«Rien n'est plus facile que de dénoncer un malfaiteur; rien n'est plus difficile que de le comprendre» ---Fédor Dostoïevski

lundi 31 mars 2008

La Coopération Tuniso-Algérienne Bloque l'Approvisionnement en Explosifs d'Al-Qaïda

Lire l'article paru dans El Khabar ici.

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Renseignements Canadiens: Radicalisation et Jihad en Occident

Le premier procès de l’un des 15 individus suspectés d’appartenir à une cellule jihadiste au Canada a débuté mardi dernier. La cellule avait été démantelée en juin 2006 à Toronto. Selon les autorités canadiennes, la cellule avait planifié plusieurs attaques, dont l’assaut du parlement qui se serait achevé par la décapitation du premier ministre, Stephen Harper.

A l’occasion du début de ce procès, la Fondation NEFA publie un document secret du Canadian Security Intelligence Service (CSIS), le service de renseignements canadien, qui a fait l’objet d’une fuite. Le rapport est désormais disponible, bien qu’une partie du document soit cachée. Le document, intitulé « Radicalisation et Jihad en Occident », avait été rédigé en juin 2006, juste après la révélation du complot. Extraits et commentaires :

« La menace de l’extrémisme islamiste domestique contre le Canada est croissante. (…) Les phénomènes de ‘radicalisation’ et ‘jihadisation’ sont très complexes. La radicalisation a lieu lorsque les musulmans rejettent les croyances et les pratiques communes, et adoptent une interprétation de l’islam étroite, littérale, et fondamentaliste. La jihadisation a lieu lorsque les musulmans radicalisés croient que la violence en défense de l’islam devient justifiée. Chaque radicalisé ne va pas se jihadiser, mais la transition peut se dérouler assez rapidement. (…) Les jeunes membres sont de plus en plus auto-radicalisés. »

Cette vision en deux temps de la ‘radicalisation’ et de la ‘jihadisation’ semble être la vision partagée au sein de la communauté du renseignement. Un modèle progressif similaire avait déjà été développé par les services de renseignement néerlandais dans un rapport plus élaboré. Cette vision est très intéressante parce qu’elle permet, d’une part, de nuancer la vision parfois simpliste connotée par l’expression « extrémisme islamiste », et, d’autre part, de rendre compte du faible nombre de combattants jihadistes comparé à la population musulmane globale. L’idée que la jihadisation soit liée à un changement perceptif par rapport à la violence est, selon moi, centrale. Enfin, la notion "d’auto-radicalisation" fait clairement référence aux travaux de Marc Sageman.

« (…) Lorsque quelqu’un se radicalise, il y a souvent un changement physique et psychologique comme se laisser pousser la barbe, adopter la mode vestimentaire musulmane, critiquer tous ceux qui ne partagent pas les mêmes vues, et s’isoler du monde extérieur. »

Le rapport du CSIS précise que l’isolement est le fruit de la radicalisation et non l’inverse. Dans la littérature sur le terrorisme, la radicalisation est parfois décrite comme étant le résultat d’un isolement du monde extérieur, donc l’opposé de ce qu’affirme le CSIS. Pourtant, les derniers grands complots en Europe ont été le fait d’individus souvent décrits comme bien intégrés. Une partie de la littérature précise que ce n’est pas l’isolement en temps que tel, mais la rupture avec l’environnement originel (la famille qui vit encore à l’étranger dans le cas d’immigrés par exemple) qui explique la radicalisation. Mais ici encore, cela n’explique pas la radicalisation des individus nés et élevés en Europe. Dans tous les cas, il est certain qu’il y a un processus de renforcement mutuel entre isolement et radicalisation, quel que soit le facteur initiant.

« (…) Les facteurs de radicalisation identifiés par le CSIS et d’autres services de renseignement occidentaux comprennent la croyance dans la nécessité de défendre l’islam contre la perception d’une agression occidentale, l’influence d’un leader spirituel, l’influence d’un membre de la famille déjà radicalisé, et la participation dans des camps d’entraînement à l’étranger. »

Il s’agit ici d’un échantillon restreint des causes de la radicalisation. On notera également l’absence de mention de possibles ‘causes profondes’, telles que les facteurs socio-économiques. La mention de la participation dans des camps d’entraînements est assez intéressante car elle suppose que cette participation peut précéder la décision de prendre part au jihad. En règle générale, cependant, la jihadisation précède l’entraînement jihadiste.

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dimanche 30 mars 2008

Sport et Terrorisme: Drones pour l'Euro 2008

L'Allemagne a apparemment échappé de justesse à un attentat terroriste lors du match d'ouverture de la coupe du monde en 2006. Pékin a récemment émis certaines inquiétudes concernant le risque potentiel d'attentats terroristes durant les Jeux Olympiques. Le Paris-Dakar ne se fera plus en Afrique à cause du terrorisme.

La relation entre sport et terrorisme n'est pas neuve. Tout le monde se rappelle de Munich. Mais, ces derniers temps, la menace terroriste sur les grands évènements sportifs est en pleine expansion. Pourquoi? La réponse est simple: pourquoi les terroristes se priveraient-ils de cette formidable fenêtre d'opportunité constituée par ces évènements retransmis à l'échelle planétaire grâce aux médias? Que faut-il faire? Certainement pas annuler ces évènements, puisque cela signifierait une victoire (partielle seulement) du terrorisme, puisque leur objectif est justement de...terroriser. La solution tient donc dans un renforcement des systèmes de sécurité. Dès lors, on appréciera l'annonce de l'utilisation de drones au dessus des stades lors de l'Euro 2008 en Suisse et en Autriche, même si leur fonction première n'est pas la lutte contre le terrorisme. Note: Le cas du Paris-Dakar est un peu différent puisque, par nature, les garanties de sécurité sur un tel parcours sont quasiment impossibles.

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samedi 29 mars 2008

Un Attentat Evité de Justesse lors de la Coupe du Monde en Allemagne?

Lire l'article de Spiegel Online ici.

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vendredi 28 mars 2008

Fitna: Racisme et Provocation

Le film du député néerlandais d'extrême droite Geert Wilders, Fitna, a été mis en ligne hier. Le premier ministre Balkenende a condamné le film, ainsi que d'autres personnalités politiques. La presse, par contre, a affiché un certain "soulagement" déplacé, affirmant que le film n'est pas aussi extrême qu'on pouvait le craindre.

Après vision du film qui est diponible en ligne, je suis littéralement choqué que la presse puisse diminuer ainsi la caractère raciste et provocateur de ce film. Attention, pour tous ceux qui voudraient le visionner, les images sont extrêmement violentes. Âmes sensibles s'abstenir.

Wilders associe Islam et Jihad. C'est évidemment un association aussi simpliste que mensongère. Fitna cite quelques extraits du Coran appelant à la violence (isolés de leur contexte et des nombeux passages qui s'opposent à la violence), et associe ces passages avec les images de Madrid, du 11 septembre, d'exécution sommaires... Wilders joue clairement sur l'émotion pour rallier à sa cause raciste.

En outre, le film de Wilders ne s'embarrasse pas de comprendre ou d'expliquer les contextes géopolitiques, socio-économiques, culturels, ou historiques... Pour lui, la violence est le simple résultat du Coran. Ahmenidjad et Ben Laden? Tous les deux sont motivés par la même haine de l'occident incitée par le même Coran, selon Wilders.

Enfin, Wilders prend clairement plaisir à se décrire en temps que "cible" du Jihad, à se dépeindre en temps que martyre (quelle ironie).

Le terrorisme islamique ne sera certainement pas combattu par une telle propagande. L'Islam n'est pas une idéologie qui peut être combattue comme le nazisme et le communisme, comme affirmé dans la conclusion du film Fitna. Ce film va au contraire enflammer la violence. Aucun doute que c'est ce que Wilders recherche: la provocation pour justifier son discours. Espérons que les appels au calme de la communauté musulmane néerlandaise seront entendus.

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Cüneyt Ciftci: le Premier Kamikaze Allemand

L’Allemagne se sent de plus en plus menacée par l’extrémisme islamique. Une nouvelle vidéo obtenue par Spiegel Online confirme les soupçons des investigateurs allemands sur l’explosion contre un poste militaire américain le 3 mars dernier qui avait tué deux soldats US et deux civils en Afghanistan. L’attaque a, comme le craignaient les enquêteurs, bel et bien été orchestrée par Cüneyt Ciftci, un jeune Turc de 28 ans, né et élevé en Bavière, en Allemagne. Cüneyt Ciftci est ainsi devenu le premier kamikaze allemand.

La vidéo montre la préparation du martyre, la préparation du camion avec les explosifs, les dernières prières avant la mission, suivies par l’explosion extrêmement puissante du camion. Comme souvent dans le cas d’attentats-suicides, il ne restait rien pour ainsi dire de Cüneyt Ciftci, ce qui rendait l’identification du corps difficile. Jusqu’à l’obtention de la vidéo.

L’histoire de Cüneyt Ciftci ressemble très fort à celle d’autres terroristes formés en Europe. Une vie discrète et sans problèmes, une bonne éducation (ce qui le distingue même du reste de la population turque en Allemagne, généralement discriminée scolairement), un mariage avec deux enfants, et un job stable à la mairie locale. Bref, rien n’indiquait que Cüneyt dissimulait des accointances avec des terroristes.

C’est à la mosquée que va commencer son « itinéraire jihadiste ». Près de Nuremberg, il fréquente une mosquée assez radicale, peuplée par plusieurs individus suspects. C’est à ce moment que Cüneyt entre aussi dans le radar des renseignements allemands qui surveillent précisément cette même mosquée. Il est fort probable que le passage dans cette mosquée ait radicalisé le discours de Cüneyt, tout en le mettant en contact avec des individus membres ou proches des milieux extrémistes.

D’une manière ou d’une autre, Cüneyt entre en contact avec Adem Yilmaz, l’un des membres de la cellule de Sauerland démantelée l’année dernière pour avoir planifié des attaques notamment contre l’aéroport de Francfort et la base militaire américaine de Ramstein. En avril 2007, Cüneyt décide de quitter l’Allemagne avec sa famille. A-t-il alors déjà pris la décision de se lancer dans le jihad ? Se sent-il menacé par les services de renseignement et la police qui l’a convoqué pour un interrogatoire ? Impossible de répondre à ces questions. Des suppositions sont possibles néanmoins. Sans doute, n’est-il pas encore certain en avril de vouloir rejoindre le jihad. Sinon, pourquoi ne pas simplement s’associer à la cellule de Sauerland et devenir un « héros » dans son propre pays ?

Son voyage est organisé par Adem Yilmaz. Après avoir pris le soin de s’être désinscrit du registre communal, annonçant ainsi officiellement son départ du pays (un signe d’une certaine sérénité tout de même), il part pour le Pakistan. C’est probablement dans un camp d’al-Qaïda que Cüneyt rencontre les responsables de l’Union Jihadiste Islamique (UJI), un groupe ouzbek qu’il décide de rejoindre. L’engrenage est alors irréversible. Il passe la frontière et rejoint l’Afghanistan où il accomplit sa mission « divine ».

