pro-iraniennes n’avaient pas réussi, et ils ont fini le boulot pour elles… Frère Ahmad Abdelaziz al-Sadoun disait la vérité en déclarant : ‘le réseau al-Qaïda est parvenu a faire en sorte que les gens d’ici pensent que les forces d’occupation sont miséricordieuses en humaines par comparaison’. »

« (…) Je vais vous un exemple de la traîtrise d’al-Qaïda. Le réseau al-Qaïda avait capturé 8 de nos moudjahiddines, alors nous avons capturé le même nombre des leurs. Ensuite, al-Qaïda a distribué des pamphlets disant que les 1920 Revolution Brigades sont des apostats et que leur sang et leur argent constituent un butin autorisé. A la suite de cela, nos moudjahiddines ont arrêté leur commandant militaire à Diyala ‘Raed Abu Dawoud’ de Khankin, né en 1978. Il portait un badge de police du nom de ‘Kazim Jawad Kazim’, et portait une veste explosive—qu’il n’a pas été capable d’activer. »

jeudi 20 mars 2008

Brèves

Al-Qaïda: Dans une nouvelle cassette, Ben Laden menace l'Europe dans le dossier des caricatures de Mahomet. Lire ici.

Canada: Le nouveau QG anti-terrorisme bon à jeter à la poubelle? Lire ici.

Chine: Pékin livre les détails de l'attentat déjoué à bord d'un avion. Lire ici.

Attentat Suicide à Baqouba

Encore un attentat suicide perpétré par une femme à Baqouba, dans la province de Diyala a fait quatre morts et 12 blessés. Deux choses à retenir: l'intensification du pôle terroriste semble se confirmer en ce moment en Irak; et l'utilisation accrue de femmes pourrait être un signe d'affaiblissement, bien qu'il puisse aussi s'agir d'une simple adaptation et d'une exploitation d'opportunité (les longues robes permettent de cacher une bombe plus facilement) comme l'a déjà expliqué Stéphane Taillat.

Terrorisme et Sécurité Energétique

En ouvrant le Washington Post mercredi, certains lecteurs ont pu être surpris par l'énorme publicité d'une page entière demandant de mettre fin à la dépendance américaine vis-à-vis du pétrole. Ce n'est pas le message qui est surprenant, cependant, mais plutôt son porte-parole: l'ancien directeur de la CIA, James Woolsey, dont la photo figurait en grand sur la page.

Un lecteur peu familier avec les questions d'indépendance énergétique peut se demander "Bon sang, qu'est ce qu'un ancien directeur de la CIA a à voir avec un problème environnemental?". La raison est simple: Woolsey considère que la sécurité nationale des Etats-Unis est mise en danger par la dépendance énergétique américaine à l'égard des pays du Moyen-Orient.

Je ne vais pas détailler ici toute l'argumentation de Woolsey qui est accessible via un autre article que j'ai écrit, disponible ici. Je veux simplement souligner les connexions qu'il fait entre pétrole et terrorisme. Très intéressantes, certaines connexions n'en sont pas moins controversées.

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Irak-Afghanistan : La Guerre par les Airs

NOTE: L'article suivant avait été écrit à la demande du journal Le Soir il y a plus d'un mois. Comme il n'a finalement jamais été publié, je le met à votre disposition.

Dans le cadre des opérations militaires au Moyen-Orient, les Etats-Unis ont de plus en plus recours à la force aérienne. En 2007, il y a eu cinq fois plus de bombardements aériens en Irak que l’année précédente. Le nombre de bombes est passé de quatre par semaine à quatre par jour. En Afghanistan, les frappes aériennes étaient 20 fois plus nombreuses en 2007 que deux ans auparavant. Cette tendance pourrait se confirmer cette année.

Dernière illustration : l’opération « Phantom Phoenix ». Le 10 janvier, afin d’appuyer l’offensive américaine contre la branche irakienne d’al-Qaïda, deux bombardiers B-1 et quatre chasseurs F-16 larguaient 20 tonnes de bombes en 10 minutes dans la périphérie de Bagdad.