Le cas de Cüneyt souligne une fois de plus la menace terroriste croissante qui pèse sur l’Allemagne, comme je l’ai déjà écrit dans un article pour Terrorism Focus magazine.

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jeudi 27 mars 2008

Bombardements Aériens au Pakistan en Augmentation

Les Etats-Unis ont accru le nombre de bombardements aériens via drones au Pakistan. Ces bombardements devraient encore s'accentuer, selon des militaires américains, qui craignent la fin du support pakistanais à ce genre d'opérations. Dès lors, les Américains espèrent frapper al-Qaïda aussi fort que possible grâce à la technique appelée "secouer l'arbre". Le mois dernier, un bombardement aérien orchestré par la CIA avait permis d'éliminer l'un des chefs d'al-Qaïda. Cependant, cette technique prsente de nombreux désavantages, notamment en accroissant la colère de la population locale contre les Etats-Unis et le gouvernement pakistanais, ce qui conforte les terroristes et les insurgés dans leurs positions.

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La Bataille de Bassorah

La bataille continue à Bassorah, mettant aux prises Chiites et Sunnites. Pour une bonne compréhension de ce qui se passe là-bas, je recommande la lecture du blog de Stéphane Taillat.

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mercredi 26 mars 2008

Qui Devient un Terroriste et Pourquoi

La question de savoir qui devient un terroriste et pourquoi ? est sans aucun doute l’une des plus passionnantes dans la littérature spécialisée sur le terrorisme. L’une des raisons évidentes de cet intérêt réside tout simplement dans l’absence de réponse à cette question. L’un des ouvrages les plus remarquables à ce jour demeure le livre de Rex Hudson, « Who Becomes a Terrorist and Why ».

Ces derniers jours, deux articles intéressants parus dans la presse sont venus compléter l’abondante littérature. Au travers de deux cas particuliers, on peut distinguer quelques unes des grandes causes du terrorisme.

Un premier article paru dans le Washington Post raconte la vie de Khalid al-Hubayshi, un Saoudien aujourd’hui âgé de 32 ans, ancien membre d’al-Qaïda. Khalid avait décidé de rejoindre le jihad en 1995. Il était alors un jeune étudiant universitaire à la recherche d’un but dans la vie. La vision des images de Bosnie et le sentiment que personne ne prenait la défense des musulmans l’ont converti au jihad. Cependant, entre temps, la guerre en Bosnie avait pris fin. Il a alors décidé de partir s’entraîner aux Philippines, avant de rejoindre l’Afghanistan en 1997. Deux ans plus tard, il quitte l’Afghanistan. Son motif : il ne voulait pas donner sa vie dans une lutte purement afghane qui ne le concernait pas. Il retourne en Afghanistan en 2001, néanmoins, et rencontre Oussama ben Laden. Après l’offensive américaine, il se retrouve caché à Tora Bora avec ben Laden, attendant que les Américains débarquent à pied pour les combattre. Mais les bombardements aériens se rapprochant, ben Laden prend la fuite, abandonnant Khalid et ses hommes. Plus tard, Khalid sera arrêté et envoyé à Guantanamo. Il a été libéré en 2006, avec la haine non plus contre l’occident, mais contre le leader d’al-Qaïda qui l’a trahi.

L’histoire de Khalid souligne tout d’abord une fois de plus que les étudiants sont une cible privilégiée des recruteurs d’al-Qaïda. En outre, son expérience démontre l’importance des images (que ce soit via des films de propagande ou via les médias) dans le recrutement. En effet, les photos ou les films ont une charge émotionnelle forte, ce qui touche parfois une corde sensible chez certains individus. Une image peut alors devenir l’élément déclencheur dans la décision de prendre part au jihad. L’histoire de Khalid souligne aussi l’importance de l’idéologie chez certains terroristes. D’autres individus, à l’inverse, sont motivés par l’argument économique. Enfin, et de manière très intéressante, la déception à l’égard d’al-Qaïda ressentie par Khalid met en exergue un aspect des groupes terroristes largement sous-étudié : les raisons qui poussent un terroriste à « se ranger ». Michael Jacobson, du Washington Institute for Near East Policy a publié plusieurs articles à ce sujet.

Le deuxième article venu étoffer la littérature sur les causes du terrorisme s’intitule « So you wanna be a Hizbollah fighter ? » paru sur le blog de Time Magazine. A partir de plusieurs interviews avec des membres du Hezbollah, le journaliste isole quelques constantes. La plupart des membres du groupe libanais sont recrutés très jeunes. Ils participent à des stages d’endoctrinement. Dès le début de ces stages, le Hezbollah insiste sur l’idéal de martyre et organise les enfants par « cellules » de cinq, chacune ayant un chef. Les « cellules » participent à des jeux du type chasse au trésor, et se familiarisent par la même occasion avec le fonctionnement des cellules. Une fois un peu plus grands, les enfants sont « exposés » aux mitraillettes AK-47. Tout au long de la formation, les « chefs de stages » identifient les caractéristiques de chaque individu. Ceux qui montrent une grande patience, seront en missions d’observation, les plus intelligents iront dans l’espionnage ou le contre-espionnage. Une fois la formation militaire achevée, les combattants sont envoyés en stage en Iran puis intégrés dans une unité avec des « anciens ».

Le cas libanais montre l’importance du processus de socialisation dans la formation des terroristes. Comme déjà expliqué précédemment dans le cas palestinien, les enfants sont souvent exposés à la violence et à la propagande très jeunes. Etant donné leur faible résistance aux techniques d’endoctrinement, il n’est pas surprenant que beaucoup d’entre eux se retrouvent dans les rangs terroristes ou insurgés.

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mardi 25 mars 2008

Briser les Mythes

Ces derniers jours, je suis tombé sur deux lectures assez intéressantes. Non pas que ce soit quelque chose d'inhabituel, mais je trouve important de mentionner ici ces deux articles parce qu'ils brisent deux mythes tenaces, et l'un des objectifs avoué de ce blog est de briser ces mythes.

Le premier article s'intitule "Exposure", paru dans le magazine The New Yorker. Il raconte le cheminement singulier qui a mené des hommes et des femmes ordinaires à commettre les pires atrocités dans la sombre enceinte d'Abu Ghraib. Les auteurs expliquent, par exemple, comment Sabrina, passionée de photos (en levant toujours les pouces en l'air sur chaque photo) et qui ne ferait littéralement "pas de mal à une mouche", s'est retrouvée à participer aux atrocités et à figurer sur des photos humiliantes avec des prisonniers irakiens les deux pouces en l'air...

Les auteurs de l'article ont également produit un documentaire intitulé "Standard Operating Procedure" sur le sujet, grand prix du jury à Berlin, bientôt en salles aux Etats-Unis. Voici la bande-annonce:



Le docteur Zimbardo de l'université de Stanford a déjà commenté à de nombreuses reprises sur les événements d'Abu Ghraib, en faisant référence à sa célèbre expérience qui démontre la facilité avec laquelle des êtres tout à fait normaux peuvent être amenés à commetre des actes qu'ils désapprouvent.

Le deuxième article intitulé "Shadowplays" paru dans The Nation, fait état de la "collaboration" palestinienne avec Israël. Brisant le mythe d'une résistance palestinienne unifiée, l'auteur (se basant sur un livre israélien qui vient d'être traduit en anglais) explique que de nombreux Palestiniens ont collaboré avec Israël (même avant l'indépendance israélienne), fournissant des renseignements permettant, entre autres, des frappes militaires. D'un autre côté, l'auteur souligne le caractère parfois (souvent?) involontaire de cette collaboration: soins hospitaliers contre renseignements. Ceux qui ne collaborent pas sont alors interdits dans les hôpitaux...

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Femmes et Jihad (2)

Le rôle de la femme dans le terrorisme est très largement négligé. Et pourtant, les femmes tiennent une place cruciale dans le processus de socialisation des enfants, en temps que mères, mais aussi dans leur pouvoir d’influence sur les hommes, en temps qu’épouses. En outre, ces dernières années, on constate une augmentation de l’implication directe des femmes dans le jihadisme, en devenant martyres, que ce soit en Palestine, en Tchétchénie ou en Irak.

Les causes de cet accroissement sont complexes et en partie dépendantes du contexte local, comme indiqué dans mon analyse sur les femmes kamikazes en Irak. Cependant, l’une des causes de cet accroissement tient dans le développement d’une campagne de propagande d’al-Qaïda destinée spécifiquement aux femmes. Un nombre croissant de forums sur internet sont dédiés aux femmes et à leur rôle dans le jihad. De manière assez intéressante, une étude de fréquentation de ces forums indique que ce sont essentiellement des hommes qui participent. Dès lors, il s’agit essentiellement d’un recrutement de femmes par des hommes. Le processus de recrutement femmes-femmes ne semble pas encore institutionnalisé.

De manière systématique, la propagande à destination des femmes souligne le caractère ambivalent de la femme dans le jihad. La femme est vue à la fois comme un adjuvent et comme un obstacle au jihad.

Dans le livre intitulé Le Manuel de Recrutement d’al-Qaïda, Mathieu Guidère et Nicole Morgan traduisent l’un des textes les plus lus sur internet, qu’ils qualifient « d’épître », destiné aux femmes. Le texte d’une vingtaine de pages commence par un rappel à l’ordre : « Honorable sœur, tu as un rôle important et crucial à assumer. Il faut te lever pour accomplir ton devoir dans la guerre que nous menons aujourd’hui ». Plus loin, l’auteur souligne : « Tu dois être consciente que ta mission est plus importante que tout ce que tu peux imaginer. Tu portes aujourd’hui une grande part de responsabilité dans la défaite de l’Islam ».

« L’épître » contraste l’influence positive de la femme dans le passé avec la responsabilité qu’elle porte, selon l’auteur, dans la « défaite actuelle de l’Islam ». « Si la femme ne prodigue pas ses encouragements pour s’engager dans le conflit ou bien si elle reste à l’écart ou encore si elle décourage carrément les autres de s’y investir, alors ce sera le début de la défaite et le cheminement vers l’échec. C’est ce qui arrive à notre Nation aujourd’hui. Par le passé, l’Islam a pu vaincre les Etats mécréants les plus puissants que lorsque la femme était à la hauteur de ses responsabilités. C’est elle qui éduquait ses enfants à l’amour du Jihad. C’est elle qui protégeait l’honneur de l’homme et ses biens lorsqu’il partait au Jihad. C’est elle enfin qui résistait et qui apprenait la patience à ses enfants et à son époux pour qu’ils persistent dans cette voie. Tout cela fait que le dicton ‘Derrière chaque grand homme se cache une femme’ s’applique parfaitement aux femmes musulmanes de l’époque. (…) Quant aux femmes de notre temps, que dire d’elles ? (…) Elles sont totalement absentes et quelle absence ! Une absence à cause de la mode. Une absence à cause des vogues. Une absence à cause des parures et des choses licencieuses. Pis, certaines sont absentes parce qu’elles baignent dans les choses illicites ».

Cependant, l’auteur de « l’épître » ne souhaite qu’un engagement limité des femmes dans le jihad. Il n’essaye pas de recruter des femmes pour des attaques-suicides. « Nous ne voulons pas que tu entres sur le champs de bataille, et cela pour t’éviter toute humiliation et toute sédition ; nous voulons seulement que tu suives l’exemple des femmes d’antan dans leur incitation au Jihad ». Cette vision machiste du rôle de la femme est largement dominante dans les forums islamiques.

Le rôle de la femme dans le processus de socialisation de l’enfant est mis en évidence par cet article paru dans le magazine Sada Al-Jihad, mis en ligne par MEMRI. « L’éducation des enfants commence lorsqu’ils sont encore dans le ventre de leur mère. Un enfant sent l’amour de l’Islam même lorsqu’il est dans l’utérus – au travers de l’amour de la mère et de sa dévotion à la religion… Et lorsqu’elle écoute le coran de manière régulière… ses émotions sont transmises au fœtus… Cela a été prouvé par la recherche moderne ».

La glorification du rôle de certaines femmes dans le jihad est l’une des techniques les plus fréquentes pour recruter les femmes. Généralement, comme dans « l’épître » mentionné précédemment, le recrutement visait essentiellement le soutien (actif ou passif) des femmes au jihad. Plus récemment, un nombre croissant d’articles appellent à la participation directe des femmes aux opérations militaires. Cette campagne de propagande ciblée peut expliquer, en partie, l’augmentation du nombre de femmes kamikazes observé ces dernières années sur les théâtres jihadistes.

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lundi 24 mars 2008

Femmes et Jihad (1)

Le nombre d'attentats commis par des femmes en Irak est en nette augmentation. Cette année, les femmes kamikazes ont déjà tué 140 Irakiens. L'utilisation de femmes par al-Qaïda en Irak (AQI) - qui est présumé responsable pour ces attaques - indique un changement à de multiples niveaux.

Premièrement, il s'agit d'un changement de mentalités. En effet, l'idéologie radicale prônée par al-Qaïda ne laisse généralement qu'un rôle secondaire aux femmes. Cependant, la tendance est en train de se modifier en Irak, mais aussi globalement. L'une des raisons de cette évolution tient dans ce que les terroristes eux-mêmes appellent la "jurisprudence" islamique. La tactique ayant été utilisée dans le passé et approuvée par les instances supérieures, elle peut être reproduite à volonté.

Deuxièmement, il s'agit d'un changement tactique. La perte de "sanctuaires" et les progrès américains ont repoussé AQI du pôle guérilla vers le pôle terrorisme. Avec la perte de leur soutien populaire, les membres d'AQI ont été obligés d'adapter leurs tactiques afin de poursuivre leur double objectif (combattre les Américains, et prendre le contrôle de l'Irak). Les attaques terroristes contre les militaires américains permettent de faire un maximum de dégâts avec un minimum de moyens (un kamikaze et une bombe); alors que les attaques contre les civils irakiens permettent de créer le chaos, dans l'espoir de délégitimiser les autorités locales. En outre, les dernières attaques spectaculaires visent à rétablir "l'image de marque" d'AQI, quelque peu ternie par plusieurs échecs successifs. Dès lors, l'utilisation de femmes-kamikazes s'inscrit dans ce changement tactique: les femmes sont moins suspectées par les forces de sécurité et peuvent cacher plus facilement une bombe sous leurs vêtements, et donc maximiser les "dégâts". En plus, l'utilisation nouvelle des femmes renforce la terreur au sein de la population qui doit désormais se méfier de tout le monde.

Troisièmement, il est possible que l'utilisation des femmes soit révélateur du déclin d'AQI. Cela n'est pas certain, mais plusieurs signes indiquent qu'AQI a de plus en plus de difficultés à recruter de nouveaux membres et, donc, les femmes seraient utilisées comme "substitut".

Quatrièmement, il est probable que le nombre de femmes candidates au suicide soit relativement élevé, mais qu'elles aient été négligées par AQI jusqu'à présent. En Irak, la relation mère-fils étant extrêmement puissante, la vengeance de la mort d'un fils joue un rôle important dans la décision de prendre part à un attentat-suicide. Cette même notion de vengeance a déjà été observée, par exemple, en Tchétchénie ou en Palestine . Notons que la vengeance est un facteur très important dans la décision d'un individu de rejoindre un groupe terroriste, quel que soit le sexe.

Enfin, le potentiel de femmes kamikazes irakiennes permet à AQI "d'irakiser" davantage le groupe. En effet, les kamikazes d'AQI sont en grande majorité des hommes étrangers. Et, pour repasser vers le pôle guérilla, AQI a besoin de reconquérir la population irakienne.

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samedi 22 mars 2008

Une Interview Souligne les Relations Tendues entre Insurgés Sunnites en Irak

La Fondation NEFA a publié une interview avec un commandant militaire du groupe insurgé Hamas al-Iraq. Hamas al-Iraq est une faction dissidente du groupe 1920 Revolution Brigades. Cette interview offre un regard intéressant sur les relations tendues et complexes qui existent entre les différents mouvements sunnites en Irak, et plus particulièrement avec al-Qaïda dans la province de Diyala. Bien entendu, ce genre de documents doit toujours être examiné avec prudence. Néanmoins, les griefs tenus à l’égard d’al-Qaïda sont importants à souligner. En effet, cela démontre qu’al-Qaïda est de plus en plus isolé en Irak. Certains Sunnites se sont alliés aux Américains précisément pour mettre fin à la violence indiscriminée d’al-Qaïda. D’autres Sunnites, comme Hamas al-Iraq, continuent à combattre les Américains, et sont simultanément lancés dans une lutte intra-sectarienne avec al-Qaïda, tout en prenant part à la guerre civile entre Sunnites et Chiites. Extraits :

« On pourrait argumenter que la guerre d’al-Qaïda contre la résistance [irakienne] et les unités moudjahiddines agit au bénéfice des occupants [américains] étant donné que cela a affecté nos jeunes recrues et notre arsenal. Les forces occupantes étaient incapables de pénétrer dans nombreux villages et districts de Diyala jusqu’à ce qu’al-Qaïda leur ouvre la voie en tuant les Sunnites, détruisant leurs maisons, mosquées et hôpitaux. Ils ont fait ce que les milices sectaires pro-iraniennes n’avaient pas réussi, et ils ont fini le boulot pour elles… Frère Ahmad Abdelaziz al-Sadoun disait la vérité en déclarant : ‘le réseau al-Qaïda est parvenu a faire en sorte que les gens d’ici pensent que les forces d’occupation sont miséricordieuses en humaines par comparaison’. »

« (…) Je vais vous un exemple de la traîtrise d’al-Qaïda. Le réseau al-Qaïda avait capturé 8 de nos moudjahiddines, alors nous avons capturé le même nombre des leurs. Ensuite, al-Qaïda a distribué des pamphlets disant que les 1920 Revolution Brigades sont des apostats et que leur sang et leur argent constituent un butin autorisé. A la suite de cela, nos moudjahiddines ont arrêté leur commandant militaire à Diyala ‘Raed Abu Dawoud’ de Khankin, né en 1978. Il portait un badge de police du nom de ‘Kazim Jawad Kazim’, et portait une veste explosive—qu’il n’a pas été capable d’activer. »

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jeudi 20 mars 2008

Brèves

Al-Qaïda: Dans une nouvelle cassette, Ben Laden menace l'Europe dans le dossier des caricatures de Mahomet. Lire ici.

Canada: Le nouveau QG anti-terrorisme bon à jeter à la poubelle? Lire ici.

Chine: Pékin livre les détails de l'attentat déjoué à bord d'un avion. Lire ici.

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Attentat Suicide à Baqouba

Encore un attentat suicide perpétré par une femme à Baqouba, dans la province de Diyala a fait quatre morts et 12 blessés. Deux choses à retenir: l'intensification du pôle terroriste semble se confirmer en ce moment en Irak; et l'utilisation accrue de femmes pourrait être un signe d'affaiblissement, bien qu'il puisse aussi s'agir d'une simple adaptation et d'une exploitation d'opportunité (les longues robes permettent de cacher une bombe plus facilement) comme l'a déjà expliqué Stéphane Taillat.

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Terrorisme et Sécurité Energétique

En ouvrant le Washington Post mercredi, certains lecteurs ont pu être surpris par l'énorme publicité d'une page entière demandant de mettre fin à la dépendance américaine vis-à-vis du pétrole. Ce n'est pas le message qui est surprenant, cependant, mais plutôt son porte-parole: l'ancien directeur de la CIA, James Woolsey, dont la photo figurait en grand sur la page.

Un lecteur peu familier avec les questions d'indépendance énergétique peut se demander "Bon sang, qu'est ce qu'un ancien directeur de la CIA a à voir avec un problème environnemental?". La raison est simple: Woolsey considère que la sécurité nationale des Etats-Unis est mise en danger par la dépendance énergétique américaine à l'égard des pays du Moyen-Orient.

Je ne vais pas détailler ici toute l'argumentation de Woolsey qui est accessible via un autre article que j'ai écrit, disponible ici. Je veux simplement souligner les connexions qu'il fait entre pétrole et terrorisme. Très intéressantes, certaines connexions n'en sont pas moins controversées.

Premièrement, selon Woolsey, l'argent du pétrole finance des régimes tels que l'Arabie Saoudite qui participent à la radicalisation islamique, notamment via le financement de madrassas (écoles coraniques). Ces madrassas contribueraint à leur tour à la formation de générations de terroristes. Si la première partie de l'argument de Woolsey est correcte, la seconde partie le semble moins. En effet, j'ai déjà souligné précédemment que la religion n'est pas le facteur prédominant dans le terrorisme islamique.

Deuxièmement, l'économie américaine est fortement influencée par le cours du pétrole. Or, les puits de pétrole sont la cible d'al-Qaïda. Pour Woolsey, l'Amérique n'est pas à l'abri d'une flambée du pétrole directement causée par une attaque terroriste. Ici, je dois avouer les limites de mon expertise, mais je sais que beaucoup d'économistes sont en désaccord avec Woolsey.

Troisièmement, la dépendance au pétrole est une faiblesse que les terroristes peuvent exploiter. En Irak, par exemple, les convois de pétrole sont souvent la cible d'attaques terroristes. Les infrastructures sont également exposées.

Enfin, l'argument le plus intéressant de Woolsey tient sans doute dans sa proposition: penser la sécurité énergétique, la lutte contre le changement climatique et la lutte contre le terrorisme de manière conjointe, et non de manière séparée.

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Irak-Afghanistan : La Guerre par les Airs

NOTE: L'article suivant avait été écrit à la demande du journal Le Soir il y a plus d'un mois. Comme il n'a finalement jamais été publié, je le met à votre disposition.

Dans le cadre des opérations militaires au Moyen-Orient, les Etats-Unis ont de plus en plus recours à la force aérienne. En 2007, il y a eu cinq fois plus de bombardements aériens en Irak que l’année précédente. Le nombre de bombes est passé de quatre par semaine à quatre par jour. En Afghanistan, les frappes aériennes étaient 20 fois plus nombreuses en 2007 que deux ans auparavant. Cette tendance pourrait se confirmer cette année.