Une stratégie offensive
L’accroissement des bombardements aériens en Irak correspond au changement de stratégie initié par le général David Petraeus qui commande la force multinationale. La nouvelle stratégie, plus agressive, recommande de poursuivre les insurgés jusque dans les endroits les plus reculés. Tout en protégeant la population locale.

En Afghanistan, par contre, l’augmentation des bombardements a été plutôt réactive. Elle a fait suite à l’offensive talibane de 2006. En Irak comme en Afghanistan, le recours accru à l’aviation correspond à un nombre plus élevé de combats au sol. Mais pas seulement.

« Nous disposons d’un meilleur système de renseignements », explique le lieutenant-colonel James Gavrilis, expert en contre-insurrection. « Grâce à un nombre croissant d’alliés au sein de la population, nous recevons davantage d’informations sur l’ennemi et les endroits où il se cache. Nous pouvons alors lancer plus de bombes, avec plus de précision ».

Colin Kahl, professeur spécialisé sur l’Irak à l’université de Georgetown, souligne également que « certaines frappes aériennes sont destinées à protéger les troupes au sol. Pas à décimer des villages. » Une bombe qui explose à plusieurs mètres au dessus d’une route permet de faire sauter toutes les mines et autres explosifs qui jalonnent les dangereuses routes irakiennes.

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mercredi 19 mars 2008

Cinq Ans Après: Bush Parle de la Guerre Global contre le Terrorisme

Le discours de George W. Bush au Pentagone sur l'évolution de la guerre contre le terrorisme cinq ans après le début de la guerre en Irak peut être lu en intégralité et la vidéo peut être visionnée ici.

COIN: Soccer vs Football?

Je viens de tomber par hasard sur ce très court article datant de 2003, paru dans le Armed Forces Journal. Bien que je ne sois pas entièrement d'accord avec l'argument des auteurs, je trouve le concept très original et amusant.

Les deux auteurs expliquent que la culture américaine COIN est fortement imprégnée par la passion pour le football américain. Les joueurs sont concentrés en un groupe compact, et les avancées reposent sur la force, les ordres de l'entraîneur et la technologie (protections des joueurs, modes de communication élaborés).

A l'inverse, la stratégie des terroristes est plus proche du football (soccer). Les joueurs utilisent l'espace au maximum, une grande place est laissée à l'improvisation, les leurres sont fréquents, l'attaque de front marche rarement, et donc l'attaque surprise, rapide et indirecte est préférée.

Un article divertissant ;))

mardi 18 mars 2008

Cinq Ans Après: Al-Qaïda en Irak

Al-Qaïda en Irak (AQI) a connu des jours meilleurs. Cinq ans après le début de l’offensive américaine, voici un rapide retour sur l’évolution du groupe sunnite. Une histoire qui a mené al-Zarqaoui et ses fidèles de l’anonymat au devant de la scène irakienne et internationale. Jusqu’à la chute inévitable ?

Avant l’invasion américaine lancée le 19 mars 2003, plusieurs membres d’al-Qaïda étaient déjà présents en Irak où ils avaient trouvé refuge suite à l’offensive américaine en Afghanistan. Le Jordanien Abou Moussab al-Zaraqaoui figurait parmi eux. Au début des hostilités, al-Zarqaoui s’est associé avec d’autres jihadistes, essentiellement d’anciens « Arabes Afghans », pour mener la lutte contre les forces américaines. Le groupe portait alors le nom Tawhid wal Djihad. Lorsque les anciens membres du régime de Saddam Hussein ont commencé à déserter sous la pression militaire américaine, certains Baathistes ont rejoint les rangs d’al-Zarqaoui. Ce n’est que plusieurs mois après l’offensive américaine que le groupe a commencé à s’irakiser peu à peu.

Le 17 Octobre 2004, al-Zarqaoui annonçait son allégeance à Oussama Ben Laden qui a ensuite reconnu le groupe irakien rebaptisé al-Qaïda en Mésopotamie ou al-Qaïda au Pays des Deux Fleuves. Bien que formellement associés, les deux groupes conservaient plusieurs divergences idéologiques, notamment sur la priorité des cibles. Al-Zarqaoui concentrait ses forces sur l’ennemi local (apostats et Chiites), alors que Ben Laden donnait la priorité à la lutte contre l’ennemi lointain (Etats-Unis, Europe). Ce qui n’empêchait pas AQI d’attaquer les forces américaines.