Dernière illustration : l’opération « Phantom Phoenix ». Le 10 janvier, afin d’appuyer l’offensive américaine contre la branche irakienne d’al-Qaïda, deux bombardiers B-1 et quatre chasseurs F-16 larguaient 20 tonnes de bombes en 10 minutes dans la périphérie de Bagdad.

Une stratégie offensive
L’accroissement des bombardements aériens en Irak correspond au changement de stratégie initié par le général David Petraeus qui commande la force multinationale. La nouvelle stratégie, plus agressive, recommande de poursuivre les insurgés jusque dans les endroits les plus reculés. Tout en protégeant la population locale.

En Afghanistan, par contre, l’augmentation des bombardements a été plutôt réactive. Elle a fait suite à l’offensive talibane de 2006. En Irak comme en Afghanistan, le recours accru à l’aviation correspond à un nombre plus élevé de combats au sol. Mais pas seulement.

« Nous disposons d’un meilleur système de renseignements », explique le lieutenant-colonel James Gavrilis, expert en contre-insurrection. « Grâce à un nombre croissant d’alliés au sein de la population, nous recevons davantage d’informations sur l’ennemi et les endroits où il se cache. Nous pouvons alors lancer plus de bombes, avec plus de précision ».

Colin Kahl, professeur spécialisé sur l’Irak à l’université de Georgetown, souligne également que « certaines frappes aériennes sont destinées à protéger les troupes au sol. Pas à décimer des villages. » Une bombe qui explose à plusieurs mètres au dessus d’une route permet de faire sauter toutes les mines et autres explosifs qui jalonnent les dangereuses routes irakiennes.

L’utilisation des frappes aériennes présente aussi des inconvénients. En fait, elles sont généralement déconseillées, du moins en partie, lors d’opérations contre-insurrectionnelles. L’objectif militaire de ces dernières consiste très souvent à chasser des insurgés qui se cachent parmi la population. Cet objectif militaire se double d’un objectif politique : gagner le soutien de la populations locale. Difficile, dans de telles conditions, d’utiliser la force aérienne.

Le général Petraeus lui-même, dans son manuel sur la contre-insurrection, explique que « les bombardements, même avec les armes les plus précises, peuvent tuer par mégarde des civils. (…) Une frappe aérienne peut causer des dommages collatéraux qui vont provoquer le mécontentement de la population et servir la propagande des insurgés. (…) Pour toutes ces raisons, la force aérienne doit être utilisée avec précaution ».

« Bombarder n’est pas la meilleure option »
Les risques liés aux bombardements aériens sont déjà apparus clairement en Afghanistan. « Lorsque les bombardements ont quadruplé, le nombre de victimes civiles a triplé », explique Marc Garlasco, expert militaire pour l’organisation Human Rights Watch. « En Irak, le nombre de victimes civiles lié aux bombardements n’est pas disponible. Mais je suis très inquiet ».

« Le bombardement n’est pas la meilleure option dans le cadre d’opérations de contre-insurrection », reconnaît James Gavrilis, des forces spéciales américaines. « Mais ils peuvent être très efficaces. A condition d’être précis. Et de se justifier auprès de la population. Je crois que les bombardements de 2007 ont eu des conséquences positives en Irak ».

Les frappes aériennes offrent un dernier avantage. Lorsqu’un avion tire un missile sur un repère où se cachent des terroristes, cela évite un combat dangereux pour les troupes au sol. Une bombe peut épargner la vie de plusieurs soldats. Cet argument seul ne suffit pas à expliquer l’augmentation des bombardements. Au contraire, la nouvelle stratégie du général Petraeus expose les soldats à beaucoup plus de risques qu’auparavant. Ainsi, 2007 a été l’année la plus meurtrière pour les militaires américains en Irak.

Difficile de savoir si l’augmentation des bombardements est une manœuvre consciente pour épargner les soldats ou pas. Mais, politiquement, l’importance de l’argument ne fait aucun doute. Le support populaire pour la guerre en Irak est au plus bas. La pression pour « ramener les troupes à la maison » s’accroît. Et Petraeus est conscient que le soutien politique ne tient peut-être qu’à une vie.

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mercredi 19 mars 2008

Cinq Ans Après: Bush Parle de la Guerre Global contre le Terrorisme

Le discours de George W. Bush au Pentagone sur l'évolution de la guerre contre le terrorisme cinq ans après le début de la guerre en Irak peut être lu en intégralité et la vidéo peut être visionnée ici.

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COIN: Soccer vs Football?

Je viens de tomber par hasard sur ce très court article datant de 2003, paru dans le Armed Forces Journal. Bien que je ne sois pas entièrement d'accord avec l'argument des auteurs, je trouve le concept très original et amusant.

Les deux auteurs expliquent que la culture américaine COIN est fortement imprégnée par la passion pour le football américain. Les joueurs sont concentrés en un groupe compact, et les avancées reposent sur la force, les ordres de l'entraîneur et la technologie (protections des joueurs, modes de communication élaborés).

A l'inverse, la stratégie des terroristes est plus proche du football (soccer). Les joueurs utilisent l'espace au maximum, une grande place est laissée à l'improvisation, les leurres sont fréquents, l'attaque de front marche rarement, et donc l'attaque surprise, rapide et indirecte est préférée.

Un article divertissant ;))

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mardi 18 mars 2008

Cinq Ans Après: Al-Qaïda en Irak

Al-Qaïda en Irak (AQI) a connu des jours meilleurs. Cinq ans après le début de l’offensive américaine, voici un rapide retour sur l’évolution du groupe sunnite. Une histoire qui a mené al-Zarqaoui et ses fidèles de l’anonymat au devant de la scène irakienne et internationale. Jusqu’à la chute inévitable ?

Avant l’invasion américaine lancée le 19 mars 2003, plusieurs membres d’al-Qaïda étaient déjà présents en Irak où ils avaient trouvé refuge suite à l’offensive américaine en Afghanistan. Le Jordanien Abou Moussab al-Zaraqaoui figurait parmi eux. Au début des hostilités, al-Zarqaoui s’est associé avec d’autres jihadistes, essentiellement d’anciens « Arabes Afghans », pour mener la lutte contre les forces américaines. Le groupe portait alors le nom Tawhid wal Djihad. Lorsque les anciens membres du régime de Saddam Hussein ont commencé à déserter sous la pression militaire américaine, certains Baathistes ont rejoint les rangs d’al-Zarqaoui. Ce n’est que plusieurs mois après l’offensive américaine que le groupe a commencé à s’irakiser peu à peu.

Le 17 Octobre 2004, al-Zarqaoui annonçait son allégeance à Oussama Ben Laden qui a ensuite reconnu le groupe irakien rebaptisé al-Qaïda en Mésopotamie ou al-Qaïda au Pays des Deux Fleuves. Bien que formellement associés, les deux groupes conservaient plusieurs divergences idéologiques, notamment sur la priorité des cibles. Al-Zarqaoui concentrait ses forces sur l’ennemi local (apostats et Chiites), alors que Ben Laden donnait la priorité à la lutte contre l’ennemi lointain (Etats-Unis, Europe). Ce qui n’empêchait pas AQI d’attaquer les forces américaines.

AQI était lancé dans une guerre d’attrition, une 'longue guerre', destinée à affaiblir l’ennemi. D’une part, des attaques systématiques contre les forces américaines visaient la démoralisation des troupes. D’autre part, les violences contre Chiites et Sunnites étaient destinées à diminuer la légitimité de l’administration en place.

Petit à petit, AQI a grandi au rythme de ses succès. Le groupe d’al-Zarqaoui est devenu le symbole, à l’échelle internationale, de l’insurrection irakienne. La majorité des attaques contre les forces américaines lui étaient imputées, souvent sans preuve tangible. L’information relayée dans les médias internationaux a offert à AQI une renommée mondiale.

Cependant, malgré le succès international, AQI rencontrait des difficultés en Irak. La violence indiscriminée et l’extrémisme religieux prônés par al-Zarqaoui faisaient peu d’adeptes en Irak. Pour faire face à cette carence, AQI s’est transformé de groupe terroriste en groupe insurrectionnel. Cela signifie qu’AQI a commencé à prendre le contrôle de certains territoires et à concentrer certaines forces au sein de ces zones fortifiées.

En janvier 2006, AQI a fusionné avec d’autres mouvements sunnites sous le nom Majlis Shura al-Mujahidin (MSM). AQI continuait sa transformation de groupe terroriste international vers un groupe insurgé local. La mort d’al-Zarqaoui en juin 2006 n’a pas arrêté le processus. En octobre 2006, le MSM est devenu Dawlat al-Iraq al-Islamiyya, ou l’Etat Islamique d’Irak (EII), un nom qui scellait la nouvelle orientation glocale du groupe. Le nom Etat Islamique était destiné aux idéologues étrangers d’al-Qaïda, ce qui inscrivait le groupe dans la lutte jihadiste globale, alors que l’ajout du mot Irak ancrait la lutte dans le contexte local, ce qui visait à gagner le soutien de la population irakienne. La difficulté de cette structure glocale résidait dans les contradictions entre les ambitions des idéologues d’al-Qaïda et celles d’Irakiens traditionnellement sécularistes.

En développant le pôle insurrectionnel, AQI montait en puissance grâce au contrôle de régions entières, notamment dans la province d’Anbar. Cependant, AQI ne parvenait pas à créer un réel engouement populaire, ni à rallier les principaux groupes insurgés sunnites, comme indiqué dans ce graphique de la Fondation NEFA. Pire, peu à peu les Irakiens commençaient à se retourner contre AQI et à aider les militaires américains. Simultanément, AQI ne résistait pas à la pression de l’offensive américaine en 2007. Dès lors, le nombre de membres chutait considérablement, ainsi que le support matériel et financier.

Pour enrayer son déclin, AQI décidait une nouvelle fois de réadapter sa stratégie. Un document trouvé en Irak en janvier 2008 indique que le leadership d’AQI a demandé à ses membres d’arrêter les attaques indiscriminées contre les Sunnites afin de regagner le support des chefs locaux et de la population.

Désormais affaibli, AQI est retourné vers le pôle terroriste, comme indiqué par le dernier attentat perpétré à Karbala. Ce changement de pôle s’est effectué non par choix, mais par contrainte. En cinq années, AQI a oscillé entre le pôle terrorisme et le pôle insurrectionnel en fonction de ses capacités et de celles de ses adversaires. Le déclin actuel d’AQI ne mène pas automatiquement à sa fin. Il s’agit simplement d’un changement de pôle. En fait, après cinq années d’existence, l’histoire enseigne qu’AQI a de grandes chances de survivre sous une forme ou une autre pour encore plusieurs années.

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lundi 17 mars 2008

La "Génération Irakienne", Mujahidins de Demain

Les mujahidins afghans des années 1980 ont eu une influence énorme sur l’évolution du terrorisme international depuis les années 1990. Une fois la guerre contre les Soviétiques terminée, les combattants étaient « sans emploi » en quelque sorte, et donc cherchaient un nouveau théâtre d’opération. Ce qui a eu pour résultat de faciliter le terrorisme et les insurrections dans d’autres régions du monde comme en Bosnie, en Algérie ou dans les Philippines. Dès lors, il est logique de s’interroger sur les conséquences possibles de la « génération irakienne », issue du conflit actuel en Irak. J’avais déjà abordé cette question dans un article précédent, mais je voudrais résumer ici un article de Mohammed Hafez paru dans le dernier numéro du journal Sentinel, publié par le Combating Terrorism Center (West Point, U.S. Military Academy).

Les experts estiment généralement à 10.000 le nombre de mujahidin arabes (par opposition aux Afghans) qui se sont battus en Afghanistan. Ces Afghans-Arabes ont eu un rôle mineur dans le conflit. Cependant, ils se sont entraînés dans les camps militaires, ont acquis une expérience de combat, ont créé de vastes réseaux jihadistes et ont développé une idéologie propre. Une fois la guerre finie, les combattants arabes sont rentrés chez eux et ont rejoint quatre formes de militantisme différentes, selon Mohammed Hafez :

  1. Facilitateurs. La facilitation du jihad pouvait s’exprimer via le financement de groupes jihadistes, l’entraînement ou la protection de combattants. Mais aussi via la propagande et l’impression de faux papiers.
  2. Révolutions Islamiques Nationales. Certains anciens mujahidins ont rejoint les rangs de groupes qui tentaient de renverser le régime en place pour instaurer un régime islamique. C’était le cas notamment en Algérie où les « Afghans » ont rejoint les rangs du GIA, qui est rapidement devenu le principal mouvement de guérilla algérien en 1993, grâce à l’expérience des anciens mujahidins.
  3. Jihad Global. Certains anciens mujahidins ont rejoint le jihad global, en allant combattre auprès de « frères islamiques » en Tchétchénie ou en Bosnie.
  4. Terroristes Non-Affiliés. Enfin, plus rarement, d’anciens afghans ont mené des opérations isolées dans leur pays d’origine ou ailleurs au nom du jihad.

Mohammed Hafez compare ensuite la situation des Afghans-Arabes avec celle des jihadistes étrangers présents en Irak aujourd’hui. D’un côté, le potentiel de la « génération irakienne » est plus élevé notamment parce qu’elle a davantage d’expérience du combat, et parce que les possibilités de communication sont plus importantes aujourd’hui grâce à la technologie que dans les années 1990. D’un autre côté, les « jihadistes étrangers » en Irak ont beaucoup plus de difficultés à s’extrader parce que peu d’états sont disposés à les accueillir et le niveau de surveillance est beaucoup plus élevé qu’auparavant.

Il est probable que la « génération irakienne » se déplace vers trois types d’environnement : là où il y a déjà des conflits liés au jihad ; là où leur sécurité peut être garantie (soit par un état fort, soit par un état faible) ; et là où ils bénéficient d’importantes connexions.

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Affaire Belliraj: Un Attentat Déjoué en Grande-Bretagne

La Libre Belgique a annoncé dans son édition de samedi que Belliraj, dont j'ai parlé dans un article précédent, aurait aidé à éviter une attaque terroriste en Grande-Bretagne. Des stocks d'armes avaient été retrouvés en 2005. Apparemment, Belliraj aurait fourni des informations à la Sûreté de l'Etat belge qui aurait ensuite averti ses homologues britanniques. Ce qui confirmerait que Belliraj était bien un informateur pour la Belgique. Encore beaucoup de doutes et d'incertitudes dans une affaire décidément fort compliquée.

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mercredi 12 mars 2008

Petite Pause Jusque Lundi Prochain

Je serai absent durant quelques jours, probablement sans accès à internet. Le Front Asymétrique reprendra ses activités normales lundi 17 mars. J'avais espéré avoir le temps d'écrire un dernier article mais il se fait tard.
Pendant cette absence, je vous encourage à rester au contact de l'actualité via les blogs de Joseph, Stéphane, Tanguy et François, ainsi que via les nombreux autres sites référencés dans la colonne de droite. Je vais réactiver la fonction "modération des commentaires" pour éviter tout dérapage. Donc n'hésitez pas à publier un commentaire, il sera visible dès lundi matin.

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mardi 11 mars 2008

Eco-Terrorisme, Menace n°1 aux Etats-Unis

Un article dans le Times explique que les organisations environnementales extrémistes sont à nouveau la principale menace domestique contre la sécurité américaine, selon le FBI. J'avais déjà évoqué ce sujet dans un article précédent.

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La Chine Lance sa Guerre contre le Terrorisme

Les Jeux Olympliques de Pékin verront-ils planer l'ombre menaçante du terrorisme? A en croire les autorités chinoises, oui. Vendredi, un avion de la China Southern aurait été la cible de terroristes ouïgours. "L’équipage a déjoué un projet d’attentat terroriste", a annoncé le gouverneur de la province du Xinjiang, région du Nord-Ouest de la Chine où se trouvent les séparatistes ouïgours. Fin janvier, la police avait annoncé le démantèlement d'un "gang terroriste" dans le même Xinjiang. Un an auparavant, la police avait détruit ce qui aurait été un camp d'entraînement pour terroristes.

Selon l'agence de presse Xinhua, la lutte contre le terrorisme serait devenu l'une des priorités du gouvernement chinois. Wang Lequan, chef du Comité du Parti communiste chinois pour la région du Xinjiang, s'est dit résolu à combattre les "trois forces du mal" à savoir les séparatistes, les terroristes et les extrémistes dans la région autonome Ouïgoure du Xinjiang.

Cette annonce est quelque peu surprenante. En effet, le terrorisme est un phénomène très marginal en Chine. Le Département d'Etat américain ne mentionne pas la Chine dans son dernier rapport sur le terrorisme (2006), et selon la base de données MIPT, la dernière attaque terroriste en Chine remonterait à 2005. Cette même base de données ne comptabilise que 22 attaques terroristes depuis 1976. Ce qui peut signifier trois choses: soit il n'y a pas de terrorisme en Chine; soit le gouvernement chinois garde tout cela très secret; soit les autorités chinoises sont très efficaces dans la lutte contre-terroriste. Personnellement, je crois qu'il y a un peu des trois.

L'annonce très remarquée de ces attaques terroristes, cependant, pose deux autres questions: pourquoi cette annonce, et pourquoi maintenant?

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lundi 10 mars 2008

Légaliser le MEK ou non?

L'excellent blog "Middle East Strategy at Harvard" a publié un article qui proposait d'enlever le groupe terroriste iranien Mujahedin-e Khalq (MEK) de la liste américaine des groupes terroristes. Motif: le MEK a fourni de nombreuses informations précieuses aux Américains sur le programme nucléaire iranien et devraient, dès lors, être récompensés. Matthew Levitt, au contraire, estime que les Etats-Unis ne peuvent pas jouer sur deux tableaux en matière de contre-terrorisme, interdisant certains groupes et autorisant d'autres.

Les deux points de vue sont "logiques" et très intéressants. Ce débat rappelle la subjectivité et la charge politique qui domine dans les débats sur le terrorisme. Les Américains et les Européens ont à ce point de vue eu de nombreuses querelles, notamment concernant le Hamas ou le Hezbollah.

Pour ceux désireux d'en savoir un peu plus sur le MEK, voici un question-réponse que j'avais rédigé l'année dernière pour un cours.

Name of terrorist organization: Mujahedeen-e Khalq

1.In what country/countries is the organization based?
France (leadership). Iraq (training bases).

2.When was the organization founded?
Septmeber 6, 1965. The MEK existed at first more as a secretive organization. They conducted their first operation in 1971.

3.In what country/countries is the organization active?
The organization is mainly active in Iran since their goal is to overthrow the mullah’s regime, but the 1992 attacks conducted on Iranian embassies in 13 different countries demonstrated the group’s ability to mount large-scale operations overseas.
They also conduct propaganda campaigns all around the world. They have an overwhelming presence in Western Europe.

4.What prompted the organization’s emergence?
It was founded by some Iranian students, members of the Liberation Movement of Iran, a nationalistic, liberal party formed by supporters of then Prime Minister Mohammed Mossaddegh. The failed June 1963 uprising in Iran prompted younger members of the party to start considering violent means to challenge the Shah. A discussion group, formed by some of these younger members, became the nucleus of the MEK.

5.What is/are the self-declared political goal/s of the organization?
The MEK's goal is to overthrow the Iranian government and replace it with the National Council of Resistance of Iran, a coalition of Iranian opposition groups which claims to be the transitional parliament-in-exile with 570 members. At a 1995 conference, the group outlined a 16-point plan:
•Guarantee freedom of belief, expression and the press, without censorship;
•Guarantee freedom for political parties, unions, groups, councils, forums, syndicates, except those loyal to either the Shah or Ayatollah Khomeini, provided they stayed within the law;
•Ensure governments would be elected;
•Respect for the Universal Declaration of Human Rights;
•Abolish courts, tribunals, security departments introduced by the Ayatollah Khomeini regime;
•Ensure women enjoy the same social, political and cultural rights as men (including a ban on polygamy);
•Abolish privileges based on gender, religion or ethnic group;
•End discrimination against religious minorities;
•Abolish compulsory religious practice;
•Secure Iranian territorial integrity while recognizing the right of Iranian Kurdistan to autonomy;
•Safeguard all social, cultural and political rights for ethnic minorities;
•Repeal what the MEK deems to be anti-labor, anti-peasant laws;
•Encourage a return from exile for all who fled either the Shah or Khomeini regime;
•Base the economy on the free market, national capitalism and private ownership;
•Provide welfare needs to the poor; and
•Improve Iran's foreign relations with neighboring and other states, to live in peaceful co-existence.

6.Do members of the organization typically belong to a particular ethnic, religious or cultural group?
The organization was founded by college educated children of Iranian merchants.
The MEK is a Shiite movement from Islamo-Marxist inspiration.
They recruit essentially urban Iranians.

7.What method/s of threat or attack does the organization employ?
Since the beginning of the armed struggle in 1971, the organization has used mainly three tactics:
•Assassination (with firearms or explosives)
•Armed attacks (with firearms or rockets)
•Bombing (with mortar shells)

The organization also held hostages in the United States in 1981 and they supported the take-over in 1979.

8.Has the organization ever employed suicide attacks?
No.

9.Does the organization have a preferred method of attack? If so, what is it?
Yes. Mortar and fire attacks.

10.Has there been any change in the organization’s preferred mode of attack over time? If so, please briefly describe these changes as well as what prompted them.
Before the Islamic revolution, the organization had wide popular support. Since they fled to Iraq and collaborated with Saddam Hussein, they lost that support, which made operations from the inside harder. At the same time, Hussein gave heavy artillery to the MEK (e.g. tanks) that allowed the group to operate directly from their Iraqi bases.
The few real military operations (invasion from Iraq with their tanks) they tried were such a failure that they gave up that option.