AQI était lancé dans une guerre d’attrition, une 'longue guerre', destinée à affaiblir l’ennemi. D’une part, des attaques systématiques contre les forces américaines visaient la démoralisation des troupes. D’autre part, les violences contre Chiites et Sunnites étaient destinées à diminuer la légitimité de l’administration en place.

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lundi 17 mars 2008

La "Génération Irakienne", Mujahidins de Demain

Les mujahidins afghans des années 1980 ont eu une influence énorme sur l’évolution du terrorisme international depuis les années 1990. Une fois la guerre contre les Soviétiques terminée, les combattants étaient « sans emploi » en quelque sorte, et donc cherchaient un nouveau théâtre d’opération. Ce qui a eu pour résultat de faciliter le terrorisme et les insurrections dans d’autres régions du monde comme en Bosnie, en Algérie ou dans les Philippines. Dès lors, il est logique de s’interroger sur les conséquences possibles de la « génération irakienne », issue du conflit actuel en Irak. J’avais déjà abordé cette question dans un article précédent, mais je voudrais résumer ici un article de Mohammed Hafez paru dans le dernier numéro du journal Sentinel, publié par le Combating Terrorism Center (West Point, U.S. Military Academy).

Les experts estiment généralement à 10.000 le nombre de mujahidin arabes (par opposition aux Afghans) qui se sont battus en Afghanistan. Ces Afghans-Arabes ont eu un rôle mineur dans le conflit. Cependant, ils se sont entraînés dans les camps militaires, ont acquis une expérience de combat, ont créé de vastes réseaux jihadistes et ont développé une idéologie propre. Une fois la guerre finie, les combattants arabes sont rentrés chez eux et ont rejoint quatre formes de militantisme différentes, selon Mohammed Hafez :

  1. Facilitateurs. La facilitation du jihad pouvait s’exprimer via le financement de groupes jihadistes, l’entraînement ou la protection de combattants. Mais aussi via la propagande et l’impression de faux papiers.
  2. Révolutions Islamiques Nationales. Certains anciens mujahidins ont rejoint les rangs de groupes qui tentaient de renverser le régime en place pour instaurer un régime islamique. C’était le cas notamment en Algérie où les « Afghans » ont rejoint les rangs du GIA, qui est rapidement devenu le principal mouvement de guérilla algérien en 1993, grâce à l’expérience des anciens mujahidins.
  3. Jihad Global. Certains anciens mujahidins ont rejoint le jihad global, en allant combattre auprès de « frères islamiques » en Tchétchénie ou en Bosnie.
  4. Terroristes Non-Affiliés. Enfin, plus rarement, d’anciens afghans ont mené des opérations isolées dans leur pays d’origine ou ailleurs au nom du jihad.

Mohammed Hafez compare ensuite la situation des Afghans-Arabes avec celle des jihadistes étrangers présents en Irak aujourd’hui. D’un côté, le potentiel de la « génération irakienne » est plus élevé notamment parce qu’elle a davantage d’expérience du combat, et parce que les possibilités de communication sont plus importantes aujourd’hui grâce à la technologie que dans les années 1990. D’un autre côté, les « jihadistes étrangers » en Irak ont beaucoup plus de difficultés à s’extrader parce que peu d’états sont disposés à les accueillir et le niveau de surveillance est beaucoup plus élevé qu’auparavant.

Il est probable que la « génération irakienne » se déplace vers trois types d’environnement : là où il y a déjà des conflits liés au jihad ; là où leur sécurité peut être garantie (soit par un état fort, soit par un état faible) ; et là où ils bénéficient d’importantes connexions.