11.What types of targets does the organization typically attack?
The group typically attacks Iranian diplomatic or government members. They also target religious figures, but because they use mortar or explosives in crowded cities they provoke a lot of civilian casualties, even if it is not the objective.
Most of the clashes oppose the MEK with military forces.

12.Has there been any change with regard to the targets chosen by the organization over time? If so, please briefly describe these changes as well as what prompted them.
The organization was founded to overthrow the Shah’s regime (first target). They hoped to take power after the coup. After the Islamic revolution, however, the mullahs took the power and the MEK redefined its objective: overthrow the mullahs’ regime (second target).

13.At any time during the organization’s existence, has there been a civil war in the country/countries in which the organization is active?
It is a fact that the country lived through a revolution from September 1978 until December 1979. Since then, the MEK has struggled against the Islamic regime. Another civil war broke out in March 1979 and lasted till July 1984.
According to the Uppsala Conflict Database, there has been an intrastate conflict of intermediate intensity since 1971.

14.Did the country/countries in which the organization is active experience a civil war at any point prior to the organization’s founding? If yes, when did the civil war end?
No.

15.Were there any foreign troops (including peacekeeping missions) stationed in the country/countries in question prior to the organization’s emergence? If so, what countries were these troops from?
Just after World War II, there were British, American and Soviet troops on Iranian soil. They all withdrew in 1946 (the Soviets left last).
Later, when the Shah took power, he received discrete help from the United States. In 1959, for instance, there were approximately 900 US troops and officers training Iranian troops.

16.Did any foreign troops (again, including peacekeeping missions) deploy to the country/countries in question after the organization’s emergence? If so, what countries were these troops from?
The American support lasted until the Shah was overthrown during the revolution.
On April 24th and 25th 1980, the United States deployed to complete the mission called “Operation Eagle Claw” to free the hostages in the American embassy of Tehran.
During the war between Iran and Iraq, Iraqi troops invaded Iran.
At the end of the conflict, the United Nations created a peace keeping mission called UNIIMOG that lasted from August 1988 until February 1991.

17.Did the presence of foreign troops have any impact on the emergence or behavior of the organization? If yes, what exactly was the effect of the troop deployment?
Yes. The people who created the MEK saw the Shah as a corrupted puppet of the Western world. The presence of American officers and the huge transfers of money from America reinforced that conviction.

18.Is the country/countries in which the organization is active a U.S. ally? (If the organization is active in multiple countries, indicate which of them are U.S. allies)
No.

19.If the answer to the preceding question is yes, did the alliance with the U.S. precede or postdate the emergence of the organization?
/

20.Is the country/countries in which the organization is active a recipient of US military aid?
No.

21.If the answer to the preceding question is yes, did U.S. military aid precede or postdate the emergence of the organization?
/

22.Has the organization ever deliberately targeted US citizens or military personnel? If so, in which ways?
The MEK supported the students who took the members of the American embassy hostage in Tehran in 1979, but there were no casualties.
In the early 1970s, however, they killed several US soldiers and civilians working on defense projects in Iran.

23.What actions, if any, has the U.S. government taken against the organization?
None. After the take-over of 1979, America sold weapons to the Iranian regime at war against Iraq (where most of the MEK members fled), but it was not really a measure against the MEK.
During the 2003 invasion, the Pentagon ordered a bombing of the MEK camps in Iraq, but they finally reached an agreement after the MEK members voluntarily disarmed. Since then, the US army protects them (for instance against attacks of the Patriotic Union of Kurdistan militia who wants to avenge the MEK’s assistance to Saddam to crush the Shiite and Kurdish uprisings). The MEK members are now protected under the Geneva Convention and it seems that the US troops were deliberately lenient towards the organization, permitting the MEK to run its radio station and possibly allowing it to bury its weapons and ammunition.

24.Does the organization have any known ties to other terrorist organizations? If so, what are the names of these organizations?
In the past, yes. MEK members used the training camps of the Amal group in Lebanon and of the PLO.
In December 2001, the Asia Times revealed that the MEK organization was hiding Osama Bin Laden in Iran, but that information has not been confirmed.

25.Does the organization possess any cross-border sanctuaries (such as the PKK in northern Iraq)?
Yes. They are located in Iraq.

26.Is the organization known to receive, or suspected of receiving / having received support from a foreign government? If so, what are the governments in question?
In the past, yes. They received support from Saddam Hussein from 1980 until he was overthrown. In return, they helped him to repress the Shiite and Kurdish insurgencies.
It is also obvious that MEK members were trained in Palestine, Libya, Cuba and Lebanon before the Islamic revolution.
Today, the United States is hesitant about supporting them (see question 28).

27.Has the group achieved any concessions – either explicit or implicit – from the government/s it has targeted? Examples of concessions include economic or political reform, granting of territorial autonomy withdrawal of foreign troops, significant changes in a country’s foreign policy, etc.
No. The only possible concession came from Khatami who said that Iran was ready to accept MEK fighters who regretted their acts and could be judged according to the law. Even if the sincerity of that offer and the neutrality of the Iranian judges is questionable, it is a drastic change from the early 1980’s and 1988, when the hunt for MEK sympathizers and other dissidents resulted in thousands of executions. In the early 1990’s, Iranian intelligence agents were implicated in a series of assassinations of MEK chiefs across Europe.

28.Is there anything particularly noteworthy about the organization that is not covered by the questions listed above?
The situation of the MEK is very interesting today with the tensions between Washington and Tehran. Some in Washington think that it would be a good idea to swap MEK members for al-Qaeda members present in Iran, but that would encourage Iran to welcome more terrorists on its soil. Others think that it would be a better idea to use the MEK to overthrow the Iranian regime, but the organization lacks legitimacy.
Another important point is that the organization has not conducted any terrorist action since 2001. Given that the FTO list is uploaded every 2 years, the MEK should logically be erased from that list. The State Department asserts that MEK has engaged in terrorist activity by soliciting funds, by providing material support including training, and by planning or preparing terrorist activity. The MEK leaders argue that their organization is inscribed on the list only because it is one of the conditions imposed by Tehran to continue the negotiations on its nuclear equipment.
Finally, it seems that the MEK organization gave a lot of valuable information to the IAEA and to western governments about the Iranian nuclear program.

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La Prochaine Génération de Terroristes

La quantité de lectures disponible sur le terrorisme est impressionnante mais, malheureusement, souvent de qualité très inégale. Le dernier livre de Marc Sageman, un ancien officier de la CIA, intitulé « Leaderless Jihad » fait sans aucun doute partie des ouvrages de qualité supérieure. Une version courte de la théorie de Sageman est accessible dans un article paru dans Foreign Policy Magazine.

Son hypothèse est simple : nous faisons face aujourd’hui à la troisième vague générationnelle d’al-Qaïda, très différente des deux précédentes. La première vague est apparue dans les années 1980 lorsque des Islamistes se rendaient en Afghanistan et au Pakistan pour lutter contre les Soviétiques. Ces jihadistes étaient généralement dans la trentaine, et issus de la classe moyenne. La deuxième vague était formée d’étudiants originaires du Moyen-Orient qui avaient émigrés en Europe et aux Etats-Unis pour étudier. Mais, suite à des difficultés d’intégration, certains ont décidé de rejoindre les camps d’entraînement d’al-Qaïda en Afghanistan dans les années 1990.

Les deux premières vagues, selon Marc Sageman, donnaient à al-Qaïda un caractère hiérarchique, centralisé et religieux. La troisième vague, au contraire, est décentralisée, dispersée et non religieuse. La nouvelle génération de terroristes serait beaucoup plus jeune. Elle serait aussi coupée des leaders d’al-Qaïda, forcés à l’isolement par la « guerre globale » contre le terrorisme. Ce que Sageman appelle les « wannabe terrorists » – ce qui pourrait être vaguement traduit par les « aspirants terroristes » – ne sont pas recrutés, mais se recrutent eux-mêmes – c’est-à-dire qu’ils prennent la décision de se lancer dans le terrorisme sans influence externe, suite à une réflexion autonome. Les ‘aspirants terroristes’ sont décentralisés, dispersés, auto-financés, auto-entraînés, n’obéissant qu’à eux-mêmes tout en étant globalement connectés. La troisième vague de terroristes est essentiellement motivée par les événements en Irak et les images qui en émanent (Abu Ghraib, Guantanamo,…).

Pour illustrer son propos, Sageman revient sur le cas de Younis Tsouli, ce jeune Marocain de 22 ans, fils de diplomate qui vivait à Londres. Dans l’intimité de sa chambre, il était l’un des cyber-terroristes les plus recherchés au monde. Il réorientait les ‘aspirants terroristes’ vers des sites jihadistes adéquats et fournissait des instructions pour fabriquer des bombes. Lorsque la police a arrêté le jeune Tsouli, elle ne se doutait pas qu’elle avait attrapé le célèbre « terroriste007 », son surnom sur internet. Ce n’est qu’en fouillant son ordinateur que les enquêteurs ont découvert tout le matériel jihadiste. Younis Tsouli avait commencé par regarder quelques films de propagande d’al-Qaïda sur internet. Petit à petit, il avait acquis une collection impressionnante de ces films et commençait à naviguer à travers les sites jihadistes et à créer ses propres sites. Rapidement, il son nom est apparu en haut de la liste des personnes recherchées par la CIA et le MI6. Un exploit dont il était très fier.

Selon Sageman, la nouvelle génération de terroristes particulièrement dangereuse parce que des jeunes individus isolés peuvent très facilement transformer leurs frustrations en actes terroristes. Cependant, tempère Sageman, la force de cette nouvelle vague est aussi sa grande faiblesse. En effet, l’intensité de cette nouvelle vague dépend de la volonté des ses membres. Or, personne ne contrôle cette volonté. Pas même al-Qaïda. Donc, à mesure que la situation en Irak s’améliore, al-Qaïda pourrait venir à disparaître.

Pour mettre fin au terrorisme, Sageman dit qu’il est impératif de traiter les terroristes comme de simples criminels, et d’arrêter de les héroïser. Il met en cause le rôle des médias dans la prolifération du terrorisme contemporain. Si le terrorisme prédate de loin l’apparition des médias, il ne fait aucun doute que les médias jouent un rôle dans la lutte contre le terrorisme. Les images d’Abu Ghraïb, par exemple, ont été un élément central pour beaucoup d’individus qui ont décidé de rejoindre le jihad. Les médias ont une part de responsabilité dans la propagation du terrorisme. Je n’ai pas de solution miracle à proposer, mais je crois que les rédactions internationales doivent davantage prendre connaissance de leur part de responsabilité.