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Affaire Belliraj: Un Attentat Déjoué en Grande-Bretagne

La Libre Belgique a annoncé dans son édition de samedi que Belliraj, dont j'ai parlé dans un article précédent, aurait aidé à éviter une attaque terroriste en Grande-Bretagne. Des stocks d'armes avaient été retrouvés en 2005. Apparemment, Belliraj aurait fourni des informations à la Sûreté de l'Etat belge qui aurait ensuite averti ses homologues britanniques. Ce qui confirmerait que Belliraj était bien un informateur pour la Belgique. Encore beaucoup de doutes et d'incertitudes dans une affaire décidément fort compliquée.

mercredi 12 mars 2008

Petite Pause Jusque Lundi Prochain

Je serai absent durant quelques jours, probablement sans accès à internet. Le Front Asymétrique reprendra ses activités normales lundi 17 mars. J'avais espéré avoir le temps d'écrire un dernier article mais il se fait tard.
Pendant cette absence, je vous encourage à rester au contact de l'actualité via les blogs de Joseph, Stéphane, Tanguy et François, ainsi que via les nombreux autres sites référencés dans la colonne de droite. Je vais réactiver la fonction "modération des commentaires" pour éviter tout dérapage. Donc n'hésitez pas à publier un commentaire, il sera visible dès lundi matin.

mardi 11 mars 2008

Eco-Terrorisme, Menace n°1 aux Etats-Unis

Un article dans le Times explique que les organisations environnementales extrémistes sont à nouveau la principale menace domestique contre la sécurité américaine, selon le FBI. J'avais déjà évoqué ce sujet dans un article précédent.

La Chine Lance sa Guerre contre le Terrorisme

Les Jeux Olympliques de Pékin verront-ils planer l'ombre menaçante du terrorisme? A en croire les autorités chinoises, oui. Vendredi, un avion de la China Southern aurait été la cible de terroristes ouïgours. "L’équipage a déjoué un projet d’attentat terroriste", a annoncé le gouverneur de la province du Xinjiang, région du Nord-Ouest de la Chine où se trouvent les séparatistes ouïgours. Fin janvier, la police avait annoncé le démantèlement d'un "gang terroriste" dans le même Xinjiang. Un an auparavant, la police avait détruit ce qui aurait été un camp d'entraînement pour terroristes.

Selon l'agence de presse Xinhua, la lutte contre le terrorisme serait devenu l'une des priorités du gouvernement chinois. Wang Lequan, chef du Comité du Parti communiste chinois pour la région du Xinjiang, s'est dit résolu à combattre les "trois forces du mal" à savoir les séparatistes, les terroristes et les extrémistes dans la région autonome Ouïgoure du Xinjiang.

Cette annonce est quelque peu surprenante. En effet, le terrorisme est un phénomène très marginal en Chine. Le Département d'Etat américain ne mentionne pas la Chine dans son dernier rapport sur le terrorisme (2006), et selon la base de données MIPT, la dernière attaque terroriste en Chine remonterait à 2005. Cette même base de données ne comptabilise que 22 attaques terroristes depuis 1976. Ce qui peut signifier trois choses: soit il n'y a pas de terrorisme en Chine; soit le gouvernement chinois garde tout cela très secret; soit les autorités chinoises sont très efficaces dans la lutte contre-terroriste. Personnellement, je crois qu'il y a un peu des trois.

L'annonce très remarquée de ces attaques terroristes, cependant, pose deux autres questions: pourquoi cette annonce, et pourquoi maintenant?

lundi 10 mars 2008

Légaliser le MEK ou non?

L'excellent blog "Middle East Strategy at Harvard" a publié un article qui proposait d'enlever le groupe terroriste iranien Mujahedin-e Khalq (MEK) de la liste américaine des groupes terroristes. Motif: le MEK a fourni de nombreuses informations précieuses aux Américains sur le programme nucléaire iranien et devraient, dès lors, être récompensés. Matthew Levitt, au contraire, estime que les Etats-Unis ne peuvent pas jouer sur deux tableaux en matière de contre-terrorisme, interdisant certains groupes et autorisant d'autres.

Les deux points de vue sont "logiques" et très intéressants. Ce débat rappelle la subjectivité et la charge politique qui domine dans les débats sur le terrorisme. Les Américains et les Européens ont à ce point de vue eu de nombreuses querelles, notamment concernant le Hamas ou le Hezbollah.

Pour ceux désireux d'en savoir un peu plus sur le MEK, voici un question-réponse que j'avais rédigé l'année dernière pour un cours.

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La Prochaine Génération de Terroristes

La quantité de lectures disponible sur le terrorisme est impressionnante mais, malheureusement, souvent de qualité très inégale. Le dernier livre de Marc Sageman, un ancien officier de la CIA, intitulé « Leaderless Jihad » fait sans aucun doute partie des ouvrages de qualité supérieure. Une version courte de la théorie de Sageman est accessible dans un article paru dans Foreign Policy Magazine.

Son hypothèse est simple : nous faisons face aujourd’hui à la troisième vague générationnelle d’al-Qaïda, très différente des deux précédentes. La première vague est apparue dans les années 1980 lorsque des Islamistes se rendaient en Afghanistan et au Pakistan pour lutter contre les Soviétiques. Ces jihadistes étaient généralement dans la trentaine, et issus de la classe moyenne. La deuxième vague était formée d’étudiants originaires du Moyen-Orient qui avaient émigrés en Europe et aux Etats-Unis pour étudier. Mais, suite à des difficultés d’intégration, certains ont décidé de rejoindre les camps d’entraînement d’al-Qaïda en Afghanistan dans les années 1990.

Les deux premières vagues, selon Marc Sageman, donnaient à al-Qaïda un caractère hiérarchique, centralisé et religieux. La troisième vague, au contraire, est décentralisée, dispersée et non religieuse. La nouvelle génération de terroristes serait beaucoup plus jeune. Elle serait aussi coupée des leaders d’al-Qaïda, forcés à l’isolement par la « guerre globale » contre le terrorisme. Ce que Sageman appelle les « wannabe terrorists » – ce qui pourrait être vaguement traduit par les « aspirants terroristes » – ne sont pas recrutés, mais se recrutent eux-mêmes – c’est-à-dire qu’ils prennent la décision de se lancer dans le terrorisme sans influence externe, suite à une réflexion autonome. Les ‘aspirants terroristes’ sont décentralisés, dispersés, auto-financés, auto-entraînés, n’obéissant qu’à eux-mêmes tout en étant globalement connectés. La troisième vague de terroristes est essentiellement motivée par les événements en Irak et les images qui en émanent (Abu Ghraib, Guantanamo,…).

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La Politique Contre-Terroriste Ambigüe de Musharraf

Le terrorisme au Pakistan est une matière complexe et délicate. Islamabad a parfois ouvertement supporté des groupes terroristes/insurgés pour servir ses intérêts. C’était le cas dans les années 80 quand le Pakistan soutenait les moudjahiddines, ou dans les années 90 en soutenant les Taliban. Cependant, depuis le 11 septembre, Musharraf se trouve dans une situation embarrassante : allié des Etats-Unis, il veut faire bonne figure dans la « guerre contre le terrorisme », ce qui l’oblige à se retourner contre ses anciens alliés. Cette politique a créé quelques tensions au sein de l’armée, mais aussi beaucoup d’amertume parmi les groupes terroristes qui se sont retournés à leur tour contre le régime pakistanais. En bref, le 11 septembre et la guerre américaine contre le terrorisme s’est traduite au Pakistan par une intensification du « front asymétrique », c’est-à-dire un accroissement de la lutte entre le gouvernement et les groupes terroristes/insurgés, mais aussi par le développement d’une stratégie ambigüe qui ne peut se comprendre que lorsque vue dans sa totalité.

Les groupes terroristes au Pakistan

De manière générale, les groupes terroristes pakistanais peuvent être regroupés dans cinq grandes catégories :