L’analyse de Marc Sageman est très intéressante, bien que je ne la partage pas entièrement. Quelques nuances peuvent être apportées à sa thèse. Premièrement, lorsque la guerre en Irak sera terminée, autre chose prendra peut-être – sans doute ? – le relais pour motiver les jihadistes à travers le monde. Deuxièmement, l’Irak a créé une nouvelle génération de terroristes dont Sageman ne parle pas, une quatrième génération de terroristes en quelque sorte, dont l’effet à long terme est aussi préoccupant qu’incertain. La guerre en Afghanistan dans les années 1980 a eu des conséquences énormes sur le terrorisme international, des conséquences encore visibles aujourd’hui. Plus la guerre en Irak continue, plus la 'génération irakienne' pourrait avoir un impact similaire dans le futur. Troisièmement, Sageman prétend que la religion était un élément central dans les deux premières vagues, alors qu’elle n’aurait plus d’importance aujourd’hui. Je partage son avis que l’Islam n’est pas central dans l’action des terroristes aujourd’hui. Mais, à l’inverse, je pense que le rôle de l’Islam dans le passé ne doit pas être exagéré. En Algérie, par exemple, lorsque la guerre civile a débuté en 1992, un grand nombre de ceux qui ont rejoint la guérilla islamiste n’étaient pas des jihadistes, mais des jeunes sans emploi, sans perspective d’avenir (les ‘hittistes’), qui héroïsaient les maquisards. Enfin, sur la notion même de « leaderless jihad », Sageman est trop affirmatif. Bien que je sois d’accord avec l’idée d’un cyber-réseau global, le terme « leaderless » peut induire en erreur. En effet, tous les terroristes ne sont pas totalement isolés et reliés uniquement via internet. Il est préférable de concevoir le concept de « leaderless » comme un axe allant de la cellule terroriste organisée de manière hiérarchique, ayant des contacts avec d’autres cellules, jusqu’à l’individu totalement isolé, le ‘loup solitaire’.

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La Politique Contre-Terroriste Ambigüe de Musharraf

Le terrorisme au Pakistan est une matière complexe et délicate. Islamabad a parfois ouvertement supporté des groupes terroristes/insurgés pour servir ses intérêts. C’était le cas dans les années 80 quand le Pakistan soutenait les moudjahiddines, ou dans les années 90 en soutenant les Taliban. Cependant, depuis le 11 septembre, Musharraf se trouve dans une situation embarrassante : allié des Etats-Unis, il veut faire bonne figure dans la « guerre contre le terrorisme », ce qui l’oblige à se retourner contre ses anciens alliés. Cette politique a créé quelques tensions au sein de l’armée, mais aussi beaucoup d’amertume parmi les groupes terroristes qui se sont retournés à leur tour contre le régime pakistanais. En bref, le 11 septembre et la guerre américaine contre le terrorisme s’est traduite au Pakistan par une intensification du « front asymétrique », c’est-à-dire un accroissement de la lutte entre le gouvernement et les groupes terroristes/insurgés, mais aussi par le développement d’une stratégie ambigüe qui ne peut se comprendre que lorsque vue dans sa totalité.

Les groupes terroristes au Pakistan

De manière générale, les groupes terroristes pakistanais peuvent être regroupés dans cinq grandes catégories :

  1. Groupes sectaires : Organisations ethniques qui se battent contre des ethnies opposées à l’intérieur du Pakistan. Par exemple, le groupe sunnite Sipah-e-Sahaba ou le groupe chiite Tehrik-e-Jafria.
  2. Groupes Kashmiri : Organisations présentes dans la région du Kashmir, disputée entre l’Inde et le Pakistan. Ces groupes ont été historiquement soutenus par le gouvernement et les services de renseignement pakistanais. En fait, une seule insurrection kashmiri est réellement originaire du Kashmir : Hizbul Mujahideen. Les autres mouvements sont composés de Pakistanais. Par exemple, Harakat ul-Mujahedeen, Jaish-e-Muhammad, ou Lashkar-e-Taiba.
  3. Taliban Afghans : Une partie des Taliban afghans se cache au Pakistan pour échapper à la contre-insurrection menée par les forces de l’Otan.
  4. Taliban Pakistanais : L’organisation talibane pakistanaise se distingue de son homologue afghane. Malgré des connivences idéologiques et un soutien mutuel, les deux groupes obéissent à différents leaderships et suivent des agendas divergents. Depuis décembre 2007, plusieurs petits groupes taliban se sont regroupés sous l’appellation Tehrik-i-Taliban Pakistan (TTP). Baitullah Mehsud est le chef du groupe. Hassan Abbas rappelle que les Taliban pakistanais ne s’identifiaient pas comme Taliban avant l’invasion américaine de 2001. Aujourd’hui, non seulement ils combattent le gouvernement pakistanais (36 attaques suicides contre l’armée pakistanaise en 2007), mais ils font également face à l’offensive de l’Otan.
  5. Al-Qaïda et Affiliés : Oussama Ben Laden et de nombreux membres d’al-Qaïda sont soupçonnés de se cacher au Pakistan. Cette hypothèse a été en partie confirmée par la mort d’al-Libi, leader de l’aile libyenne d’al-Qaïda.

Les dilemmes de Musharraf

Dans un article publié par Carnegie Endowment, Ashley Tellis explique la stratégie complexe du régime Musharraf en matière de contre-terrorisme. Tout d’abord, en rejoignant la coalition américaine contre le terrorisme, Musharraf s’est donné la légitimité nécessaire à l’éradication de groupes terroristes présents au Pakistan. Cependant, il a agi de manière sélective, en réprimant les groupes qui posaient un danger potentiel contre Islamabad, tout en épargnant voire en soutenant d’autres groupes utiles à la politique étrangère du Pakistan. Les efforts en matière de contre-terrorisme se sont donc concentrés dans un premier temps sur les groupes sunnites Lashkar-e-Jhangvi, Sipah-e-Sahaba Pakistan, Harkat-ul-Mujahideen al-Alami, Jundullah, et Harkat-ul-Jihad-e-Islami, ainsi que sur le groupe chiite Sipah-e-Muhammad.

La relation entre Musharraf et les groupes terroristes du Kashmir est ambigüe. Le Pakistan avait de longue date financé et armé ces nombreux groupes qui attaquent l’Inde depuis le Kashmir pakistanais. En joignant la coalition contre le terrorisme, Musharraf n’a pas interrompu son soutien, mais plutôt remplacé son soutien matériel par un soutien moral. Néanmoins, depuis l’amélioration des relations entre l’Inde et le Pakistan, Musharraf a dû aller encore un cran plus loin dans son contrôle sur les terroristes kashmiri. Désormais, il tente dans la mesure du possible de moduler l’action des groupes terroristes en fonction de l’état des relations entre l’Inde et le Pakistan, de manière à rejeter la faute sur le manque de volonté indien lors d’attentats terroristes.

La relation entre le Pakistan et les Taliban afghans est fort similaire à celle avec les Kashmiri. Dans les années 1990, le Pakistan avait participé à la montée des Taliban dans un souci d’établir un régime amical le long de sa frontière Ouest, et surtout d’éviter une interférence de l’Inde. Dès lors, le régime Musharraf s’est montré assez peu enclin à poursuivre les Afghans qui se sont réfugiés dans les zones tribales pakistanaises. Il semble que l’armée laisse une relative liberté aux Taliban afghans, ce que semble confirmer les statistiques : le Pakistan a capturé et tué nettement plus de membres d’al-Qaïda que de Taliban. En outre, le Pakistan est inquiet au regard du rôle grandissant de l’Inde dans la reconstruction de l’Afghanistan, simultanément à une détérioration des relations entre Kaboul et Islamabad. Le Pakistan reste toujours préoccupé par l’instauration d’un régime hostile à sa frontière occidentale.

A l’inverse, la relation avec les Taliban pakistanais est beaucoup plus tendue puisque ces derniers ont lancé de nombreuses attaques contre le gouvernement, et Musharraf a accusé Mehsud pour l’assassinat de Benazir Bhutto. Le Pakistan a aussi développé des efforts considérables contre al-Qaïda, malgré les liens – directs ou indirects – qui unissaient jadis le groupe de Ben Laden au Pakistan, et malgré l’impopularité de cette action auprès d’une partie de la population pakistanaise acquise à la cause d’al-Qaïda. Le Pakistan a actuellement plus de 85.000 militaires déployés le long de la frontière avec l’Afghanistan, dont 600 ont déjà perdu la vie.

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vendredi 7 mars 2008

Le 'Marchand de Mort' Arrêté

Viktor Bout, le plus célèbre marchand d’armes de la planète, a été arrêté ce jeudi en Thaïlande. Des agents de la DEA (agence anti-drogue américaine) se sont fait passer pour des membres de la guérilla marxiste colombienne FARC et ont arrêté le « businessman » russe, prétextant un achat d’armes pour plusieurs millions. Viktor Bout était l’un des hommes les plus recherchés au monde, figurant sur la liste noire d’Interpol. Malgré cela, il vivait en toute impunité, en Russie, sous haute protection.

Le personnage de Bout est assez fascinant en soi. Mais ce sont surtout ses activités qui sont intéressantes, offrant un exceptionnel reflet de l’évolution de la guerre dans l’ ‘après-Guerre Froide’. Lorsque les Etats-Unis et la Russie ont arrêtés de fournir les multiples rébellions à travers le monde, coupant ainsi l’offre d’armes de manière abrupte, la demande n’en a pas pour autant diminué. Viktor Bout a alors saisi l’opportunité. Il était l’un des pionniers de ce que l’on appelle aujourd’hui la « privatisation de la guerre ».

Démarrant par le commerce de fleurs (achetées 1 dollar, revendues 100 dollars), Viktor Bout a développé son entreprise rapidement et, suite à divers contacts, il a réorienté ses affaires vers un commerce moins romantique : les armes. Au fil des années, il est devenu l’un des principaux fournisseurs en armement de différents groupes armés (y compris l’alliance du Nord en Afghanistan et les FARC en Colombie) et de gouvernements (il était très proche de nombreux dictateurs africains).

Surveillé depuis très longtemps (notamment par des enquêteurs belges), il n’avait cependant jamais été arrêté. Deux raisons peuvent expliquer cela. D’une part, il semble que ses activités s’inscrivaient dans le néant du droit international. Autrement dit, aucune loi n’interdisait à Bout de poursuivre son petit business. D’autre part, plusieurs gouvernements semblaient profiter des services de Viktor Bout.

Deux excellents articles sur Viktor Bout sont à mentionner ici. Le premier est de Douglas Farah, journaliste au Washington Post et auteur du livre « Marchand de Mort », sur Viktor Bout. Extraits :


"9/11 changed Bout from an international pariah into a potential asset for U.S. intelligence services, and he quickly sensed the shift in his fortunes. Through an associate, he secretly contacted the CIA numerous times about providing weapons, helicopters, trucks and communications to the anti-Taliban Northern Alliance, according to U.S. documents and officials."

(...)"Two things make Bout unique: his airlift capacity and his easy access to stores of weapons that include the ubiquitous AK-47, attack helicopters and surface-to-air missiles. By the mid-1990s, this former Soviet air force officer had amassed more than 60 aircraft -- a fleet larger than the air forces of many NATO nations. Most of the airplanes were plucked from the former Soviet air fleet; scores of aircraft, from biplanes to super cargo carriers, had been left to rust on airstrips for lack of fuel and maintenance."