  1. Groupes sectaires : Organisations ethniques qui se battent contre des ethnies opposées à l’intérieur du Pakistan. Par exemple, le groupe sunnite Sipah-e-Sahaba ou le groupe chiite Tehrik-e-Jafria.
  2. Groupes Kashmiri : Organisations présentes dans la région du Kashmir, disputée entre l’Inde et le Pakistan. Ces groupes ont été historiquement soutenus par le gouvernement et les services de renseignement pakistanais. En fait, une seule insurrection kashmiri est réellement originaire du Kashmir : Hizbul Mujahideen. Les autres mouvements sont composés de Pakistanais. Par exemple, Harakat ul-Mujahedeen, Jaish-e-Muhammad, ou Lashkar-e-Taiba.
  3. Taliban Afghans : Une partie des Taliban afghans se cache au Pakistan pour échapper à la contre-insurrection menée par les forces de l’Otan.
  4. Taliban Pakistanais : L’organisation talibane pakistanaise se distingue de son homologue afghane. Malgré des connivences idéologiques et un soutien mutuel, les deux groupes obéissent à différents leaderships et suivent des agendas divergents. Depuis décembre 2007, plusieurs petits groupes taliban se sont regroupés sous l’appellation Tehrik-i-Taliban Pakistan (TTP). Baitullah Mehsud est le chef du groupe. Hassan Abbas rappelle que les Taliban pakistanais ne s’identifiaient pas comme Taliban avant l’invasion américaine de 2001. Aujourd’hui, non seulement ils combattent le gouvernement pakistanais (36 attaques suicides contre l’armée pakistanaise en 2007), mais ils font également face à l’offensive de l’Otan.
  5. Al-Qaïda et Affiliés : Oussama Ben Laden et de nombreux membres d’al-Qaïda sont soupçonnés de se cacher au Pakistan. Cette hypothèse a été en partie confirmée par la mort d’al-Libi, leader de l’aile libyenne d’al-Qaïda.

Les dilemmes de Musharraf

Dans un article publié par Carnegie Endowment, Ashley Tellis explique la stratégie complexe du régime Musharraf en matière de contre-terrorisme. Tout d’abord, en rejoignant la coalition américaine contre le terrorisme, Musharraf s’est donné la légitimité nécessaire à l’éradication de groupes terroristes présents au Pakistan. Cependant, il a agi de manière sélective, en réprimant les groupes qui posaient un danger potentiel contre Islamabad, tout en épargnant voire en soutenant d’autres groupes utiles à la politique étrangère du Pakistan. Les efforts en matière de contre-terrorisme se sont donc concentrés dans un premier temps sur les groupes sunnites Lashkar-e-Jhangvi, Sipah-e-Sahaba Pakistan, Harkat-ul-Mujahideen al-Alami, Jundullah, et Harkat-ul-Jihad-e-Islami, ainsi que sur le groupe chiite Sipah-e-Muhammad.

La relation entre Musharraf et les groupes terroristes du Kashmir est ambigüe. Le Pakistan avait de longue date financé et armé ces nombreux groupes qui attaquent l’Inde depuis le Kashmir pakistanais. En joignant la coalition contre le terrorisme, Musharraf n’a pas interrompu son soutien, mais plutôt remplacé son soutien matériel par un soutien moral. Néanmoins, depuis l’amélioration des relations entre l’Inde et le Pakistan, Musharraf a dû aller encore un cran plus loin dans son contrôle sur les terroristes kashmiri. Désormais, il tente dans la mesure du possible de moduler l’action des groupes terroristes en fonction de l’état des relations entre l’Inde et le Pakistan, de manière à rejeter la faute sur le manque de volonté indien lors d’attentats terroristes.

La relation entre le Pakistan et les Taliban afghans est fort similaire à celle avec les Kashmiri. Dans les années 1990, le Pakistan avait participé à la montée des Taliban dans un souci d’établir un régime amical le long de sa frontière Ouest, et surtout d’éviter une interférence de l’Inde. Dès lors, le régime Musharraf s’est montré assez peu enclin à poursuivre les Afghans qui se sont réfugiés dans les zones tribales pakistanaises. Il semble que l’armée laisse une relative liberté aux Taliban afghans, ce que semble confirmer les statistiques : le Pakistan a capturé et tué nettement plus de membres d’al-Qaïda que de Taliban. En outre, le Pakistan est inquiet au regard du rôle grandissant de l’Inde dans la reconstruction de l’Afghanistan, simultanément à une détérioration des relations entre Kaboul et Islamabad. Le Pakistan reste toujours préoccupé par l’instauration d’un régime hostile à sa frontière occidentale.

A l’inverse, la relation avec les Taliban pakistanais est beaucoup plus tendue puisque ces derniers ont lancé de nombreuses attaques contre le gouvernement, et Musharraf a accusé Mehsud pour l’assassinat de Benazir Bhutto. Le Pakistan a aussi développé des efforts considérables contre al-Qaïda, malgré les liens – directs ou indirects – qui unissaient jadis le groupe de Ben Laden au Pakistan, et malgré l’impopularité de cette action auprès d’une partie de la population pakistanaise acquise à la cause d’al-Qaïda. Le Pakistan a actuellement plus de 85.000 militaires déployés le long de la frontière avec l’Afghanistan, dont 600 ont déjà perdu la vie.