(...)"According to a 2006 Amnesty International report, Aerocom, a Moldovan-registered company linked to Bout, obtained a U.S. military contract in 2004 to fly 200,000 AK-47 assault rifles and millions of rounds of ammunition from Bosnia to Iraq. The day before the first Aerocom flight that August, the Moldovan government canceled its air-operations certificate, making any flights illegal. Bout was already on a U.N. and Treasury Department blacklist and was wanted by Interpol; Aerocom had been publicly cited in U.N. reports for illicit weapons trafficking. The flights took off nonetheless, but there are no records showing that they ever actually landed in Iraq. In other words: An international outlaw using unlicensed aircraft took control of U.S. government-purchased weapons -- which then disappeared."


Le second article est de Peter Landesman, paru dans le New York Times Magazine. Extraits :


"Often, traffickers simply assume that authorities won't bother to check their cargo. In late September 2001, two weeks after the terrorist attacks in New York and Washington, a Hungarian trading company in Budapest filed a request to ship Ukrainian cargo to an American firm based in Macon, Ga. No one had ever heard of the Ukrainian company with the vanilla name -- ERI Trading and Investment Company -- and for good reason. A Hungarian bureaucrat making a random inspection of the cargo discovered that the shipment included 300 Ukrainian surface-to-air (SAM) missiles and 100 launchers. SAM's are light, mobile and easily hidden, and American agents later feared that they were going to be distributed to terrorists near America's major airports. (The cargo wasn't permitted to take off; the American buyer was arrested in June.)"

(...)"Bout flew U.N. peacekeepers to East Timor and Somalia, and possibly to Sierra Leone. (''The U.N. always goes for the cheapest contracts,'' Peleman said.) In 1994, during the Rwandan genocide, Bout said, the French government asked him to help implement Operation Turquoise to halt the fighting and facilitate aid shipments to refugees. Bout told me that he flew in 2,500 elite French troops. He also told me that he extracted Mobutu from Congo."

(...)"There is simply not a lot of law -- American, international or otherwise -- on arms trafficking. Since the mid-1990's, not one U.N. arms embargo has resulted in the conviction of an arms trafficker. The U.N. has no power to arrest. Interpol depends on the cooperation of local authorities. Astonishingly, despite having the toughest arms-trafficking laws in the world, the U.S. has not prosecuted a single case of arms trafficking."

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jeudi 6 mars 2008

Terrorism Focus: Affaire Belliraj

Je viens de publier un article sur l'affaire Belliraj dans le dernier numéro de Terrorism Focus paru ce mardi. Le lien permanent vers l'article est ici.

Morocco Charges Cooperation Between Terrorists and Organized Crime
By Thomas Renard

Moroccan intelligence is claiming its greatest success against terrorism since the 2003 suicide attacks in Casablanca that killed 45 people. Two weeks ago, the government announced the arrest of 35 alleged members of a cell led by Abdelkader Belliraj, who holds both Belgian and Moroccan citizenship. The revelation came as a surprise to Belgian intelligence, which monitored Belliraj and other suspects for years without finding evidence of their involvement in terrorist activities. If Moroccan accusations are confirmed, the case could rock the counter-terrorism community for two reasons. First, the Belliraj network could become one of the most glaring illustrations of a growing nexus between terrorism and organized crime. Second, it would confirm the existence of a long-debated connection between Shiite and Sunni radical groups. The question is whether the Moroccan allegations have any real substance.

Since February 18, Moroccan police forces have arrested 35 persons. Surprisingly, the suspects include politicians, businessmen, bureaucrats, a police commander and the correspondent of Hezbollah’s al-Manar TV (Radio television belge de la communaute francaise, February 21). A stockpile of arms was found during the police raids, including AK-47 assault rifles, Skorpio machine pistols, Uzi machine guns and detonators (Actualites du Maroc, February 20). According to the authorities, it was the most formidable arsenal ever seized in a terrorism case in Morocco.

On February 20, the small Islamist party al-Badil al-Hadari (Civilized Alternative) was dissolved by the Moroccan government in the aftermath of the arrests, with the government claiming strong connections between the party and the Belliraj network (Le Soir, February 21). Among the 35 detainees, several were affiliated with the party, including its secretary general. The members of the Belliraj network were charged with a long list of crimes led by “setting up a criminal gang to prepare and commit terrorist acts as part of a collective plan aimed at undermining public order through fear and violence” (Maghreb Arabe Presse, February 29).

According to Moroccan Minister of the Interior Chakib Benmoussa, the targets of the cell included government ministers, high officers of the Forces Armees Royales (Moroccan armed forces) and Jewish Moroccans (Le Matin, February 22). Chakib Benmoussa claimed that the Belliraj network had prior contacts with al-Qaeda in Afghanistan, the Groupe Islamique Combattant Marocain (GICM) and the Algerian Groupe Salafiste pour la Predication et le Combat (GSPC) (Maghreb Arabe Presse, February 20). The Belliraj network is also reported to have sought permission to train in camps of the Lebanese Hezbollah in 2000 (Aujourd’hui le Maroc, February 28).

The allegations of the Interior Minister offer the picture of a terrorist cell that scorns religious and ideological cleavages. The alleged leader, Abdelkader Belliraj, is a 51-year old Moroccan-Belgian Shiite. He moved to Brussels in the 1980s, where he was known for militancy on Palestinian issues. He was also allegedly close to the Syrian Muslim Brothers (Le Vif, February 27). Other members of the network previously had contacts with several radical movements, including Chabiba Islamiya (Islamic Youth), created in the 1970s (Le Soir, February 21). To make things even muddier, some of the suspects, including Mustapha Moatassim, secretary general of the dissolved Islamic party al-Badil al-Hadari, were close to leftist movements. Despite occasional Sunni-Shiite collaboration in the past, the Belliraj network appears to be an exceptional case of a militant Shiite group with ideological ties to far-left politics, created with the help of Sunni organizations.

Other allegations of the Moroccan government are related to events that occurred in Belgium and Luxemburg. According to Interior Minister Benmoussa, Belliraj was responsible for six unresolved cases of assassination in Belgium between 1986 and 1989. Belliraj was questioned by Belgian investigators concerning the murder of the rector of the Brussels Grande Mosquee, Abdullah al-Ahdal, in March 1989, but was released due to a lack of evidence (Le Soir, February 25). Some of these attacks were claimed by the now-defunct Abu Nidal group, raising the possibility that Belliraj was a hitman for Abu Nidal.

In addition, Rabat pointed to the Belliraj network as the culprits in a series of hold-ups between 1992 and 2001. In 2003, Abdellatif Bekhti, another Belgian-Moroccan, was sentenced to prison for the hold-up of a Brink’s depot in Luxembourg in 2000. He escaped two months later and disappeared until his arrest in the Belliraj case two weeks ago. It is estimated that Bekhti received about $5 million of the $24 million taken in the robbery. That money was later laundered through Moroccan hotels and real estate and was used to finance the group, according to police (Le Quotidien, February 21).

Not every terrorist group receives $5 million in its bank account overnight. Questions arise over why the group undertook such a dangerous plan and what the ultimate destination was for the funds collected through this and other robberies. There is a growing concern among specialists regarding a potential nexus between terrorism and organized crime—the Columbian FARC and the Taliban are often mentioned as illustrations. But the nexus, in their case, primarily involves drug trafficking. Cases of grand banditry are much rarer. Conducting a major hold-up in Western Europe requires skill, sophistication and careful planning.

Belgian authorities remain relatively dubious concerning the Moroccan allegations. Indeed, Belliraj was well-known in Belgium. He was monitored and even interrogated but always released. According to Belgian intelligence, Belliraj did not have the profile of a terrorist (Le Soir, February 20). Given that there was no bilateral cooperation on this case, Belgian investigators wonder what information Moroccans have that Belgium does not. Belgian police officials have been sent to Rabat to pursue the matter.

Belgian newspaper La Libre Belgique wonders whether Moroccan intelligence officials are not merely attempting to please the Moroccan king (February 22). Some specialists interpreted the firing of General Hamidou Laanigri, head of the Direction Generale de la Surete Nationale (DGSN—Moroccan domestic intelligence) by King Mohammed VI in 2006 as a consequence of the DGSN’s poor performance in eradicating terrorism. Another Belgian paper added to the confusion by claiming Belliraj had for several years been an informer for the Belgian domestic intelligence agency, Surete de l’Etat (De Standaard, February 29).

The light has yet to dawn on this case. More information should become available in the coming days or weeks as Morocco and Belgium exchange information. So far, three conclusions can be drawn with some certainty. First, terrorism remains one of the main concerns of Moroccan authorities. Second, Morocco has a willingness to demonstrate its efficiency in counter-terrorism to both its own people and to the international community. Rabat is trying to become one of the world centers of counter-terrorism, as demonstrated by the summit on nuclear terrorism held in February in Rabat. Third, the threat of terrorism is likely to rise in Morocco as jihad is spreading in North Africa and Moroccan fighters are returning from Iraq with lessons to teach to would-be terrorists. It will be interesting to see if the nexus between terrorism and organized crime is confirmed, as well as the alleged cooperation between radical groups with apparent religious and ideological incompatibilities.

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mardi 4 mars 2008

Bombardements Aériens en Somalie: Leçons pour les Guerres Asymétriques

Les Etats-Unis ont eu recours à une nouvelle frappe aérienne en Somalie. La cible était un leader d'al-Qaïda, selon le Pentagone. Selon des sources locales, la cible serait Saleh Ali Saleh Nabhan, un Kenyan qui est suspecté d'avoir participé aux attentats contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie en 1998. Cependant, alors que le sort du prétendu terroriste était inconnu, plusieurs civils ont trouvé la mort dans le bombardement, et des centaines ont fui la région par peur. Il s'agit de la quatrième frappe aérienne américaine en Somalie depuis la prise de contrôle par les forces éthiopiennes en Décembre 2006. Et le Pentagone a indiqué qu'il continuera à poursuivre cette stratégie.

Les Américains n'apprendront-ils donc jamais la leçon? L'expérience irakienne a enseigné l'importance du travail sur le terrain, du contact avec la population, de sa protection et du développement d'un récit narratif pour contrer celui des insurgés/terroristes. Il a fallu trois ans pour tirer les bonnes leçons en Irak, et on aurait logiquement pu espérer que ces leçons soient appliquées à l'ensemble des conflits asymétriques, moyennant quelques adaptations. Visiblement, il n'en est rien.

La culture militaire est résistante. Au Pakistan, avec le bombardement qui a coûté la vie du leader d'al-Qaïda al-Libi, et en Somalie, les Américains continuent de mettre en oeuvre des techniques qui se sont démontrées non seulement inefficaces, mais surtout contre-productives. Les dernières nouvelles de Somalie indiquent que la rancoeur à l'égard des Etats-Unis est croissante. Il est temps que l'armée américaine développe une stratégie contre-insurrectionnelle et contre-terroriste qui dépasse le simple contexte irakien. Les Etats-Unis ne peuvent tout simplement plus se permettre de répéter indéfiniment les mêmes erreurs.

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