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vendredi 7 mars 2008

Le 'Marchand de Mort' Arrêté

Viktor Bout, le plus célèbre marchand d’armes de la planète, a été arrêté ce jeudi en Thaïlande. Des agents de la DEA (agence anti-drogue américaine) se sont fait passer pour des membres de la guérilla marxiste colombienne FARC et ont arrêté le « businessman » russe, prétextant un achat d’armes pour plusieurs millions. Viktor Bout était l’un des hommes les plus recherchés au monde, figurant sur la liste noire d’Interpol. Malgré cela, il vivait en toute impunité, en Russie, sous haute protection.

Le personnage de Bout est assez fascinant en soi. Mais ce sont surtout ses activités qui sont intéressantes, offrant un exceptionnel reflet de l’évolution de la guerre dans l’ ‘après-Guerre Froide’. Lorsque les Etats-Unis et la Russie ont arrêtés de fournir les multiples rébellions à travers le monde, coupant ainsi l’offre d’armes de manière abrupte, la demande n’en a pas pour autant diminué. Viktor Bout a alors saisi l’opportunité. Il était l’un des pionniers de ce que l’on appelle aujourd’hui la « privatisation de la guerre ».

Démarrant par le commerce de fleurs (achetées 1 dollar, revendues 100 dollars), Viktor Bout a développé son entreprise rapidement et, suite à divers contacts, il a réorienté ses affaires vers un commerce moins romantique : les armes. Au fil des années, il est devenu l’un des principaux fournisseurs en armement de différents groupes armés (y compris l’alliance du Nord en Afghanistan et les FARC en Colombie) et de gouvernements (il était très proche de nombreux dictateurs africains).

Surveillé depuis très longtemps (notamment par des enquêteurs belges), il n’avait cependant jamais été arrêté. Deux raisons peuvent expliquer cela. D’une part, il semble que ses activités s’inscrivaient dans le néant du droit international. Autrement dit, aucune loi n’interdisait à Bout de poursuivre son petit business. D’autre part, plusieurs gouvernements semblaient profiter des services de Viktor Bout.

"9/11 changed Bout from an international pariah into a potential asset for U.S. intelligence services, and he quickly sensed the shift in his fortunes. Through an associate, he secretly contacted the CIA numerous times about providing weapons, helicopters, trucks and communications to the anti-Taliban Northern Alliance, according to U.S. documents and officials."

(...)"Two things make Bout unique: his airlift capacity and his easy access to stores of weapons that include the ubiquitous AK-47, attack helicopters and surface-to-air missiles. By the mid-1990s, this former Soviet air force officer had amassed more than 60 aircraft -- a fleet larger than the air forces of many NATO nations. Most of the airplanes were plucked from the former Soviet air fleet; scores of aircraft, from biplanes to super cargo carriers, had been left to rust on airstrips for lack of fuel and maintenance."

(...)"According to a 2006 Amnesty International report, Aerocom, a Moldovan-registered company linked to Bout, obtained a U.S. military contract in 2004 to fly 200,000 AK-47 assault rifles and millions of rounds of ammunition from Bosnia to Iraq. The day before the first Aerocom flight that August, the Moldovan government canceled its air-operations certificate, making any flights illegal. Bout was already on a U.N. and Treasury Department blacklist and was wanted by Interpol; Aerocom had been publicly cited in U.N. reports for illicit weapons trafficking. The flights took off nonetheless, but there are no records showing that they ever actually landed in Iraq. In other words: An international outlaw using unlicensed aircraft took control of U.S. government-purchased weapons -- which then disappeared."


Le second article est de Peter Landesman, paru dans le New York Times Magazine. Extraits :


"Often, traffickers simply assume that authorities won't bother to check their cargo. In late September 2001, two weeks after the terrorist attacks in New York and Washington, a Hungarian trading company in Budapest filed a request to ship Ukrainian cargo to an American firm based in Macon, Ga. No one had ever heard of the Ukrainian company with the vanilla name -- ERI Trading and Investment Company -- and for good reason. A Hungarian bureaucrat making a random inspection of the cargo discovered that the shipment included 300 Ukrainian surface-to-air (SAM) missiles and 100 launchers. SAM's are light, mobile and easily hidden, and American agents later feared that they were going to be distributed to terrorists near America's major airports. (The cargo wasn't permitted to take off; the American buyer was arrested in June.)"

(...)"Bout flew U.N. peacekeepers to East Timor and Somalia, and possibly to Sierra Leone. (''The U.N. always goes for the cheapest contracts,'' Peleman said.) In 1994, during the Rwandan genocide, Bout said, the French government asked him to help implement Operation Turquoise to halt the fighting and facilitate aid shipments to refugees. Bout told me that he flew in 2,500 elite French troops. He also told me that he extracted Mobutu from Congo."

(...)"There is simply not a lot of law -- American, international or otherwise -- on arms trafficking. Since the mid-1990's, not one U.N. arms embargo has resulted in the conviction of an arms trafficker. The U.N. has no power to arrest. Interpol depends on the cooperation of local authorities. Astonishingly, despite having the toughest arms-trafficking laws in the world, the U.S. has not prosecuted a single case of arms trafficking."

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jeudi 6 mars 2008

Terrorism Focus: Affaire Belliraj

Je viens de publier un article sur l'affaire Belliraj dans le dernier numéro de Terrorism Focus paru ce mardi. Le lien permanent vers l'article est ici.

Morocco Charges Cooperation Between Terrorists and Organized Crime
By Thomas Renard

Moroccan intelligence is claiming its greatest success against terrorism since the 2003 suicide attacks in Casablanca that killed 45 people. Two weeks ago, the government announced the arrest of 35 alleged members of a cell led by Abdelkader Belliraj, who holds both Belgian and Moroccan citizenship. The revelation came as a surprise to Belgian intelligence, which monitored Belliraj and other suspects for years without finding evidence of their involvement in terrorist activities. If Moroccan accusations are confirmed, the case could rock the counter-terrorism community for two reasons. First, the Belliraj network could become one of the most glaring illustrations of a growing nexus between terrorism and organized crime. Second, it would confirm the existence of a long-debated connection between Shiite and Sunni radical groups. The question is whether the Moroccan allegations have any real substance.

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mardi 4 mars 2008

Bombardements Aériens en Somalie: Leçons pour les Guerres Asymétriques

Les Etats-Unis ont eu recours à une nouvelle frappe aérienne en Somalie. La cible était un leader d'al-Qaïda, selon le Pentagone. Selon des sources locales, la cible serait Saleh Ali Saleh Nabhan, un Kenyan qui est suspecté d'avoir participé aux attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998. Cependant, alors que le sort du prétendu terroriste était inconnu, plusieurs civils ont trouvé la mort dans le bombardement, et des centaines ont fui la région par peur. Il s'agit de la quatrième frappe aérienne américaine en Somalie depuis la prise de contrôle par les forces éthiopiennes en Décembre 2006. Et le Pentagone a indiqué qu'il continuera à poursuivre cette stratégie.

Les Américains n'apprendront-ils donc jamais la leçon? L'expérience irakienne a enseigné l'importance du travail sur le terrain, du contact avec la population, de sa protection et du développement d'un récit narratif pour contrer celui des insurgés/terroristes. Il a fallu trois ans pour tirer les bonnes leçons en Irak, et on aurait logiquement pu espérer que ces leçons soient appliquées à l'ensemble des conflits asymétriques, moyennant quelques adaptations. Visiblement, il n'en est rien.

La culture militaire est résistante. Au Pakistan, avec le bombardement qui a coûté la vie du leader d'al-Qaïda al-Libi, et en Somalie, les Américains continuent de mettre en oeuvre des techniques qui se sont démontrées non seulement inefficaces, mais surtout contre-productives. Les dernières nouvelles de Somalie indiquent que la rancoeur à l'égard des Etats-Unis est croissante. Il est temps que l'armée américaine développe une stratégie contre-insurrectionnelle et contre-terroriste qui dépasse le simple contexte irakien. Les Etats-Unis ne peuvent tout simplement plus se permettre de répéter indéfiniment les mêmes erreurs.